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Billet de blog 8 juin 2010

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En attendant Ban Ki Moon...

Il se passe ici bien d’étranges choses…Ici, c’est-à-dire au Burundi.

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Il se passe ici bien d’étranges choses…Ici, c’est-à-dire au Burundi.

Un étranger reste bien entendu à l’écart d’une compréhension claire des événements auxquels il lui est donné d’assister. Il se doit d'être humble.

Cependant il n’est peut-être pas inutile d’en tenter, au moins, une recension.

Demain, mercredi 9 juin, le Secrétaire Général des Nations-Unies, Ban Ki Moon, vient nous rendre visite. Il y a deux semaines, avec deux jours de retard, ont eu lieu les premières élections d’une longue série qui se poursuivra jusqu’en septembre. Il s’agissait des élections communales. Dans deux semaines auront lieu les élections présidentielles. Voilà pour le cadre. Remplissons-le maintenant…

Un nombre très important de partis se présentèrent aux élections communales. Parmi eux, hormis le parti au pouvoir (CNDD-FDD), quelques partis d’oppositions pouvaient représenter une réelle menace, en premier lieu le FNL, que d’aucuns voyaient conquérir le pouvoir. Il y avait aussi les partis historiques, le FRODEBU et l’UPRONA, ainsi que deux nouveaux partis qui faisaient parler d’eux, l’UPD et le MSD, sans oublier le CNDD, issu d’une scission du CNDD-FDD.

Un mois plus tard, pour les élections présidentielles, ne restera en lice qu’un seul parti : le CNDD-FDD, représenté par l’actuel Président de la République, Pierre Nkurunziza.

Que s’est-il passé entre ces deux votes ? La victoire du parti présidentiel aux communales fut éclatante. Au terme de calculs complexes, la moyenne estimée des voix est de 64%. Ce qui, aux yeux des partis d’opposition, est inimaginable. Ils ont donc demandé à la CENI, la Commission Indépendante chargée de superviser les élections, d’annuler ce scrutin, pour fraudes, et de le remettre au même jour que les présidentielles.

Ils fournissent de nombreux témoignages ou indices pouvant laisser penser à une fraude massive : coupure d’électricité générale au moment du dépouillement (il semblerait que le syndicat des ouvriers de la compagnie d’électricité ait déclaré avoir obéi à un ordre), découverte de plusieurs urnes pleines en divers lieux du pays, témoignages de tentatives d’intimidation, découverte d’une facture locale d’impression de bulletins de vote (quand tous étaient censés être imprimés à l’étranger), etc. (liste non exhaustive).

Cependant, les observateurs nationaux (la Cosome, Coalition de la Société Civile pour le Monitoring Electoral, dont l’indépendance est reconnue) et internationaux (l’Union Européenne) chargés de veiller à la bonne marche des élections ont assuré très rapidement que tout s’était passé au mieux, mis à part quelques cas isolés de fraude.

Ce qui n’a pas suffi à calmer les partis de l’opposition. Ceux-ci se sont donc désolidarisés des élections présidentielles et ont tous retiré leur candidature. Ils craignent que la venue de Ban Ki Moon soit l’occasion pour celui-ci de demander, au vu des observations officielles, le retour à la norme, et leur réintégration dans le processus électoral.

Parallèlement, le pouvoir se durcit et interdit toute réunion politique de ses opposants. Ce jour, il a refusé, ainsi que la CENI, de participer à une réunion organisée par le Cosome et leconseil national des Bashingantahe (les « notables », ou « sages », Fondation privée fort écoutée au Burundi), pour tenter une forme de conciliation, ou du moins de dialogue entre les partis. Par ailleurs, la radio Rema FM, organe du parti présidentiel, semble tenter l’amalgame entre opposition politique et ethnique. C’est cela, en fin de compte, qui vaut le présent article. Car voici l’interrogation : quel est l’intérêt du parti au pouvoir, dont les organismes internationaux comme les observateurs locaux reconnaissent la légitimité, de s’en prendre en termes ethniques à ses opposants - ne serait-ce que par l'intermédiaire du média qu'il contrôle ? Ce point ne laisse pas d’être très inquiétant, et d’aucuns à Bujumbura, la capitale, rappellent comme en écho l’existence terrible d’une radio qui, en 1994, au Rwanda, constitua le fer de lance des génocidaires, la Radio Mille Collines de très sinistre mémoire.

Il ne nous reste plus que d’attendre, et d’essayer d’y voir clair…

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