Toujours dévoyées, captées, maîtrisées et retenues pour servir des intérêts particuliers,
Nous avons anéantis nos sources: puanteurs dans les fleuves, guerres et maladies sur les rives.
Du Gange au Mississippi, on ne laisse plus le lit déborder pour embrasser la terre.
Notre monde s'assèche et tout nous divise toujours plus. Les murs partent en poussière, les montagnes volent en immenses plages sans vies. Des barrages contiennent une violence silencieuse en noyant en même temps qu'ils assèchent des mondes, qui se prend pour un Dieu?
Pas les sources et leurs cours…
Dans la nuit, on suppose que l'eau douce, un jour, se mêle à la mer. On n'y connaît rien à vrai dire, mais ne sachant suivre la finesse d'un petit filet d'eau, nous imitons l'océan, faussement pleins et plats: vaguelettes en surface mais sans courants aucuns. C'est que l'attitude de l'amer nous paraît la meilleure.
Le faste de la mort et du néant n'est plus le privilège de quelques curés mais le cachot de notre espèce. Essoufflés dans l'abîme inconnu, vivants au fond et déjà flottants en surface.
Les eaux profondes n'ont rien à voir avec nous pourtant: enfer liquide, ombre totale. Et la part de nos cours qui finit en abîmes n'est pas celle qui ramène à la pluie; c'est à la surface de la mer que l'eau monte au ciel, pour aller frapper la rigueur de nos sommets. Nous qui sommes aux gorges de la vie, qui courent et font grand bruit, les précipices où se cascadent les instants:
Un bruit de ténèbres pour l'innocence et le courage.
Suis-je vieux moi qui voit la plaine et les affluents? Je ne crois pas, je la désire du creux de ma gorge, j'ai le soleil qui contraste les nuages et toujours deux versants qui m'inclinent vers mon propre cours:
Forêts pleines d'indices, chaînes embrumées, pics en feu, sommités blanchies sont derrières moi.
Le ciel va s'élargir bientôt, là où tout coule en douceur. Il me reste plateaux à creuser et plaines à parcourir. Tout sera affluent, la crête des idées sera la cime des arbres, au souvenir des montagnes d'enfance:
Collines caressant l'horizon, amis lointains sous les mêmes astres.
Je ne laisserais plus de ruisseaux se prendre pour des abîmes, leur avouant l'amour du fleuve pour ses multiples sources. La pluie n'attend pas la mer pour monter au ciel, la vie sur la terre transpire mille averses fertiles:
Rosée chaude au front du monde.