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Billet de blog 21 juillet 2024

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L'eau

Le combat pour l'eau est le plus important

Cyrille Rodolphe GALLION

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sur l’Eau nous ne pouvons céder

L’eau est nécessaire à toute vie, bien que dans des sociétés hyper-industrialisées on ait pu l’oublier. Il nous semble important de démontrer, que des limites sont franchies par certains acteurs qui risquent d’être irréversibles et vont rendre nos luttes encore plus difficiles.

Jusqu’à présent cette question de l’eau a été peu présente en France (et en Europe) dans les luttes sociales et pourtant l’industrie a déjà depuis des décennies montré le chemin de ce que pourrait être notre avenir.

Bien sûr en facteur numéro 1, le « réchauffement-dérèglement » climatique, bouleverse les équilibres de l’eau dans de nombreux pays poussant (avec sécheresses et inondations) des millions de gens à l’exode. L’eau est un facteur de migration ! Et il faudra bien accueillir du monde, pas comme on peut l’entendre même à gauche « l’immigration est un problème compliqué, on ne peut pas accueillir tout le monde... ». Le système industriel en est la cause. Le lien entre ce qui précède et cette phrase mérite une explication.

En facteur n° 2, citons l’extractivisme, et comme exemple, la lutte au Maroc des habitants d’Imider depuis des décennies contre l’accaparement de l’eau par l’industrie minière (argent, mercure), se développant pour la « transition écologique »1

Citons un exemple au Chili, qui malgré une sécheresse qui devient structurelle, permet la culture de centaines de tonnes d’avocats exportés (notamment en France) qui prend toute l’eau et oblige les habitants à se faire ravitailler par camion citerne2.

Plastique, textile, informatique, batterie on pourrait égrainer la surutilisation de l’eau pour la fabrication de biens du quotidien qui dans de plus en plus d’endroits font basculer les classes populaires dans la pénurie pour l’enrichissement toujours plus des plus riches.

Jusqu’à très récemment il y a peu malgré le travail des journalistes et des militants, les combats pour l’eau, étaient assez peu connus du grand public en France.

L’eau est indispensable à la vie, mais elle est aussi indispensable au capitalisme. L’eau étant limitée, il y a forcément concurrence entre le capitalisme à l’appétit infini et la majorité des personnes.

C’est le mérite du combat contre les bassines, d’avoir fait (re)prendre conscience de l’importance de l’eau dans notre quotidien. L’abondance a été une illusion temporaire. L’eau courante, au robinet, n’est pas si ancienne, surtout en milieu rural. Début octobre 2023, date de l’écriture de ce papier, L’Hérault est toujours en crise à cause du manque d’eau. La situation à Mayotte est toujours dramatique. Des communes dans les Pyrénées orientales sont restées des mois sans eau potable automne et hiver 2022/2023. 2022 et 2023 ont vu des centaines de communes privées d’eau et ravitaillée par citernes, et pas que dans le sud de la France.

Il est donc évident qu’accaparer l’eau des nappes pour une petite partie des agriculteurs à travers les bassines va réduire l’eau au robinet, dans un contexte de sécheresses qui vont aller croissantes.

Qu’elles soit jugées illégales, comme les 5 de Cram-Chaban en 2022 (confirmé par le conseil d’état en février 23) ou annulées comme les 15 du 79 et du 86 en 2023. L’État passe souvent outre. Et il ne comprend que le rapport de force.

L’état est le spécialiste du non respect de la loi. Soit il la viole carrément, soit il modifie les règles en catimini ou change le vocabulaire. Il privilégie la santé financière des grosses entreprises à la santé des habitants. Et quand un produit dangereux est enfin interdit, l’état privilégie toujours l’écoulement des stocks pour favoriser le profit.

Eau potable pesticide

Dernier exemple en date, l’eau de la Vienne est potable par dérogation3 depuis fin septembre. Le préfet a modifié le seuil sur le taux d’un fongicide cancérigène supposé en le multipliant par 9 !

En fait certaines zones étaient à 75 fois le seuil préconisé, alors plutôt que de couper certaines ressources, on a interconnecté afin de diluer et donc de remonter le taux sur d’autres zones. 400 000 personnes boivent donc ce fongicide interdit depuis 3 ans.

Une enquête du « Monde 4» de septembre 22, montrait qu’en 2021, nous étions 12 millions à boire de l’eau non conforme, potable par dérogation. C’est à dire que l’ARS relève les seuils de potabilité afin de ne pas avoir à déclarer l’eau non potable et à ravitailler les populations. La cause ? Les pesticides. Parmi les zones les plus touchées, citons les zones viticoles du Bordelais, de Bourgogne, les plaines du nord avec les cultures de la betterave. Parfois il s’agit de dépassement qui ne sont pas très importants mais souvent il y a des zones où les dépassements sont hallucinants. Et encore on ne cherche pas toutes les molécules. Le combat pour une eau sans pesticide est urgent, car, non seulement les molécules continuent à descendre vers les nappes , même si elles sont inutilisées depuis des années, mais surtout, la diminution des nappes augmente la concentration et donc le taux de pesticides dans l'eau. L’agro-industrie, les industriels de la chimie doivent payer et dépolluer. Les actionnaires de ces groupes ne doivent pas continuer à s’enrichir en nous empoisonnant.

Lorsqu’il y a mobilisation des populations, comme en Bretagne, malgré les menaces et les tentatives d’assassinat, l’État et l’agro-industrie, notamment porcine, agissent pour diminuer les pollutions. Même si les teneurs en nitrates restent bien trop élevées, elles ont diminué de 15 % en 25 ans dans cette région. C’est bien sûr très insuffisant, mais seule la lutte fait avancer les choses.

L’eau doit être potable un point c’est tout !

La quintessence du capitalisme : l’eau en bouteille !

Il est désespérant de voir que trop de personnes se résignent à acheter de l’eau en bouteille plastique pour boire. L’industrie de l’eau en bouteille, vend en fait du plastique et du carburant qui a servi à déplacer des bouteilles à travers tout le pays. 25 millions par jour en France. L’eau en bouteille est entre 100 et 1000 fois plus chère que l’eau du robinet ! Et en plus elle n’est pas meilleure pour la santé. Fort taux de PUB pour les eaux de source. Dérogation pour les contrôles qualité de l’eau minérale. Payer des centaines de fois plus cher de l’eau polluée (différemment) voilà la soumission ultime à l’industrie. D’autant plus que les embouteilleurs (euphémisme pour capitalistes- , Nestlé, Danone) pompent l’eau nécessaire aux populations locales. Citons Volvic5 où la préfecture complice de Danone autorise les pompages pour l’embouteillage malgré les sécheresses. Les habitants rationnés pour le profit des grands groupes. Là encore l’état est du côté des accapareurs.

L’eau est un sujet sensible, étonnamment lors des premières recherches sur Google, on ne trouvait que des sources des producteurs d’eau en bouteille et limités à quelques résultats qui clamaient « l’eau en bouteille est sans danger ». Intriguant ? Il a fallu aller modifier les paramètres du moteur de recherche pour trouver des résultats critiques. Et en effet la présence de plastique dans les bouteilles d’eau est réelle6 à tel point que certaines associations réclament leur interdiction. Il pleut du plastique en montagne cela ira bien dans l’eau minérale un jour, quand aux sources nous avons vu une forte augmentation des polluants (ou une meilleure recherche) alors qu’elle soit au robinet ou en bouteille, c’est toujours la même eau ! L’eau en bouteille est une absurdité environnementale où une bouteille fait en moyenne 300 km et où la fragmentation des déchets se répand partout. Il faut la réserver comme solution de ravitaillement dans les zones privées d’eau potable.

Non seulement l’eau est de plus en plus empoisonnée, mais en plus l’industrie protégée par l’état passe avant les populations dans l’approvisionnement. Textile, mines, chimie, agriculture... . Sur l’agriculture nous parlons aussi d’industrie, car ce qui pollue le plus, ce qui prélève le plus n’est pas la paysannerie, mais bel et bien l’élevage intensif et les cultures intensives destinées essentiellement à la production de viande ou l’animal est réifié. Et aujourd'hui cela va jusqu'à la culture pour produire du bio carburant.

Mais il est une industrie prédatrice d’eau et polluante dont nous n’avons pas parlé. Il s’agit de la production d’électricité via les centrales nucléaires. Un réacteur a besoin de beaucoup d’eau (froide) pour se refroidir et l’absence d’eau est un danger crucial. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène, mais d’après les données du ministère lui même, le nucléaire représente 50 % des prélèvements de surface7. L’eau est en grande majorité relâchée, et ce n’est pas la radio-activité le problème ici, mais la température. L’eau relâchée est beaucoup plus chaude, modifiant les écosystèmes, mettant en danger des milliers d’espèces dans les fleuves et rivières concernées. Le nucléaire est le troisième consommateur d’eau de surface (20%) après l’irrigation (48%) et la consommation domestique (24%). Avec les sécheresses, le rejet d’eau chaude accroît le problème et l’état régulièrement, change les seuils de température. Soit on tue l’écosystème des rivières soit on met à l’arrêt le réacteur. Année après année, les préfectures font des dérogations au profit des réacteurs contre la vie. Des centrales comme celle de Civaux dans la Vienne avec une rivière déjà naturellement « petite » sont emblématique de cette folie. La plupart des centrales vont ainsi manquer d’eau dans les années à venir, sauf quelques unes comme celle de Blaye qui au contraire risque d’être submergée par la mer, comme ce fut déjà le cas en décembre 99.

Bassines, nappes polluées, nucléaire, il s’agit bien d’un même problème celui de l’eau accaparée pour un modèle industriel centralisateur avec en gendarme pour protéger les profiteurs, l’état.

Ni bassines, ni pesticides, ni nucléaire, battons-nous pour une eau potable prioritairement accessible aux habitants. Battons-nous pour abolir l’eau en bouteille absurdité parmi les absurdités industrielles. Battons-nous pour faire payer les riches afin de réparer les dégâts des nappes. Faisons fermer les centrales nucléaires avant qu’elles n’éradiquent la vie des fleuves et rivières !

Ne nous trompons pas il s’agit d’un combat de classes. La classe dominante s’arrange toujours pour échapper aux dégâts qu’elle organise.

1https://www.mediapart.fr/journal/international/160819/imider-au-maroc-la-plus-grande-mine-d-argent-d-afrique-assoiffe-les-habitants

2https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/10/08/secheresse-chronique-accaparement-de-l-eau-au-chili-les-avocats-de-la-colere_6144945_4500055.html

3https://www.sudouest.fr/environnement/fongicide-dans-l-eau-potable-consommable-mais-non-potable-la-vienne-deroge-au-seuil-de-qualite-16850748.php

4https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/21/pesticides-20-des-francais-ont-recu-de-l-eau-potable-non-conforme-en-2021_6142608_3244.html

5https://fr.euronews.com/2023/06/15/l-eau-de-volvic-une-denree-convoitee-et-de-plus-en-plus-rare

6https://reporterre.net/Sur-neuf-bouteilles-d-eau-sept-contiennent-des-microplastiques

7https://reporterre.net/L-acces-a-l-eau-un-enjeu-crucial-pour-le-nucleaire

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