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D Magada

Journaliste (ex-Reuters-c'est mon pédigrée), auteure indépendante et grande voyageuse, je vis dans plusieurs langues et cultures. En dehors de l'écriture personnelle qui avance lentement, je suis consultante pour l'ONU et je forme des journalistes à l'international. Ce que j'aime le plus, après mes enfants, c'est de me retrouver dans un endroit inconnu avec un carnet et un stylo.

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Billet de blog 5 novembre 2024

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Episode 7 : Halloween

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me suis sentie honorée cette semaine à la reception d'une lettre de bienvenue à l'association des conjoints de chef de mission, la Spouses of Heads of Mission Association, une organisation caritative exclusive pour n'accepter que les épouses de numéros 1 (ambassadeurs et représentants d'organisations internationales). J'utilise le féminin parce que ce sont à 99 pour cent des épouses et non pas des époux qui suivent leur partenaire.

La lettre, à en-tête d'une ambassade et signée par la présidente de l'association, était des plus formelles. En s'adressant à moi en tant que Dear Colleague, j'ai saisi toute l'importance que j'ai d'être mariée à un "Chef de Mission". C'est un véritable accomplissement, mon mari est au top de sa carrière professionnelle et la lumière qu'il dégage m'éclaire aussi un peu. Car tout le monde sait dans ces milieux qu'il faut soigner les épouses qui oeuvrent dans l'ombre en faveur de la carrière de leur mari.

Par ce biais, j'aurai accès à un club de lecture, un club de couture, un club de marche et un coffee morning mensuel qui me permettront de rencontrer mes pairs et de me sentir exister dans un pays où je n'ai pas d'attaches. Mais attention, je ne me moque pas des personnes qui en font partie, je sais à quel point c'est difficile de tout lâcher pour suivre un conjoint vers un pays inconnu et se réinventer à chaque déplacement.

Pleine de bonne volonté, j'ai assisté à mon premier coffee morning à l'occasion de Halloween, le matin du 31 octobre. Il se tenait dans une des résidences officielles d'un pays de l'Atlantique Nord (un des pays dont la coutume est de fêter Halloween) et il fallait venir déguiser. A la lecture de l'invitation, j'ai eu un doute. "Je n'ai plus d'enfants petits et la fête est à 10h30 du matin, je ne suis pas sure qu'elle s'adresse à moi?" ai-je demandé aux organisateurs. "Non, non, c'est bien pour les adultes," m'ont-ils confirmé. Le but, ont-ils ajouté, est de réveiller l'enfant qui sommeille en moi :  "let your inner child express herself". Bon, on va essayer.

 La fête était bien organisée et la salle décorée à point sur le thème avec des rideaux en voile noirs et oranges, des lanternes-citrouilles, des guirlandes de fantômes, des toiles d'araignées en coton blanc, des mini chapeaux pointus de sorcières, et au milieu de tout ça, un buffet avec des mets sucrés et salés sur le même thème (biscuits-monstres, petites citrouilles en marzipan, sucré-salé de fantômes, concombres têtes de mort, etc..). Avant de pouvoir y goûter, nous étions invitées à participer à un quiz sur Halloween, chacune installée sur une chaise face à un écran géant sur lequel se déroulait un Powerpoint avec les questions. What's the origin of Halloween? nous demandait-on. Enfin, tout le monde sait que c'est un festival païen celtique à l'origine, n'ai-je pu m'empêcher de penser, incapable de ne pas faire la "Française qui pense tout savoir" (c'est notre réputation à l'étranger).

Assise là, devant la présentation, vêtue entièrement de noir (un déguisement recyclé de Madonna dans les années 80 conçu pour une soirée le mois dernier), ce n'est pas mon inner child qui s'est manifestée mais ma petite voix intérieure, cette terrible critique qui est toujours là en sourdine pour me rappeler à l'ordre. Mais qu'est ce que tu fous là? m'a-t-elle dit. C'est vrai que dans une vie antérieure, j'interviewais le président Chavez sur sa stratégie économique pour le Venezuela (basée sur le pétrole) et j'assistais aux conférences de presse de Tony Blair et autres dirigeants. Maintenant, je réponds à des quiz infantilisant sur Halloween. Mais, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, je vis les conséquences d'un choix que j'ai fait il y a des années, celui de donner la priorité à mes enfants.

 Laisse-moi tranquille ! ai-je dit à ma voix. Je dois lutter, elle est puissante, si je la laisse faire, elle a le pouvoir de m'entrainer au fond d'un trou et me convaincre que je suis un échec. Ah les critères arbitraires de réussite qu'on nous insuffle !  La carrière, la position sociale, tous ces critères du patriarcat qu'on nous a tellement bien vendus. Je ne suis plus dupe, alors la voix, je la fais taire. T'aurais jamais imaginé que tu vivrais ici un jour, alors tais-toi !, lui ai-je dit.

Elle s'est tue et par la même occasion, j'ai répondu juste à une des questions sur Halloween. J'ai eu droit à un bonbon. Je m'en suis félicitée et j'ai profité du départ d'une autre épouse (qui animait une reception à son ambassade) pour m'esquiver et échapper au concours de déguisements et au jeu des momies, le jeu préféré de mes enfants pour leurs fetes d'anniversaire du Primaire (des équipes concurrentes doivent entourer le plus vite possible leur camarade avec du papier toilette pour le transformer en momie). Malheureusement, j'ai du renoncer au buffet qui avait pourtant l'air appétissant. C'est connu, on ne peut pas tout avoir dans la vie !

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