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Billet de blog 23 juin 2024

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La cristallisation du lithium cristallise les enjeux et ... les tensions.

Dans cet article nous allons tenter de répertorier les risques associés à l'extraction du lithium, en nous appuyant principalement sur une étude menée par l'INERIS, mais aussi d'autres articles sur le sujet.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Etude sur les risques associés à l’extraction du lithium contenu dans les fluides géothermiques, INERIS, janvier 2024.

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Illustration 1

1/ Chaine de production de lithium

Avant de commencer, il faut bien faire la différence entre l'extraction du lithium et le raffinage, la purification de celui-ci, qui sert à obtenir le "produit" final.
Ce sont donc 2 étapes bien distinctes, comme cela est précisé par l'INERIS, page 27.
"Cette étude pourrait également porter sur une identification des potentiels de danger liés à l’étape finale de purification du lithium qui fait suite à son extraction directe."

Illustration 2

En effet; l'extraction consiste à filtrer le lithium présent dans la saumure (eau) géothermale dans une unité d'extraction via des cartouches filtrantes et plusieurs "lavages" à l'eau douce (plus solvants etc), prélevée directement dans la nappe phréatique. Les quantité d'eau prélevée sont ENORMES, à savoir 25000m3 d'eau douce pour 1 tonne de lithium, selon l'université de Karlsruhe (KIT) !! Les opérateurs annoncent plusieurs dizaines de milliers de tonnes de lithium par an .

Selon la méthode d'extraction choisie, des produits tels que de l'acide chloridrique (qui peut être produit directement sur le site), de l'acide citrique, de l'ammoniac, du kérosène (etc) peuvent être utilisés. Il faut aussi rappeler que le lithium, sous ses différentes formes (chlorure de lithium, carbonate de lithium et hydroxyde de lithium) présente lui même des dangers qui lui sont propres. Les procédés utilisés peuvent avoir des effets néfastes sur les installations (dépôt de minéraux, corrosion, perte de confinement etc).
Après extraction, ce lithium sera encore impur, d'autres minéraux étant encore mélangés avec celui-ci.
Pour obtenir du lithium "qualité batterie", il faut ensuite passer par une usine de raffinage, purification, type Viridian, à Lauterbourg.

Nous avons donc; pour une chaine de production de lithium, 3 types "usines" :

- une centrale de géothermie (220 millions d'euros)
- une unité d'extraction (517 millions d'euros)
- une unité de raffinage, purification (322 millions d'euros)

Pour une "filière complète"; il faut compter entre 3 / 4 centrales de géothermie profonde pour alimenter l'unité d'extraction et de raffinage. Soit un investissement compris entre 1,5 et 1,8 milliards d'euros, selon Alain Ligier, ancien secrétaire général du comité sur les métaux stratégique (rapport de 2023, chiffres pour Vulcan en Allemagne).

Illustration 3

2/ Réglementation, nomenclature Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE), zone Seveso.

Qu'est ce que la nomenclature ICPE ?

Les ICPE sont régies par une nomenclature qui détermine non seulement leur régime de classement mais aussi leur statut SEVESO et s’organise en quatre catégories de rubriques, proposant chacune une description de l’activité et les seuils délimitant le régime de classement.

Actuellement, aussi surprenant que cela puisse paraître, les centrales de géothermie profonde ne sont pas couvertes par la nomenclature ICPE.
Mais la mise en place de cet écosystème autours du lithium va changer la donne et ces installations pourront (note personnelle >> et seront) retenues comme ICPE, "en fonction des substances utilisées, de leur quantité et/ou des activités ou procédés retenus." (Ineris, pg16, 26).

Note : une ICPE n'a pas forcément le statut SEVESO.

Risques d'accidents de toute sorte : séismes, explosion, incendie, pollution (air, sols, eau) etc etc ...
La proximité entre zone sévéso et géothermie profonde avait amené à l'arrêt de projets au port du Rhin.

Extraits :

"Localement, à la Robertsau, c’est l’emplacement du projet – prévu au port aux pétroles, une zone Seveso soumise à un plan de prévention des risques technologiques – qui est dénoncé en raison des risques d’explosion, ainsi que l’inexpérience de l’opérateur en GP (Géothermie Profonde); à Eckbolsheim, la mairie s’indigne du manque de concertation avec les autorités locales et les résidents."

https://www.facebook.com/photo/?fbid=170162198961545&set=a.157943943516704

Ils ne peuvent pas dire qu'ils ne savent pas, idem pour les opérateurs ...

3/ "En tenant compte des connaissances limitées (...)"

Cette phrase est souvent citée par l'Ineris, car les différents opérateurs ne donnent pas ou très peu d'informations sur le mode d'extraction, ni quelles substances ils utiliseront.

Il en est de même dans les dossier d'enquête publique où les opérateurs se cachent derrière le prétexte de confidentialité des procédés.

4/ Accidentologie, risques.

Toujours selon l'Ineris, "le retour d'expérience sur l'accidentologie de la filière montre en outre que les puits géothermiques présentent des risques propres qui pourraient engendrer des EFFETS DOMINO sur d'éventuelles INSTALLATIONS connexes d'extraction de métaux, dont le lithium". (pg26)
L'Ineris souligne aussi le fait que "les procédés d'extraction de métaux mettant en oeuvre des procédés similaires à ceux prévus pour le lithium ont pu conduire à des évènements redoutés tels que des pertes de confinement, des rejets accidentels voire l'inflammation de combustibles".(pg26)
"En terme d'environnement, il est à considérer des risques toxiques au niveau des enjeux éventuellement présents à proximité du site d'extraction, voire de pollution en cas de rejet dans l'air, le sol ou l'eau." (pg25)

5/ Les cartouches filtrantes ... Nous connaissons la base de la recette mais pas les ingrédients.

Illustration 4

Comme nous l'avons vu précédemment, la transparence n'est pas le point fort des opérateurs. Très peu d'informations sont donc disponible sur le sujet.
Nous savons qu'il existe 4 procédés d'extraction différents. Le choix du mode d'extraction varie selon la nature, la composition de l'eau géothermale, mais aussi du ... rendement économique.

Illustration 5

Chaque procédé d'extraction a ses avantages et inconvénients pour les opérateurs.
Mais chaque procédé a des effets néfastes, pour la nature et l'environnement, les installations.
Certains sont plus gourmands en eau, d'autres en solvants, produits chimique, d'autres en énergie, et bien évidemment, certains sont plus couteux que d'autres, avec un rendement différent.
Nous connaissons la base, càd le principe de fonctionnement de séparation des métaux minéraux du lithium, donc la recette, mais nous ne savons pas quels "ingrédients" seront utilisés par les industriels selon la méthode choisie. Ils gardent leurs ingrédients bien secret.

Illustration 6


De plus, ces cartouches ne sont pour le moment, pas recyclable, Géolith travaille sur "le recyclage en fin d’utilisation des cartouches."

Géolith, qui a pour ambition d'ouvrir sa première usine de fabrication de cartouches filtrante dans une avenir proche (2025 ?) à Haguenau, travaille en collaboration avec Tronox, dans le Haut Rhin ... Qui nous donne un petit aperçu des ingrédients utilisés ...

"Géolith dans le Bas-Rhin. Tronox dans le Haut-Rhin. Deux savoir-faire sur le sol alsacien, qui se rejoignent pour un projet particulièrement ambitieux : produire du lithium localement, en Alsace."
"Comment? Avec du titanate de lithium, une poudre blanche qui sera fabriquée massivement à Tronox. Cette poudre servira a filtrer les eaux du sous-sol de la vallée du Rhin qui contiennent du lithium. Le procédé a été mis au point par Géolith."

Titanate de lithium :

On prépare le Li2TiO3 généralement à partir d'un mélange de carbonate de lithium Li2CO3, de nitrate de titane (en) Ti(NO3)4 et d'acide citrique traité par calcination, compaction et frittage.

Très appétissant, vous ne trouvez pas ? Miammm

Petite question : que ce soit les filtres de Géolith ou ceux d'ES et Eramet, Lithium de France ... Quelle est leur durée de vie ? S'il faut les remplacer tous les 3 jours ça va faire beaucoup ...

"Ces procédés peuvent avoir des effets néfaste sur les installations. Réalisés en plusieurs étapes pour séparer les différents minéraux, métaux, ils changent la composition des fluides, (tels que la composition géochimique, la température ou encore la pression) ce qui accroit certains risques néfastes pour les installations des centrales géothermiques.
En particulier, des phénomènes de corrosion et/ou de dépôt de minéraux secondaires pourraient avoir lieu. Ces processus ont de nombreuses conséquences négatives pour le bon fonctionnement des centrales géothermiques et donc aussi des installations d’exploitation du lithium. En particulier, on peut citer la fragilisation des infrastructures, la formation de déchets minéraux toxiques (métalliques et radioactifs) ainsi que la dégradation de la productivité thermique et du potentiel d’extraction".
DEMANDE DE PERMIS EXCLUSIF DE RECHERCHE DE SUBSTANCES MINERALES « LITHIUM », Permis d'Outre Forêt (fevrier 2019), d'ES Géothermie."

Les 4 procédés d'extraction (Ineris) :

- Concentration et précipitation

Cette méthode est fondée sur l’abaissement de la solubilité de sels par ajout d’un réactif. Le lithium géothermique peut ainsi être récupéré par précipitation sur des sels d'aluminium tels que AlCl3 ou NaAlO2. La récupération est accrue pour des pH basiques de l’ordre de 11,5 et pour des eaux géothermiques pauvres en calcium, ce qui nécessite d’extraire préalablement cet élément si ce n’est
pas le cas. Toutefois, ces réactions de précipitation ne sont apparemment pas privilégiées pour l’extraction directe de lithium issu de saumures géothermiques, étant donné leur caractère non sélectif qui engendre de nombreux co-précipités (carbonates de calcium, hydroxydes de fer...). Le lithium qui serait ainsi extrait nécessiterait de ce fait une purification et un traitement post-extraction importants pour répondre aux exigences de la « qualité batterie » qui exige une pureté en sels de lithium supérieure à 99,5%.

- Extraction solide/liquide

Mis en contact avec la saumure, certains matériaux à forte surface spécifique sont capables d’extraire par adsorption des espèces métalliques selon leur affinité. L’opération se déroule au sein de colonnes contenant le matériau d’adsorption qui se charge alors en ces métaux. Après un lavage destiné à éliminer les espèces métalliques qui ont le moins d’affinité pour ce matériau, vient une étape d’élution qui cible le métal choisi, en l’occurrence le lithium. La colonne subit ensuite un nouveau lavage avant de recommencer un nouveau cycle d’adsorption.

Illustration 7

- Extraction sur adsorbants organiques

Résines échangeuses d’ions :

L’utilisation de résines échangeuses à cations forts pour récupérer du lithium en solution est étudiée depuis les années 1970. Ces résines présentent toutefois une faible sélectivité pour les ions lithium et ne deviennent efficaces pour la DLE que lorsqu’elles sont imprégnées d’adsorbants inorganiques tels que Al(OH)3.

Polymères à empreinte ionique et autres adsorbants organiques

Plusieurs chercheurs ont étudié l’utilisation de polymères organiques pour extraire sélectivement le lithium, de préférence aux autres ions métalliques. Cette sélectivité peut être conférée en incluant des sites réactifs ou des structures spécifiquement dimensionnées afin de permettre l'entrée préférentielle du lithium dans la membrane, et non celle des ions concurrents.

Illustration 8

Extraction sur adsorbants inorganiques

Des solides cristallins inorganiques (hydroxydes ou oxydes d'aluminium, oxydes de manganèse, oxydes de titane...) se sont avérés être des adsorbants sélectifs du lithium. Ils sont d’ailleurs utilisés comme matériaux de cathode dans les batteries lithium-ion.

Illustration 9

- Extraction liquide/liquide

L’extraction à l’aide de solvants liquide/liquide s’effectue en trois phases :
- une phase d’extraction du soluté de la solution où la saumure est mise en contact avec un
solvant qui extrait préférentiellement un ou plusieurs solutés ;
- une phase de lavage par reflux du solvant, afin de laver le solvant de diverses impuretés ;
- une phase de réextraction du soluté à l’aide d’une solution de désextraction ; le solvant épuisé en soluté est alors recyclé après une étape de lavage ou de reconditionnement.

Choix des solvants

Les solvants d’extraction du lithium à partir des saumures se répartissent globalement en trois catégories qui se chevauchent potentiellement : des éthers couronnes, des systèmes multi-composants (constitués d'un extractant, d'un agent synergique ou co-extractant, et d’un diluant), et des liquides ioniques. Les métaux extraits dans une phase organique non polaire sont généralement récupérés à l'aide d'un agent de décapage aqueux qui est le plus souvent une solution acide, telle que l'acide chlorhydrique.

Illustration 10

Selon l'Ineris; "Lithium de France étudie différents procédés de purification et trois voies de conversion : Li2CO3 par précipitation, LiOH par électrolyse et LiOH par réaction de carbonatation. Dans ce cadre, la société est dans une phase de recensement et de collecte des brevets existants (...)Quelle que soit la technologie considérée, la purification de l’éluat se fera soit par carbonatation (précipitation, redissolution, recristallisation) pour obtenir du carbonate de lithium (Li2CO3), soit par voie électrolytique qui donne de l’hydroxyde de lithium (LiOH, lequel peut aussi être obtenu par voie indirecte, à partir du carbonate de lithium précipité). Ce sont les deux formes du lithium actuellement commercialisées. (pg34)

Concernant ES Géothermie; "le partenariat avec ERAMET, (...) vise à produire au moins 10 kt/an de Li2CO3 de qualité batterie à partir de saumure géothermique. Le process de raffinage du lithium se fera à pression atmosphérique avec une nanofiltration suivie d’une osmose inverse, puis de la précipitation du Li2CO3." (pg37)

6/ Bonus : Hors sujet : isotope 6 du lithium.

Le lithium se compose en 2 isotopes. L'isotope 6 (7,4%) et 7 (92,6%) du lithium. L'isotope 7 est destiné à l'industrie "classique", notamment pour les batteries.
L'isotope 6 a une grande importance, car c’est la matière première pour l’obtention du tritium H, qui avec le deutérium H seraient les combustibles éventuels des réacteurs de fusion nucléaire (Soleil 15 Millions de degrés Celsius , ITER ... 150 Millions ... en gros créer l'équivalent d'une éruption solaire mais ... sur Terre, dans une centrale nucléaire, mais c'est un autre sujet).

Se'Th

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