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Billet de blog 24 février 2012

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État des sols agricoles et forestiers en France

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le GisSol (Groupement d’intérêt scientifique « sol »)[1] a livré deux rapports d’étape aux ministères de l’Environnement et de L’Agriculture, l’un sur l’état des eaux des nappes après filtration par les sols agricoles, l’autre sur l’état physico-chimique et microbiologique des sols.

Ce dernier rapport a été présenté en novembre aux ministres et à la communauté scientifique et technique, après dix années de travaux. D’emblée, le rapporteur, M. D. Arrouays (unité InfoSol – INRA Orléans) a fait la remarque que « « L'état des sols français est plutôt satisfaisant »

Le sol, substrat des cultures de pleine terre, a différentes fonctions que le GisSol résume ainsi  « Une ressource essentielle, non renouvelable qui rend des services multiples », ce qui masque en fait des enjeux « planétaires » : disponibilité en eaux de qualité, production de biodiversité, production d’énergie via l’alimentation produite et, donc, sécurité alimentaire, aptitude à subir le changement climatique, etc…

Le pH (acido-alcalinité) des sols est dans l’ensemble assez stable, l’acidification par lessivage est contenue sauf dans certains terrains « cendreux » tels nos sables landais. La diminution des intrants chimiques (engrais) de ces dernières années n’affecte pas les taux en potassium. La présence de contaminants, notamment de métaux lourds comme le plomb, le cadmium et le zinc est constatée en teneurs généralement « plutôt faibles », en tout cas d’autant moins élevées faibles qu’on s’éloigne des zones industrielles et urbanisées, ainsi que des grandes infrastructures routières. Néanmoins en région parisienne et dans le Nord – Pas-de-Calais, ces contaminations ont gagné « des auréoles plus larges » (sic).

Deux contaminants d’origine phytosanitaire, des pesticides donc, sont plus nettement stigmatisés. D’abord un organochloré définitivement interdit depuis 1998, le lindane, « présent dans tous les sols, même là où il n’a jamais été épandu » indique le rapporteur. Et puis, dans les sols portant des bananeraies aux Antilles, un autre insecticide organochloré, largement utilisé jusqu’en     , le chlordécone, est présent et persiste à des taux inquiétants.

Au plan microbiologique, l’analyse de l’ADN microbien des sols montre une teneur et une diversité biologique nous rassurant sur leur activité : les sols agricoles ne sont absolument pas stériles.

Au plan de la fertilité « chimique », ce sont les faibles teneurs en phosphore dans la grande majorité du territoire qui inquiètent. A l'inverse, l'augmentation des teneurs, ainsi que des nitrates, dans les régions d'élevage, telle que la Bretagne ou le Nord-Pas-de-Calais, est préoccupante en raison de son impact sur la qualité des eaux et sur l'eutrophisation des milieux. « Cette juxtaposition de situations d'excédents et d'insuffisances potentielles soulève la question d'une meilleure valorisation des effluents d'élevage pour corriger les unes et les autres », explique le rapporteur D. Arrouays

Donc à côté des métaux lourds, éventuellement de la dioxine et des PCB, ainsi que de certains pesticides ou des effluents eutrophisants, les dangers qui menacent vraiment les sols français, et essentiellement les sols agricoles, sont d’une part l’érosion qui touche aujourd’hui 17% du territoire[2], et de l’autre l’artificialisation des sols (bétonnage ou « bétonisation », bituminage).

L’artificialisation [qui a fait l’objet de plusieurs articles de cette chronique du Poulailler depuis six ans] fait perdre en surface à l’agriculture française (toutes formes, dont maraîchage) l’équivalent d’un département tous les sept ans.

Enfin, incertitude ou menace : l’impact du changement climatique. Les deux en fait, « incertitudes » provenant du manque de connaissances subsistant sur les réactions des sols aux impacts du climat. Incertitudes et donc interrogations qui portent par exemple sur le stockage du carbone et son devenir sous l'effet du changement climatique

3,2 milliards de tonnes de carbone sont stockées sous nos pieds. « A 10 € la tonne de carbone et si l'on considère que 40% se trouve dans les 30 premiers centimètres travaillés, les agriculteurs détiennent avec leurs champs l'équivalent du budget annuel de la France », relève non sans humour D. Arrouays, qui ajoute : « Il faut considérer les sols comme un patrimoine de l'humanité » en citant Antoine de Saint Exupéry en guise d'avertissement : « On n'hérite pas la terre de nos ancêtres, on l'emprunte à nos enfants »

[1] Créé en 2001, le GisSol regroupe  deux ministères (agriculture et environnement), l'Inra, l'Ird, l'Ademe, l'Inventaire forestier national. Pour en savoir plus : www.gissol.fr.

[2] La réduction des surfaces en polyculture-élevage à prairies naturelles et la déprise agricole et pastorale, entre autres en montagne, couplées à l’intensification de type céréalier (cultures annuelles, voire monoculture du maïs) expliquent cette évolution. La réglementation imposant les couverts végétaux avec des plantes pièges à nitrates doit permettre d’enrayer ce phénomène, du moins en zones d’intensification céréalière et cultures industrielles [note explicative ajoutée par l’auteur du présent article].

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