J'en reviens tout d'abord au ressentiment des orphelins de 72, sur lequel j'ai eu précédemment l'occasion de m'exprimer. Certains de ceux dont l'un des parents (ou les deux) a été tué en 72 refusent cette spirale de la haine.
De manière exemplaire, Aloys refuse que ces tueurs assassinent en son nom ; il dément que cette psychose puisse le prendre dans ses rets : « Orphelin de 1972, je n’accepterai jamais de porter la responsabilité des enfants et jeunes sauvagement tués a Bujumbura, comme quoi quelqu'un veut me venger. En tout cas pas moi. Non, non et non!!!! »
Voir sa page facebook pour plus de détail : https://www.facebook.com/aloysdegonzague.niyoyita
Cela montre deux choses : que le pire n'est jamais inéluctable, car tous ne le désirent pas ; que la jeunesse burundaise attend autre chose que les meurtres qu'elle voit se perpétrer sous ses yeux depuis plusieurs mois.
On entend, et les propos tenus publiquement par des personnalités politiques ne le démentent pas, que les assassins se sont donné pour tâche de répéter les massacres de 72, afin de se venger.
Il y a urgence. Après réflexion, il me semble qu'il vaut mieux se tromper en dénonçant les préparatifs du génocide que de n'en pas parler par crainte d'exagérer – et qu'il ait lieu. Qu'on me pardonne, vu cette urgence, de rapporter quelques faits bruts, parmi d'autres, sans prendre le temps de les mettre en forme.
- Témoignage d'une jeune femme, violée à Nyagabiga pendant les tueries du dernier week-end : pendant l'horreur perpétrée, rires des violeurs : « vive le 3ème mandat ! Sans lui on n'aurait pas pu se taper une tutsi ! »
- Dernier discours de Gélase Ndabirabe, secrétaire général du CNDD-FDD (parti au pouvoir) : Thomas Sankara et les sankaristes sont des nilotes (apparentés au tutsi dans l'idéologie hamitique née du cerveau fertile des colons européens à la fin du XIXe siècle) ; ils veulent instaurer un pouvoir anti-bantou en Afrique, auquel il faut résister.
- Témoignage d'une femme à Bujumbura : elle découvre une croix rouge sur la façade de sa maison. Elle fait un tour du voisinage : les seules maisons sans cette croix sont habitées par des hutu.
- Il y a quelques semaines, les instituteurs ont réussi à empêcher qu'une fiche signalétique qu'on leur demandait de remplir ne mentionne leur groupe ethnique. Il semble que l'armée, elle, n'ait pas pu s'y opposer.
- Moïse Bucumi, député autrefois proche de Nkurunziza ayant fui le pays il y a plusieurs mois, prévenait à ce moment lors d'une interview : des éléments FDLR ont rejoint les forces de l'ordre ; le revirement ethniste du Président Nkurunziza prélude à un assouvissement de sa haine anti-tutsi dans le sang. (Son interview, ici : https://soundcloud.com/albcontact/bucumi-moise-2nd-part-french)
Horreur, fanatisme, délire psychotique. Il est à craindre que les massacres du dernier week-end ne soient suivis d'autres. Des bruits circulent à ce sujet. Il faut se méfier des bruits, tout particulièrement au Burundi. Mais il s'agit aussi de ne pas se tromper : depuis plusieurs mois, avec une aggravation ces dernières semaines, des familles innocentes sont meurtries, des enfants sont tués, des femmes sont violées. Ces faits ne sont pas des bruits, et pourraient connaître un terrible épilogue.