Depuis la grande reprise post-pandémie, qui amène des milliers de touristes chaque mois, trouver de quoi se loger à Rome s'apparente à une mission impossible. Face à la concurrence du marché à court-terme, les locations de longue durée se font de plus en plus rares et les Romains d'adoption ne trouvent plus de logement.
Les comptes Instagram sont inondés de publicité incitant à la location de courte durée avec des logiciels de calcul pour démontrer que les revenus sont plus élevés et garantis. D'ailleurs, quand je lui ai donné mon préavis, mon propriétaire m'a informé qu'un prestataire de services airbnb lui avait offert le double du loyer pour mettre son appartement sur le marché du tourisme. Il a refusé parce que c'est un appartement de famille dans lequel sa mère a grandi et qu'il y est attaché.
La fièvre continue avec en visée le Jubilé de 2025, une année de grâce selon l'église catholique qui permet la remission des péchés. L'évènement marquant est l'ouverture par le Pape de la porte sainte de la basilique de Saint-Pierre, la plus centrale des portes qui d'habitude reste murée. Pour les fidèles qui la franchissent, elle symbolise le passage du péché à la grâce. Ce Jubilé doit durer un peu plus d'un an depuis le jour de Noël 2024 jusqu'à l'Epiphanie de 2026.
A cette occasion, des millions de touristes et de pèlerins supplémentaires sont attendus à Rome, ce que le marché de la location de courte durée ne veut pas rater. Dès qu'un appartement se libère, il est happé par les prestataires de service airbnb. Lentement, les habitants sont poussés vers la périphérie et le centre de Rome se transforme en musée ouvert et parc d'attraction offrant un succédané de la dolce vita romana où tout est faux: la fausse nonna qui se donne en spectacle en faisant les pâtes maison dans la vitrine de la trattoria, la vespa de location, et bien sur le faux appartement airbnb dans le centro storico. Dans un des anciens immeubles du quartier de Campo de' Fiori, il n'y a pas moins de 25 appartements transformés en airbnb.
Cela dit, la crise actuelle ne peut pas être imputée uniquement aux plateformes et aux propriétaires, qui ne font que saisir une nouvelle opportunité commerciale dans un jeu de marché. Si cette possibilité est devenue si attrayante, c'est parce que de nouveaux intermédiaires se sont greffés au marché pour prendre en charge la gestion quotidienne des locations, la partie la plus chronophage d'airbnb. Pour le prix d'une commission, les propriétaires n'ont plus à se fatiguer à gérer les réservations et changer les draps, ils n'ont qu'à toucher leur revenus fonciers, qui eux sont garantis puisque la plateforme fait payer à l'avance.
Autre facteur jouant en faveur de la location de courte-durée: le statut juridique des baux qui ne favorise pas les propriétaires. En Italie, le manquement au loyer est un véritable problème, au point que les propriétaires demandent toujours une garantie bancaire de six mois et préfèrent, en règle générale, louer aux expatriés, plus fiables dans ce domaine et moins installés car ils bougent tous les trois ou quatre ans.
Mais depuis l'année dernière, le tourisme a connu un tel rebond que même sur ce marché, les logements manquent et les nouveaux arrivants doivent payer des prix exorbitants sur airbnb pour se loger en attendant de trouver un appartement qui se libère. Dans une boucle infinie, la plateforme met aussi à disposition des logements de moyenne durée et finit par dominer tout le marché.