C'était la personne la plus entière qu il ne m ait été permis de connaitre. Ces gens nés en 22, qui ont intimement connu la guerre, ils étaient faits d un acier qu on ne sait plus tremper.
Elle était surement la seule contribuable assujettie à l isf qui votait Arlette. Aujourd'hui, c est plus simple, y'a plus d'isf, et encore moins d'arlettes. Mais elle veut te couper la tête pour la mettre sur une pique, mamie! M en fous, elle a raison! elle répondait. Dans le patelin, y avait un seul bulletin Arlette, tout le monde se demandait qui avait osé. Ma grand mère etait féministe, mais elle ne le savait pas. Pendant la guerre, elle disait, collaborer, ca se conjuguait un peu plus au masculin. Elle votait Arlette aussi parce que c était la seule candidate qui disait vraiment ce qu elle pensait. Et ca, pour elle, c etait le seul critère qui comptait. Inconsciemment, c etait peut etre aussi pour rattraper les conneries de son mari, qui n avait aucune vergogne a voter FN. "Bateau", s exclamait-il quand au JT on parlait d immigrés.
Elle, on savait ce qu elle avait fait pendant la guerre. Infirmière militaire pour les soldats blessés. A l occupation, sa maison fut réquisitionnée, elle partit a la campagne. Lui, par contre on eut beau demander, nous n obtînmes jamais la moindre réponse. Pourtant son frere curé plutôt jésuite, fut déporté à Daschau, et revint en 45. On peut supposer qu il n ont pas forcement eu le même engagement. Quand on lui a demandé, ce fut la seule et unique fois que même la grand-mère ne répondit pas. En soi, c'était tellement étonnant, qu'on a jamais insisté.
Mon autre grand pere, lui, pendant la guerre, etait sous-marinier, et apres ca, ouvrier dans la sidérurgie, syndiqué cgt. Je suis le seul de ma fratrie a avoir eu la chance de vivre un repas, seul, avec mes 4 grands parents. Une sacrée tablée chez l ouvrier retraité, qui invitait mes autres grands-parents bourgeois. J étais petit, 12 ans, unique témoin de ce moment. Ils ont sacrement picolé. Mais il y avait un immense respect. Je me demande si c est encore possible maintenant. Avant, on respectait les ouvriers, les syndicalistes et les communistes, y avait vraiment plus que les fascistes et Gerard Longuet, qui les détestaient.
Ils sont tous partis, aujourd’hui. Et j ai l intime conviction que tant qu ils étaient là, ca n osait pas chicaner sur le sens des mots comme république ou liberté. On rigole pas avec ces choses la, quand on a vécu la guerre du bon coté.
Ma grand-mère, elle disait jamais, c etait mieux avant, parce qu avant, ca voulait aussi dire du temps des allemands. Ceux qui disent ca aujourd hui , c est souvent les vieux qui sont nés pendant une opulence irraisonnée, qui regardent cnews et sont d accord avec bolloré. Ils sont partis aujourd’hui, les grands parents, et je suis sur que de leur vivant, jamais un politicien n'aurait osé dévoyer des mots qu ils ne comprennent meme pas.
Maintenant, je suis le premier étonné, quand je me prends à penser, que c etait mieux avant.
Quand mes grands parents étaient là.