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Billet de blog 16 février 2023

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Trieste è bella di notte

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Une seule phrase, Trieste est belle de nuit, pour décrire l'impression qu'ont les réfugiés de la route des Balkans, quand après cinq ans d'errance, ils arrivent enfin à Trieste, point d'entrée en Italie, et pensent que leur cauchemar se termine.

Cette phrase, prononcée par un réfugié, a été choisie comme titre du film documentaire de Matteo Calore, Stefano Collizzolli et Andrea Segre sorti en janvier dans les salles italiennes. Puissant dans sa narration, il relate l'arrivée victorieuse en 2020 d'un groupe de jeunes réfugiés afghans et pakistanais et leur expulsion quasi immédiate sous couvert de flou juridique, un fait passé inaperçu à cause de l'ultra-médiatisation de la première crise du Covid-19.

Ces jeunes hommes avaient 22 ans quand ils ont quitté leur famille, ils en ont 27 quand ils arrivent à la frontière italienne et croient pouvoir demander l'asile politique. Mais cette option ne figure pas sur le formulaire (disponible uniquement en italien) qu'ils doivent remplir à l'entrée du territoire. Une autre surprise les attend à la place: la riammissione informale (réadmission informelle), un euphémisme outrageant pour parler d'une expulsion mise en œuvre sous un accord bilatéral signé entre l'Italie et la Slovénie mais jamais ratifié, et dont la légitimité est discutée.

 Dans la pratique, la police italienne emmènent ces jeunes réfugiés par fourgon à la frontière slovène pour les livrer à la police de ce pays. De là, ils partent dans un fourgon slovène pour se rendre en Croatie, où ils sont pris en charge par la police locale, qui elle, les conduit à la frontière serbe et donc en-dehors de l'Union Européenne. Une fois là-bas, ils se retrouvent à la case départ comme au jeu de l'oie. Ils ne peuvent plus retourner dans leur pays d'origine, c'est trop éprouvant et couteux, alors ils re-tentent leur chance à Trieste, en franchissant en fugitifs les forêts et les montagnes croates et slovènes. Ils dorment là où ils peuvent et mangent ce qu'ils peuvent dans une indifférence totale. Leur seul lien restant avec le monde est leur téléphone, sur lequel ils postent des vidéos Tik-Tok et Instagram, joliment utilisées dans le documentaire. Elles apportent une touche d'authenticité et de spontanéité et font de ces réfugiés des co-réalisateurs du film.

 Ce documentaire, filmé en 2020, est d'autant plus d'actualité que le nouveau gouvernement, dans sa politique anti-migratoire, a parlé de reprendre ces riammissione informale.

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=LZm2oNKoCfM

https://www.triestefilmfestival.it/event/trieste-e-bella-di-notte/

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