La médiocrité des puissants, court billet d’humeur. J’ai eu l’occasion déjà de brocarder ceux qui font profession de gouverner, allant jusqu’à les qualifier de minables ; terme indélicat dicté par l’amertume, mais qui, le temps passant, ne me parait pas inadéquat pour autant… La capillarité s’exerçant telle une impérieuse loi, il me faut remarquer et faire remarquer que ce que je me contenterai aujourd’hui de nommer la médiocrité s’installe à tous les étages.
Le jour est venu, bien malgré lui, tristement, d’en évoquer une manifestation. Imaginons un instant que par un procédé technique stimulant les ondes sonores et permettant de les déplacer à loisir le salon des Verdurin fut rendu public, non pas visible, mais audible. Bien entendu l’entre-soi y perd. Par contre, l’occasion est unique de faire connaître l’inanité de sa parole, en la parant des plus beaux atours.
Soyons honnêtes, il faut de suite redde Caesare quae sunt Caesari, et proclamer haut et fort que le dit salon fut, un temps, le lieu où la pensée put s’exprimer à loisir, c’est-à-dire à pas feutrés, sans flagornerie, du moins sans trop de flagornerie, et s’adresser à qui voulait l’entendre bruisser.
Ce temps est désormais lointain, le procédé technique s’est amélioré, mais le salon est devenu l’épicentre d’orgueilleuses et vaines démonstrations, de discussions superflues, de propos souvent oiseux assénés sans vergogne (il est utile de préciser ici que la vergogne est ce qui fait le plus souvent défaut au médiocre ainsi s’exprimant, et n’aimant rien mieux que de parler à tout propos, d’autant plus brillamment que de ces propos il sera le coeur).
Hélas ! Cette déchéance, à quoi, à qui la doit-on ? A l’air du temps, sans doute, il est bon d’en convenir. Mais l’air est chanté, et bien chanté, par de fidèles interprètes. Ce sont d’autres puissants, d’autres dirigeants. Et comme ceux qui les nomment, ils manquent à la fois d’esprit, de courage et d’originalité. Ils sont besogneux, lâches, médiocres en un mot. Et dans leur obéissance bornée à ce qu’on leur a décrit comme un cap à suivre, nécessairement puisque suivi par tous, ils ont réduit un cénacle vivant, peu à peu, en un morne cimetière.
Le travail n’est pas terminé ; mais en se débarrassant d’un trublion (il convient ici d'ajouter : sans y prétendre et bien malgré lui), de deux qui marquèrent le salon de leur empreinte délicate - un de plus - et de manière en tout point semblable à leur défaut de scrupule, sans égard, sans respect, ni pour le poète en question, ni pour ceux qui tendaient l’oreille au mouvement ondulatoire de sa voix comme de celles qu’il invitait à s’élever dans l’air du soir, et qui en parfumaient tendrement la couleur, en se débarrassant médiocrement et brutalement d’un passeur de goût, ils ne l’achèvent certes pas encore, cette triste tâche, mais on devine leur jubilation à voir le terreau rendu un peu plus stérile.
Et, pour conclure ce mouvement du plus grossièrement qu’on put imaginer, ces puissants dont le salon dépend ont choisi de couper le fil des ondes qui, pour un dernier soir, s’adressaient à nous qui l’attendions comme un dernier rayon de soleil avant qu’il ne se couchât derrière les montagnes abruptes.
Pour qui, par sa modeste voix, souhaiterait se faire l’écho de cette désolation, il n’est que de cliquer ici :
http://www.mesopinions.com/petition/medias/contre-suppression-jour-lendemain-limogeage-alain/12434
… si le coeur lui en dit…
C’est un rien contraignant, un rien froid, mais il est parfois peu de moyens à qui veut se faire entendre… même lointainement...