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Billet de blog 4 août 2024

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Un peuple ça n'existe pas, ça n'existe pas...

Montrer par l'absurde que la notion de peuple ne repose sur rien, si ce n'est cacher les intérêts des dominants

Cyrille Rodolphe GALLION

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un peuple, ça n’existe pas, ça n’existe pas…

Le peuple français, le peuple, allemand, le peuple palestinien, le peuple corse, le peuple européen, le peuple protestant, le peuple juif, le peuple noir, le peuple (tout court) … très souvent le terme de peuple est utilisé, mais sans que l’on sache réellement ce qu’il recouvre.

Comment définit-on un peuple ? Où cette notion s’arrête où commence-t-elle ? Le terme même de peuple peut-il être utilisé de manière sérieuse, rationnelle pour ne pas dire scientifique ? depuis des années, je me trouve à moi-même à chaque fois des contre-arguments.

Je propose une série des raisonnements par l’absurde qui devraient permettre de nous éclairer pour définir ce qu’est ou ce que n’est pas un peuple.

Sécable ou insécable ?

Premièrement un peuple est-il divisible en plusieurs peuples, ou est ce une entité insécable ?

S’il y a un peuple Corse pourquoi ne serait-il pas divisible ? Peut-il y avoir un peuple Corse du sud, et un peuple Corse du Nord ? Qui décide ? Le peuple Corse du Sud et le peuple Corse du Nord décident librement de s’associer pour se définir comme peuple Corse, ou au contraire le peuple Corse accorde-t-il ou pas la possibilité de se découper en deux peuples ? Un des deux peuples ne veut pas être confondu avec l’autre ? Pourquoi ne pas également définir un peuple du littoral et un peuple de la montagne en Corse?

Si le concept « peuple » est insécable, qui décide de sa taille et de ses limites ? Sachant que si nous appliquons la variable la plus grande : le peuple humain, voir l’ensemble du vivant, il est difficile de fixer ensuite une variable inférieure.

Si le peuple est sécable, cela signifie qu’il l’est sans limites, à l’infini, et donc se pose la question de la légitimité d’un niveau parmi tous les autres.

S’il est sécable à l’infini, quel est le nombre d’individu minimum pour déterminer un peuple ? Ainsi si l’on prend le peuple européen, on peut y trouver à l’intérieur le peuple français, puis le peuple picto-charentais, puis le peuple deux sévrien, puis le peuple niortais, puis le peuple du Clou-Bouchet1, enfin le peuple de la famille Martin qui comme tout le monde le sait habite ici depuis très très très longtemps...

La taille ne semble donc pas un critère, par exemple, tout groupe humain entre 2 personnes et 10 000 000 se reconnaissant en commun un certain nombre de critères ne peut pas définir un peuple…Entre les chinois et les luxembourgeois…

De surcroît avec cette notion de peuple sécable, mais à double entrée, soit emboîté, il pourrait apparaître qu’on puisse être dans deux peuples simultanément, avec un plus fort…mais lequel ? L’européen ou le picto-charentais ?

Exit, la notion de taille, et donc par conséquent la notion de frontière légale. Car si nous (la communauté internationale) reconnaissons facilement qu’il pourrait y avoir un peuple belge compris dans les frontières de la Belgique. Comment fait-on pour les peuples, Kurdes, Basques, Catalan que certains proclament  et que d’autres nient?

Le territoire ?

Mais encore on pourrait concéder que les frontières ne sont pas à la bonne place et que le peuple basque est envahi par les nations françaises et espagnoles. Par contre ce critère de frontières, même non légales, ne fonctionne plus si l’on prend des notions comme le peuple allemand (il y a des allemands en Allemagne, Autriche, Tchéquie, Pologne et…au Kazakhstan, beaucoup au Kazakhstan !), ou encore avec des notions comme le peuple rom, le peuple juif.

Mais l’idée même de territoire est-elle pertinente ? Peut-il y avoir un peuple sur des territoires discontinus ? Peut-il y a avoir des peuples itinérants ? Peut-il y avoir un peuple sans territoire ou un territoire sans peuple ? Si un peuple est forcément lié à un territoire, nous voyons qu’un peuple sédentaire sans territoire précis, avec un peuple non sédentaire et un peuple sédentaire sur un territoire précis, peuvent tous les trois à un moment de l’histoire être sur un même territoire et que ceci va générer plusieurs problèmes. Entre autre que le territoire est source de conflit…

Nous mettons donc en question la notion de territoire comme fondement du fait de peuple. De deux manières, premièrement cela exclurait les identités collectives itinérantes, discontinues, et deuxièmement, on peut toujours trouver une identité collective plus petite, dans un territoire étant une partie d’un plus grand.

La, les langues, comme fondement du fait peuple ?

Continuons notre raisonnement sur ce qui pourrait défendre le « fait de peuple ».

D’aucuns évoqueraient la langue. Il serait alors possible dans ce cas de parler de peuple français (encore), de peuple allemand, mais il n’est plus possible alors de parler de peuple espagnol, belge, suisse, ottoman, californien, austro-hongrois, congolais…où sur le même territoire officiel, pays ou région, se côtoient, s’entremêlent plusieurs langues officielles ou tout du moins usuelles et largement usitées. A l’inverse, il y a t-il un peuple britannique qui aurait en commun l’anglais lorsqu’on connaît les fortes identités écossaises et galloises et qui comprend Gibraltar en pleine Andalousie ? Il y a-t-il un peuple francophone qui va du Sénégal au Québec en passant par une partie de la Suisse, de la Belgique et bien sûr la France ? Un peuple castillan, regroupant notamment l’Argentine, le Venezuela, Ceuta au Maroc, la Guinée Équatoriale et les trois quart des deux Californie ?

Comme les territoires, les langues sont des éléments tangibles mais qui ne suffisent pas à déterminer la notion de peuple, soit qu’il y ait des identités collectives parlant plusieurs langues côtes à côtes ou entremêlées, soit que des identités collectives très fortes et très différentes parlent la même langue.

La durée, l’histoire, la violence d’état…

Prenons, alors la notion d’histoire, d’ancienneté, de pays, cela peut-il être une base à l’idée de peuple ? N’oublions jamais que si la France dans sa géographie actuelle date à peu près du XVI siècle, l’Italie et l’Allemagne ont à peine 130 ans. Tous les territoires sont issus de conquêtes et de scissions. Aucun territoire sur la planète ne s’est constitué par la libre association, ou si peu, même si nous pouvons citer actuellement la Suisse et dans une moindre mesure l’Union Européenne. Certes l’Europe est une association, mais de pays qui eux ne se sont construits que sur la conquête et la violence. Aucun pays européens, à l’exception de la Suisse, n’a échappé à la volonté de conquête dans et hors du territoire européen (par contre la Suisse a fournit des mercenaires à beaucoup de pays). Citons le Danemark qui a conquis la Sicile au détriment des arabes, puis plus tard dominé la Suède et aujourd’hui le Groenland. Citons la Lituanie qui s’étendait sur l’Ukraine et la Pologne actuelles… Citons en contre-exemples de ces expansions violentes, tout de même dans le passé, quelques alliances grecques2, la ligue hanséatique3 qui se sont construites par la libre association des cités mais avec comme moteur la domination économique.

Alors à partir de combien de temps une violence du passée serait oublié et on ne pourrait remettre en cause des frontières ou identités ? Les arabes (eux-mêmes peu arabe mais beaucoup plus berbères) ne dominent plus la péninsule ibérique depuis moins longtemps que l’Ukraine n’a été Russe.En quoi les actuels dominants de la péninsule ibérique sont-ils plus légitimes sur les basques ou les galiciens que les arabo-berbères ? Nous sommes d’accord pour que l’état français (ou plus précisément Paris) ne domine plus l’Algérie, mais beaucoup ne conçoivent pas que les basques créent leur pays. Certains berbères refusent la domination arabe qui dure depuis le VIII siècle sur « leur » pays, l’Algérie. Qui sont les plus légitimes en Sicile : les phéniciens, les carthaginois, les grecs, les romains, les vandales, les ostrogoths, les byzantins, les arabes, les vikings (danois), les allemands, les français, les aragonais, les italiens, tous successivement maîtres et constructeurs de l’île ? L’âme sicilienne se traduit-elle dans un peuple ? L’Algérie est aussi un exemple mille-feuille, de Jugurtha à « saint » Augustin pour l’antiquité. Gétules, phéniciens, carthaginois et puis Rome qui domine 5 siècle, puis les Germains débarquent depuis l’Espagne, avec les Vandales dont la domination au V et VI siècle dure autant que celle des Français plus tard, avant que l’Empire Romain d’Orient ne reprenne la main, puis vient l’invasion et la domination arabe, puis celle des pirates au début de l’époque moderne...

En l’absence de critères scientifiques, rationnels, concédons qu’il faut tout de même accorder l’existence de peuple, quand un groupe d’humains décident de se reconnaître comme peuple et chose importante qu’ils le fassent avec l’ensemble et démocratiquement des individus concernés (imaginons un habitant du département 64 dont les parents sont depuis l’aube des temps connus comme habitants du mythique pays basque, peut-il faire parti du peuple basque contre son avis ?). Pour continuer sur ce point seul la quasi-totalité d’un groupe peut définir un groupe. Imaginons qu’un peuple français se constitue et décide que les critères sont : langue française maternelle et territoire contiguë et homogène parlant français : et bien cela légitime-t-il sans passer par un processus démocratique à l’unanimité, un peuple français qui recoupe la république française, la moitié de la Belgique et Bruxelles, la moitié de la Suisse, Monaco, et surtout cela légitime derrière un projet politique territorial qui englobe tout cela.

Si des gens se reconnaissent comme peuple, c’est qu’ils incluent des gens dedans, s’ils en incluent c’est qu’ils mettent une limite. Il y a donc des gens de chaque côté de la limite et donc par conséquent d’autres en sont exclus et ce sur des critères bien difficiles à définir.

« Je », « nous » sommes quelque chose par opposition à ceux qui ne le sont pas et à ceux qui sont autre chose.

Être français, belge, italien, c’est facile à définir, cela tient à une situation juridique précise : avoir une carte de nationalité. Être breton, c’est habiter au sein de la région administrative Bretagne (dont une des anciennes capitales Nantes est exclue !). Mais être Kurde, cela signifie quoi ? C’est habiter à l’endroit où une majorité de personnes se reconnaissent comme Kurdes ? C’est parler la langue Kurde ? C’est se revendiquer Kurde ? Une religion ? Et si l’on prend ces critères, que fait-on des gens, même parlant le Kurde qui préfèrent continuer à se sentir d’abord irakiens, turcs, iraniens ou syriens en premier et qui habitent là depuis « toujours » mais se trouveront en pleine zone dite Kurde. La problématique est la même pour la Corse, où certains nationalistes4, voudraient faire voter pour une éventuelle autonomie ou indépendance, ceux qui sont corses, sur l’île et sur le continent, mais pas ceux qui sont « français » et qui vivent sur l’île. Il y a-t-il une règle qui déclare à partir de combien de générations un corse n’est plus corse s’il vit sur le continent ou quand un continental devient corse s’il vit sur l’île ? Dans le cas contraire, cela signifie qu’il y a une race corse, un sang corse et on tombe dans le délire racialiste, comme le sont encore largement plusieurs pays avec le droit du sang. Là dessus reconnaissons aux Basques d’être sortis par le haut de cette problématique, en incluant dans le projet nationaliste tout ceux qui souhaitent être basques. J’ajouterais avec malice, que la Savoie et surtout Nice sont françaises depuis à peine 130 ans, contre 250 ans pour la Corse et l’ont été bien après l’Algérie ou la Nouvelle Calédonie…

Abandonnons la langue, le sang, l’antériorité, la conquête et prenons un critère important : la religion.

Il y a-t-il un peuple musulman ? Un peuple juif ? Un peuple bouddhiste ? La religion est-elle une composante indispensable, complémentaire ou première de la définition d’un peuple ?

Cela peut fonctionner pour le peuple portugais, un territoire (mais depuis peu, avant il était composante du peuple ibérique), une langue (assez récente), et une religion (très majoritaire), mais ça reste une exemple rare. Nous pouvons citer le Japon, ou se superposent, langue, territoire, religion traditionnelle, antériorité et ethnie (même si les premiers habitants se retrouvent dans des réserves au nord de l’archipel).

Cependant, il convient de dire que si la religion peut faire partie d’une identité collective, celle ci ne peut définir un peuple. Il n’y a pas de peuple musulman, de peuple juif ou bien encore de peuple catholique. D’aucun dirait que la première et la troisième religion citées présentement ont pour vocation de recouvrir la planète et de convertir tout le monde. Il ne devrait y avoir à terme de peuple que catholique ou de peuple que musulman, nous somme là face à une aporie évidente.

Mais plus encore que les critères énumérés successivement, c’est l’ensemble de ces critères qui pose problème. Soit l’on évoque le fait de peuple juif ou catholique, et donc il y a des gens qui seraient dans deux peuples à la fois, mais sans se recouper (peuple allemand et peuple catholique pour les bavarois ?), peuple argentin et peuple juif, pour les nombreux juifs argentins.

Mais si l’on acte qu’il y ait un peuple juif, donc basé uniquement sur la religion5, pourrait-il y avoir un peuple israélien ? Peuple israélien comprenant des russes ou des éthiopiens de religion juive, des arabes juifs, musulmans ou chrétiens ou encore beaucoup d’athées. Mais là encore, il y en aurait pour inventer des inepties comme des juifs athées, des musulmans athées, des chrétiens athées !

On voit bien qu’il faut aller à l’absurde pour maintenir sur des piliers de sable cette notion de peuple.

A l’opposée, quelles notions portent celles d’un prétendu peuple palestinien ? Il y aurait donc des arabes (ethnie), athées (orientation philosophique), parlant arabe (langue), sur les territoires occupés par Israël, et les mêmes gens avec les mêmes critères en Israël. Mais il peut (devra ?) y avoir des gens de toutes confessions, de toutes langues de toutes races, au sein d’un futur état palestinien, personne ne saurait poser le contraire comme principe. Donc, si l’on s’accorde sur le fait qu’après des décennies d’occupation militaire, de guerre, de massacres, il faille pour que la raison reprenne le dessus passer par deux états, il ne saurait être question de reconnaître philosophiquement et politiquement deux peuples qui ont en fait les mêmes composantes avec des proportions juste différentes…Et sur la question de l’antériorité, on va toujours trouver des arguments pour trouver un groupe qui était là avant l’autre.

Si le peuple palestinien ne peut être pris sur une base religieuse, car laquelle ? sinon, que ferait-on des minoritaires, ils iraient où ? On ne peut le prendre sur une autre base :

  • Pas sur une base ethnique ce qui serait non seulement choquant, mais absurde, car les sémites sont à l’origine des deux côtés, territoire occupés et Israël, et surtout tous les pays voisins sont majoritairement sémites.

  • Pas sur une base d’ancienneté territoriale. Il y a des déplacements de population tout aussi choquant, injuste, et assez récent qu’il serait bon de rappeler.

Citons les 12 à 14 millions d’Allemands, expulsés de chez eux (Poméranie, Silésie...), entre 1944 et 1950, qui ont tout perdu, au profit notamment d’un agrandissement de la Pologne et des polonais qui ont eu gratuitement des maisons, des terres. Tout le monde acceptera de dire que les allemands déplacés étaient surtout, des femmes6, des enfants, des vieillards, et des hommes survivants, mais en aucun cas des Nazis, et que leur famille vivaient là depuis des siècles.

Citons les populations nombreuses déplacées dans l’ex-URSS (et privées de leurs biens) jusqu’à la chute de Staline.

Citons le cas d’une partie des français évacuée d’Algérie qui auraient peut être pour certains souhaités devenir algériens. Si une partie était d’horribles colons exploiteurs, une autre partie (très importante) des personnes évacuées étaient des descendants des familles déportées de force de Paris après la chute de la Commune et à d’autres occasions d’évacuer les ouvriers de la métropole. Il y avait aussi de nombreux descendants d’émigrés italiens, espagnols, politiques ou économiques, des réfugiés. Il y a donc eu double peine pour ceux là à plusieurs générations d’intervalle. Il y a la même chose en Nouvelle Calédonie, terre de déportation des opposants politiques en France.

A partir de quand, un acte de colonisation (et souvent les colons dans l’Histoire n’ont pas le choix- on pense à toutes celles et ceux que la couronne britannique embarquait de force dans des navires sans billet retour, pour l’Amérique ou l’Australie) devient un fait sur lequel on ne peut pas revenir ? Pourquoi la décolonisation n’irait pas jusqu’à expulser les blancs, les latinos et les noirs des États-Unis pour laisser place à ceux qui étaient là avant et qui ont été exterminés par dizaines de millions? Pourquoi la décolonisation n’irait pas jusqu’à expulser d’Algérie, les descendants des arabes, des égyptiens et tous les peuples qui de la Mésopotamie à la Libye ont suivi les armées arabes dans la conquête de l’Ouest, des vandales et autres goths, des romains…

Je ne parle pas des frontières qui changent comme l'Alsace-Lorraine. Je parle de mouvements de populations civiles, expulsées ou importées, par divers moyens (déportation, incitation économique, orchestration des deux : créer des harcèlements afin que des populations émigrent avec des avantages économiques pour s’installer dans un territoire conquis).

Prenons les populations chinoises des parties surpeuplées du pays qui sont fortement incitées à se rendre dans d’autres parties du territoire (ou l’étranger), comme le Tibet ou le Xing –Xiang (Ouïgours), quitte à rendre les personnes qui étaient présentes majoritairement depuis des siècles, minoritaires dans ces territoires !

Que va faire l’histoire pour ces populations ? Le sort des pieds noirs d’Algérie ou celui des blancs qui ont colonisé l’Amérique, l’Australie, la Nouvelle Zélande et qui semble-t-il ne vont pas être obligés de revenir en Europe pour laisser leur terre aux autres habitants ?

Et si des rebelles Syriens décidaient de couper le pays en deux parties et d’expulser sans aucune indemnité tout ceux qui sont pas de telle ou telle religion vers l’autre partie de la Syrie, on acterait comme on a acté pour la Poméranie en 45 et plus récemment pour de nombreuses provinces des Balkans dans les années 90 ?

On voit bien, si l’on retourne en Palestine, que cette notion de peuple à être brandie maintient des conflits à l’infini. La seule lutte qu’il convient de mener c’est la lutte pour les droits de l’individu, en termes de conditions économiques et de libertés politiques, où qu’ils soient, bref en termes de classes sociales. A commencer par ceux des habitants de Palestine qui en raison de l’État et de l’armée d’Israël survivent dans des conditions inadmissibles, mais sans oublier les expulsions et massacres, au Congo. Le chiffre de 6 millions de victimes est avancé sur les 20 dernières années, avec personne de l’extrême droite à l’extrême gauche pour le relever. Le petit Yémen avec ses plus de 400 000 morts en presque dix ans, avec les armes de la France n’émeut personne.

Mais plus près de nous, et en miroir des situations en Chine, en Afrique, en Palestine, cette notion de peuple est dangereuse et pourrait renforcer les thèses de la droite radicale. Ainsi, même s’ils se savent descendants de réfugiés économiques et politiques d’espagnols, de polonais, de portugais, d’africains de tout le continent, les individus nés et vivants en France, veulent tous rester en France, et ils se sont battus tout au long de l’histoire avec les autres salariés du territoire pour avoir des droits sociaux et politiques.

Il est rarissime qu’un petit fils de réfugiés espagnols qui a fuit la dictature franquiste, souhaite aller vivre en Espagne, ou en tout guère plus qu’un autre français et pourtant la dictature n’existe plus.

Alors pourquoi des arrière petits-fils de réfugiés palestiniens, ne se battent pas aussi pour leurs droits où là ils vivent (Jordanie, Liban…) ? Qui a intérêt à entretenir ce mythe de peuple incompressible ? Ne serait ce pas ce même raisonnement que l’extrême droite en Europe. Les dictatures arabes ne veulent pas des palestiniens sur leurs territoires et leur donnent l’illusion d’un peuple mythique pour que ces enfants de réfugiés se battent contre Israël et pas pour leurs droits en tant qu’individus où ils sont. La responsabilité d’Israël sur ce drame est immense mais elle n’est pas la seule. Les Palestiniens ont eu le tort d’être trop à gauche durant longtemps.

Les droits des individus plutôt que les droits d’un peuple…

Mon approche est volontairement rationnelle et polémique, au delà d’une simple approche rhétorique, c’est le fait que dans les milieux de la gauche radicale (réformiste et anticapitaliste) nous employons des termes qui ne sont pas les nôtres ou dont nous ne regardons pas assez les conséquences de leurs introductions dans notre discours.

Le raisonnement par comparaison est toujours le plus instructif, ainsi, dans beaucoup de tracts, nous pouvons lire « peuple palestinien », or quand tel parti, syndicat, collectif évoque un sujet, pose une revendication y compris contre des entités au delà de la France, par exemple contre la gouvernance de l’Union Européenne, contre les agissements du gouvernement américain, il ne signe jamais ou ne fait jamais référence au peuple français. Ce sont toujours des références de droits individuels ou de classes sociales qui sont inscrites. Alors pourquoi deux poids, deux mesures ?

La notion de peuple, implique, l’exclusion du groupe de ceux qui ne sont pas dans le peuple et l’inclusivité des autres pose la question de leur volontariat à être dans ce peuple.

Je peux très bien être français juridiquement et ne pas me reconnaître dans une fumeuse notion de peuple français, et encore moins, parce que mes grand parents auraient été vaguement croyants, faire parti d’un hypothétique peuple chrétien, juif ou musulman.

D’aucuns, m’opposeraient le fait des valeurs communes ou des modes de vie qui construisent une communauté et donc un peuple. Il y a des communautés, mais elles posent des problèmes et l’approche d’identité collective est plus facile.

Si un peuple c’est l’ensemble des personnes ayant des valeurs communes ou des modes de vie communes. Cela conduit à deux nouvelles impasses. Le peuple ne pourrait alors exister qu’en se protégeant de valeurs qui lui sont étrangères, empêchant au nom des valeurs communes, que des membres ait des comportements mettant en danger sa survie. Nous pouvons citer, le refus de l’homosexualité, le refus des mariages exogamiques et des milliers d’autres choses où les droits des individus (valeurs universelles) seraient niés au nom des valeurs peuplières.

Le deuxième impasse, de cette notion de valeurs collectives, c’est qu’à partir de là, il y a de nombreux peuples, imaginables et absurdes : végétariens, gay, punk, boulistes, pongistes, adeptes de l’écran plat….ad nauseam

Pour terminer, certains voudront opposer la notion de nation par rapport à celle de peuple…en gros La France contre l’Allemagne…mais les nations étaient par définition itinérantes (les nations goths, les nations amérindiennes.

On voit bien qu’il faudrait se battre pour ses droits (droits sociaux, langues, cultures…) mais la frontière est par définition ce qui permet à une classe dominante d’asseoir sa domination, de construire de toute pièce une Histoire nationale, d’où la haine dirigée contre les nomades. Les « petits bourgeois » sédentaires, même ouvriers, à travers la sédentarité, s’assimilent plus à la bourgeoisie qu’à ceux qui refusent le rêve de la propriété d’une maison. Donnez moi quelques centaines de millions d’euros et trente ans et je vous construis un peuple « Nos ancêtres les Wisigoths peuple fier et bien supérieur aux Francs Saliens balourds et ignares avec comme capitale du sud Toulouse » . L’hypothétique mondialisation est justement, une mondialisation des capitaux avec des restrictions aux déplacements (sauf le tourisme)…lutter contre le capitalisme mondial par la construction de frontières et culture ou d’identité factices est un moyen pour qu’ils maintiennent leur domination et fasse de l’argent.

Pour finir par la preuve par l’absurde…avez vous déjà discuté sur la Bretagne, quelle était la langue bretonne ? Qui devait la définir entre le Léon et Brest ? Ou la même chose en Catalogne, ceux de Gérone qui se moquent de ceux de Valence qui parlent pas le bon catalan, même s’ils veulent leur propre indépendance mais alors ceux de Murcie se sentent exclus. Les débats au sein des catalans sont vifs pour savoir s’il faut le droit à l’autodétermination de territoires au sein de la catalogne juridique actuelle et les votes indépendantistes font assez peau de léopard…

En conclusion,

Martelons que Bolloré et Arnaud, n’ont rien en commun avec Sonia ou Rachid, aide soignante et ouvrier du bâtiment, si ce n’est la fiction qu’est la nationalité. Que la notion de peuple sert avant tout à sublimer des intérêts communs inexistants et effacer les intérêts convergents qui sont celles et ceux de sentir dans sa chair l’exploitation au travail.

Le souvenir de la guerre de 14-18 avec ses millions de morts doit être entretenu et montré sous son vrai jour, un moyen de casser l’internationalisme de la classe ouvrière pendant que les actionnaires continuaient à s’enrichir .

Cyrille Gallion

1 Vous l’aurez compris il s’agit d’un quartier de la Ville de Niort (79)

2 Face au péril Perse

3 Pour que la consommation du Hareng domine.

4 Je parle bien de certains nationalistes, et pas de l’ensemble des courants autonomistes ou indépendantistes

5 La judéité ne serait être autre chose qu’une reconnaissance à une appartenance religieuse. Il n’y a pas de langue parlée par les juifs. L’hébreu est l’équivalent du latin des catholiques. Le Yiddish était parlé lui par une toute petite partie des juifs.

6 Une pensée pour Dagmar qui écrivait régulièrement dans le ML il y a quelques décennies et qui m’a appris toute cette histoire de la Poméranie, les choses qu’elle a subi à 14 ans, tout comme sa grand mère de la part des soldats soviétiques, et cette interdiction morale d’en parler puisque c’était le territoire des méchants.

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