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Billet de blog 13 juin 2015

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Hors de soi (l'exil) #2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le menteur.

Lorsque j'ai débuté ces chroniques, il me semblait que j'y aurais beaucoup à relater, des faits, des sensations, des hymnes, qui eussent pu se succéder à un rythme incertain, mais régulier.

Las. C'était compter sans le découragement. Le mur de l'inutile. Car, face au mal déployé avec une telle ardeur, que puis-je ?

Je me suis interrogé tout d'abord sur les limites de l'atermoiement, car c'est ainsi que tout avait commencé ; mais au regard des immenses souffrances d'un peuple, que pouvait bien annoncer d'utile un exilé volontaire, quand il entendait tant de cris, voyait tant de blessures, constatait tant de colère triste ?

Que raconter, qui puisse l'aider, de ce peuple magnifique, grand par la détermination, plus grand encore par le courage, y compris et surtout celui de la paix ?

J'avais le désir de laisser libre cours à la colère, de crier contre les agissements de ce président-dictateur et de sa junte, de décrire le mal dont ils se rendent coupables…

J'avais le sentiment qu'en exposant le degré inédit de corruption, qu'en commentant la destruction de l'urbanisme d'une ville, les constructions chaotiques de bâtiments hideux fruits des détournements d'argent, j'eusse pu servir une juste cause.

Je caressais le rêve qu'en décrivant la folle détermination d'un homme et de sa clique, non seulement à conserver le pouvoir, mais surtout à en profiter pour poursuivre un enrichissement illicite par le biais de contrats miniers, de trafics en tout genre, de rackets incessants, j'eusse pu aider à comprendre une situation peu claire aux yeux de lecteurs lointains.

Je m'imaginais pourfendre les mensonges des porte-paroles et autres conseillers cyniques, asséner les faits contre la déformation qu'ils en font quotidiennement, mais cela, d'autres dont c'est le métier le font beaucoup mieux.

Camusien jusqu'au bout des ongles, j'aimais croire à la force des mots contre le mal.

Mais qui les lirait ? Et seraient-ils de la moindre force contre les mensonges répétés des hommes indignes ?

Il faudrait autre chose pour lutter contre le mal, ce mal infligé à une nation et à son peuple.

Autre chose pour rendre justice au courage de ceux qui la peur au ventre se lèvent pour aller monter des barricades, prendre des photos, lutter pied à pied contre le crime officiel.

Autre chose, mais quoi ?

Cela reste à trouver…

Toutefois.

Toutefois j'ai écouté le criminel dont la fierté semble d'être le conseiller du dictateur mentir éhontément, à propos de tout. A propos des manifestants, qui seraient violents. A propos des imbonerakure, qui ne seraient pas seuls à meurtrir la population, et qui ne seraient pas armés. A propos de la révision avortée de la Constitution, en 2014, qui aurait été désirée non pour préparer un troisième mandat, mais pour respecter des règles internationales. A propos des médias, qui seraient interdits d'antenne non parce que gênants, mais parce que sous le coup d'une enquête judiciaire. A propos de la Constitution, qui serait supérieure aux accords d'Arusha alors que ses attendus stipulent le contraire. A propos de l'interprétation de cette Constitution. A propos de tout.

Cet homme de doit pas rester impuni.

Quoique découragé par sa puissance et celle des assassins sous ses ordres, quoique abattu par la haine qui règne (presque) sans partage, quoique faible et triste face à la désolation, il n'est pas juste de rester muet !

Que ce criminel et son bourreau de patron soient arrêtés, eux et les leurs, dans leurs basses œuvres. Qu'ils soient jugés. Voilà mon cri. Voilà ma demande. Voilà mon désir. Non pas de meurtre, ni de violence, mais de justice. Pleine et entière.

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