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Billet de blog 21 juin 2014

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Fourberies en escarpins

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« Quoi, je suis donc un fourbe, un bizarre, un jaloux ?
Corneille, le Menteur, II, 3

Bravo, l’artiste ! Manuel Valls vient d’effectuer un de ces entrechats de communication dont il a le secret. Le principe de cette figure de danse est simple : c’est une cabriole entrelacée, où peu importe comment on retombe pourvu qu’on soit monté bien haut. En conjuguant le devoir d’État et le saut de côté, la volonté de fermeté et le désir d’apaiser, la signature immédiate et l’effet différé, la fermeture de la porte et la discussion sur le palier, le Premier Ministre tente de se donner l’image paternelle du médiateur. Il s’agit pourtant d’un épais écran de fumée.

Car l’objet de la manœuvre n’était pas du tout de s’adresser aux travailleurs en grève et de leur donner des gages : en annonçant la signature de l’agrément, Manuel Valls rendait impossible tout apaisement, et il ne l’ignorait pas. Mais en reconnaissant qu’il y avait un problème (notamment avec l’allongement du différé) et en proposant que l’État mette la main à la poche, en constituant une funèbre énième commission avec des personnalités du milieu (pauvre Hortense, que va-t-elle faire dans cette galère ?), il s’adressait à l’opinion publique qu’il entend dresser contre ces enragés défendant, pour certains, un coûteux privilège (n’y-a-t-il pas des abus qu’il faudra corriger ?). Alors que l’État lutte contre le déficit, qu’on demande aux Français un gros effort, lui n’hésite pas à puiser dans la poche du budget quelques millions de compensation ! Sans prendre la peine d’expliquer pourquoi cette contribution de l’État est nécessaire. Voilà qui ne peut évidemment qu’affaiblir le mouvement, aux yeux d’une opinion publique déjà partagée, parce que mal informée des véritables enjeux.

Le piège était tendu, dans lequel le mouvement de défense des intermittents ne pouvait pas manquer de se jeter. Et la CGT est pleinement tombée dans le trébuchet. Non pas en appelant à continuer la lutte, et en refusant la capitulation : la survie du dispositif est à ce prix. Mais en écartant maladroitement et définitivement la piste d’un financement de l’État complémentaire à l’UNEDIC. C’est pourtant là, en raison de la nature profonde de l’intermittence, aide essentielle à la liberté d’expression culturelle, qu’est la seule porte de sortie de crise. Il serait grand temps de s’emparer de cette reconnaissance implicite d’un dépassement du strict cadre de la solidarité interprofessionnelle pour exiger un report de la signature à octobre, et de mettre l’été à profit pour réunir autour du ministre du Travail les partenaires sociaux.

Mais soyons lucides, au-delà de cette péripétie, Manuel Valls n’a aucune envie de négocier. Il préfère par le cynisme et l’insolence se faire passer pour vigoureux. Il sait qu’en acculant les acteurs culturels à bloquer les festivals, il les amène à s’entre casser. Et le Premier Ministre de se laver les mains du sang d’Avignon en espérant que la fête du Mondial continué suffira à mettre des étoiles dans les yeux de ceux que la fête gâchée de la culture aura attristés. Son faux aura-t-il plus de poids que le vrai ?

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