Une opinion est un sentiment porté sur quelque chose ou quelqu'un : elle est donc personnelle par définition.
D'où vient-elle ? Par quoi est-elle provoquée ? Chaque individu a de cela son appréciation propre, sans se poser la question à mon sens primordiale : à quoi sert-elle ?
Pourquoi avoir une opinion ? Pourquoi comme certains avoir une opinion sur tout ? Pourquoi ce besoin irrépressible de toujours vouloir se situer par rapport aux choses, aux gens ?
Cela rassurerait-il ? Cela permettrait-il de se sentir exister, ou bien d'appartenir à un groupe ? Cela satisferait-il votre ego ?
Ah, l'ego… l'ego, triste chose pour beaucoup… si invisiblement présent… Moloch exigeant toujours plus et encore et encore, que vous devez nourrir à tout prix pour votre bien-être…
Mais pourquoi le gaver autant, ce gros pépère ?
Il y a certes des opinions nécessaires, ne serait-ce qu'à votre survie depuis la nuit des temps de l'homme, en particulier concernant les champignons, puisque tous les champignons sont comestibles… au moins une fois.
Quand vous êtes au marché et choisissez un melon ou un poulet selon votre opinion, c'est le fruit d'une prise d'informations, de résultats répétés vous amenant à choisir, par instinct pensez-vous, "le meilleur".
Or c'est tout sauf de l'instinct en ce cas, il s'agit bien d'une démarche expérimentale, vérifiée à maintes reprises : une sorte d'action automatisée répondant à des stimuli dont vous n'avez même plus conscience explicite, faisant intervenir des facteurs nombreux et divers, fruit de votre expérience.
Pour se forger (le mot est important) une opinion, il faut donc en avoir la nécessité, prévoir une démarche, observer, prendre connaissance des faits et à la lumière des résultats, analyser, faire une synthèse justifiant l'opinion, qui pourra évoluer à partir de faits nouveaux ou par feed-back suite à l'expérience crée par la répétition.
C'est bien cela une opinion.
Pour la plupart des gens, l'opinion est bien autre chose : c'est une réaction spontanée, viscérale, fondée prioritairement sur l'affect du moment, cherchant à se positionner immédiatement pour ou contre une opinion déjà proposée.
Vous ne connaissez quasiment rien des faits, les disciplines qui les concernent vous sont parfaitement inconnues, il est même possible que ces faits soient inexistants, mais vous allez donner un avis, c'est sûr.
- Bonjour madame, quelles vont être les conséquences de la déclaration de monsieur Sarkozy annonçant une baisse sensible du prix des cigarettes ?
- Monsieur bonjour… La Pologne suspend ses exportations vers la Tchéquie suite à l'affirmation du président tchèque selon laquelle 95% des Polonais seraient alcooliques. Votre avis, s'il vous plaît ?
- Pensez-vous vous situer au dessus de la moyenne des Français ? (dans un billet, j'expliquais que cette question posée vraiment à 50 personnes un matin avait reçu 49 oui, un seul s'étonnant de son incongruïté).
Cette "opinion"-là ne sert strictement à rien, elle est même fort nuisible, car elle carapace votre ego, vous habitue à vous positionner sans la moindre démarche intellectuelle d'un côté ou d'un autre.
L'accumulation de ces parti-pris va ultérieurement fausser vos jugements et vous empêcher de penser.
Vous n'êtes pas convaincus… après tout, votre opinion en vaut bien une autre (la preuve, vous avez même le droit de vote hi hi). Pensez-le si vous le désirez mais c'est faux.
De plus, une opinion fondée sur des faits passés à l'épreuve de la raison amènera souvent un consensus, stable dans le temps. Si de nouveaux faits s'ajoutent, elle pourra être susceptible d'évolutions, mais sera toujours logiquement partagée.
Le plus important est qu'elle vous laissera sans parti-pris pour la suite.
Comprenez bien que pour des raisons de confort et d'ego, les gens ont tendance à se construire des réalités proches du vrai, mais pas tant que ça.
Le seul monde réel et juste car il est le même pour tous est celui des faits, authentiques et avérés. Souvent la communication dérape car chacun peut avoir des mêmes faits une interprétation partielle et partiale, personnellement sélective : il sera impossible de s'entendre.
Et encore, si c'est vraiment une opinion personnelle…car depuis toujours et à chaque seconde, nous sommes tous constamment manipulés, constamment habillés de prêt-à-penser dispensé par ce monde aux motivations intéressées et perverses.
Notre nature d'homme, le poids des traditions, de la pensée judéo-chrétienne, des grands majors de l'information, de la publicité, des conseilleurs, des voisins "bien intentionnés" est envahissant.
Il faut donc lutter, vaincre sa paresse mentale, rester intellectuellement extérieur, même si vous vous sentez impliqué émotionnellement.
"Le cœur ne pense pas plus que la tripe" disait Goca.
Qu'un incident mette en cause un inconnu, votre voisine, votre fils, c'est pareil : les faits sont les mêmes faits, donc doivent entraîner les mêmes pensées et les mêmes actions.
Car la pensée est action, l'opinion, non.
Votre opinion spontanée dont chacun se fout en fait car chacun en a une, et à choisir, il préfère celle de ses tripes aux vôtres.
De toute façon, ce que vous ressentez n'intéresse personne et ne fera jamais en aucun cas avancer une discussion.
Vous ne venez que vous peindre, après le précédent et avant le suivant : il n'y a aucun échange, car il n'y a rien à échanger… et on parle, on parle, jusqu'à ce qu'on ait quelque chose à dire… ou pas.
Bref, pour communiquer, les opinions-sentiments, on s'en tamponne…
A suivre (dernier opus) : la communication et les conditions propres à l'assurer.
Billet de blog 13 novembre 2009
Le sage n'a pas d'opinions (II)
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