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Journaliste, auteure et grande voyageuse, j'ai adopté plusieurs langues et cultures. L'itinérance est devenue mon mode de vie et la source de mon écriture.

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Billet de blog 2 avril 2020

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Chronique romaine: lourdeur du confinement

la vie confinée, un peu comme une vie d'expat...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A y regarder de près, la vie de confinement dans une maison isolée à la campagne n'est pas si différente de la vie d'épouse expatriée sur un autre continent (au moins au début). On s'occupe principalement de sa maison et de ses enfants pendant que leur père travaille, on surveille le travail scolaire, on gère la nourriture et les repas, on range (beaucoup) et le soir, on attend que le père "rentre" à la maison. On ne voit personne puisqu'on ne connait personne sur place, à la différence qu'ici le confinement l'empêche. On vit dans un périmètre restreint, entre les murs de sa maison ou dans un compound (ici c'est les champs). On parle à ses amis sur Skype, whatsapp ou maintenant Zoom, et on regarde beaucoup ce qu'ils font sur les réseaux sociaux à défaut de le faire en leur compagnie. Quand on va faire les courses (principale occupation journalière de l'expat spouse), on fait beaucoup de provisions de crainte d'une pénurie soudaine parce qu'on a appris à fonctionner en mode urgence et que c'est difficile de s'en défaire quand on se sent vulnérable. Ce sentiment de vulnérabilité est réel quand on vit dans un pays où l'on n'a aucune attache et que ses propres droits sont limités ou liés à une organisation professionnelle qui n'est pas la sienne.

 Etrangement, j'ai l'impression qu'avec ce confinement, je suis retournée dans une configuration de vie d'expat. Mon mari est revenu in-extremis la semaine dernière quand ses bureaux ont fermés et que le télétravail a été imposé à tous, et il travaille à présent de la maison. Il s'est installé une pièce dans la chambre de l'une de nos filles (restée là où elle étudie) et il s'est rapidement établi un rythme quotidien qui lui permet de continuer à fonctionner. Il se lève à 7h, prend un café à la volée et se met au travail. De temps en temps, il sort prendre un snack ou un thé et on ne le voit pas jusqu'à 19h pour diner ensemble. Certains jours il déjeune avec nous, d'autres non, et dans ce cas, nous lui laissons le repas sur la table. Nous l'entendons quand il est au téléphone ou en conférence, le reste du temps, il est plus silencieux à gérer des centaines d'emails et de messages whatsapp. De mon côté, j'assure l'intendance, je prépare les repas avec l'aide de ma fille et de ses petits-frères, je vais faire les courses (une fois par semaine), je surveille le travail scolaire, je leur demande de ranger leurs affaires et je nettoie la maison, un peu comme je le faisais lors de notre expatriation. Il me reste quand même quelques heures pour moi que j'utilise pour faire du yoga ou marcher autour de la maison, et pour écrire ces billets. Avec le coronavirus, mes contrats professionnels ont été suspendus, je ne pense pas avoir de travail avant le mois de juin, si le marché dans mon secteur se rétablit. C'est une précarité de luxe, j'en suis consciente, mais une précarité tout de même, surtout avec cette pandémie que personne n'avait anticipée. Nous sommes de plus en plus nombreux, nous les freelancers, partout et dans tous les domaines, à bénéficier d'un statut de consultant, inventé pour détourner les lois du travail et jouer sur la "flexibilité du marché". Coincée ici, je prends du recul et surtout je réfléchis sur le modèle de fonctionnement qui est apparu dans notre couple au fil des années et les disparités de statut qui en résultent.

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