À LA FIN DE L’ENVOI...
Que ce juvénile s’attire un Juvénal
Sans duper ni tricher à ce grand jeu vénal
Qu’on lui trouve un bouffon, rimeur, écrivaillon
Pour se mettre dans les pieds d’un François... Villon
Non un de ces cire-noms, plumitifs sans plaies,
Dithyrambe à tyrans, courtisans appelés
Encenseur de censeurs, laudateur idolâtre
Coiffeur de crinière de chevelure en quatre,
Ni batteur de croupe, lécheurs de queues-de-pie,
Jupe-à-terre, robe courte et pisse-copie.
Ne cherchant ni tape au dos, ni bravo, ni bourse
Je taris mon éloge aussitôt à la source
Tire vers du nez au Pinocchio du pinacle,
Ce salaud de salon, cynique de Cénacle
Menteur sans le talent d’un acteur aquilin
(Le rôle de sa vie qu’a joué Coquelin)
Me voici... Cyrano ?... D’occasion, bas étage
Même art, autre rime, même passion, autre âge
Murmure au pied du mur, presqu’en rez-de-jardin
Je versifie comme prose Monsieur Jourdain
Dans son ombre à tâtons, je recherche sa nuque
J’ôte son masque, son air niais et sa perruque
Alors, j’ôte mes gants puis le mouche du coude
À la fin du convoi solennel, je le boude...
(Ses joues ? Des monts roses, tant d’autres fois dardées)
À Edmond Rostand, révérences gardées
Si je suis Cyrano, il est mon Montfleury
Je vomis juste en vrac mes banals mots fleuris
Et si au moins ces vers valent mieux que les miens,
Ces simples mirlitons sont unis par mes liens
Mes rimes riches sont appauvries mais bien libres
Et ne sont pas prêtes à plier sous leurs chibres
Ma plume est tirée de chouette de Minerve.
D’homme de Bergerac, j’ai le nez, pas la verve
Ni feutre, ni cape, - qu’y puis-je ? - j’peine seul
À noircir ma feuille blanche comme un linceul
À lueur d’un néon, mon néant insomniaque
Que je noie seul dans mon encrier d’ammoniaque
D’où je sors mon fusain sous ma côte de maille
Le jour je ferraille, quand la nuit je rimaille
Non qu’il m’intéresse ou bien même me fascine.
Je dois tuer l’ennui, ma vengeance assassine
Alexandrin Le Grand ? Mes vers sont des épées
Mes épitres percent, dans le cœur des poupées
Romain de la rime, César de la césure
Je l’aurai d’un seul tir, je l’aurai à l’usure
Ma plume raye d’un unique trait pour trait
Décoche et décroche, balance son portrait
Il faut la remuer car elle s’engourdit
(Tout ce qu’on entend n’a pas encore été dit)
L’ai laissée dans le cœur de son prédécesseur,
Délinquant détenu, un autre dépeceur...
Mes initiales sont gravées sur sa peau cible
J’étends cette rime au domaine du passible
À pointe d’encre, à pointe de fleuret,
Brise votre glace pour mirer mon reflet
Ma plume et moi rimons à son tout premier jet
Nous nous moquons de vous, car c’est notre rejet !
*
Face à l’édifice, enfant de rien ou presque
J’écris avec mes pieds, esprit chevaleresque,
Mille mesures, cent quatrains ou dix sonnets
Gardien de montagne n’atteint pas les sommets
C’est un roc, c’est un cap, son fort de Brégançon
Habité d’un enfant, que dis-je, un grand garçon
Pille son pavillon puis vide la corbeille
Vole le papillon, pique et pique l’abeille,
Abeille royale ? Sa majesté de mouche
À merde, s’enfuit à la première escarmouche
Drôle de d’Artagnan tout en délicatesse
Je lèse-majesté et darde son altesse
Tirer révérence ? Plutôt mon espadon
Le fait rendre gorge, qu’il implore pardon,
Se repente et rampe, mais surtout qu’il se taise
Lui qui fait d’un exemple, une loi, une thèse.
Avec ma rapière, je tiens ce jeune éphèbe
Le traine dans la nuit, le rejette à la plèbe
Et je le tance par cette salve de stance
Et ne le dispense d’aucune autre sentence
Le tag, le spam, le troll, le skip, le scroll, le stalk,
Qu’il mange sa purée, qu’il en sniffe son talc
J’étrille, disperse puis je porte estocade
À ce vaniteux, fier, gâté, plein de tocade
Ce gosse se gausse, se rehausse du col
Rabaisse sa fonction, toute éclatée au sol,
Ne touche plus terre, plus le monde ; il l’évite.
Sa tête enfle et monte. Qu’il se dégonfle, et vite !
Qu’il choit de sa chaise qu’il prend pour parapet
Par bien des aspects, lui impose le respect
Je lui inculque la politesse. Qu’il calque
Son piédestal sous la forme d’un catafalque
Bref, mon cœur balance entre la craie et le glaive
Je suis ce cancre qui gifle le bon élève
*
Si j’eus du courage - c’est à peine si j’ose -
J’eus pu dire une chose... Oui dire, bien de chose...
Étonné : comment donc, d’un roi Mérovingien
La France passe à un écolier, collégien ?
Admiratif : qu’il en eut fallu du talent
Réussir à n’être rien en ayant autant
Lyrique : mignonne allons donc voir si la merde
S’étale à l’isoloir. Qu’au matin, nul s’y perde
Lucide : on n’aura pas le cul sorti des ronces
Des trous de semences ou des coups de semonces
Méritoire : quel franc-parler, oui quel franc-fief !
Il traite les français de sot... En devient chef.
Agressif : tous les cons sont braves ou méchants
Certains sont présidents, les deux, cas échéants
Béat : ose tout, à ça on le reconnaît
Gros comme au milieu de la figure est ...un nez ?
Enthousiaste : tant de vide remplit d’espoir
L’âne n’a jamais soif mais redemande à boir’
Optimiste : perdu pour perdu, on y gagne
Fataliste : on a donc voté pour un beau bagne
C’est raté cette fois, espère en se leurrant
La défaite en chantant, la victoire en pleurant
Pédant ? Naïf ? Gracieux ? Curieux ? Ou Indulgent :
Tant de bêtise rend peut-être intelligent
Suspicieux : de guerre lasse, pourquoi, de grâce,
Avoir élu, hélas, ce délégué de classe ?
*
Du début à la fin : bâton, carotte, fane
Comme en son mandat, il passe du coq à l’âne.