Le club de foot où vont mes garçons est assez curieux. A l'entrée de la réception, située en face des terrains, il y a plusieurs photos grandeur-nature accrochées au mur: celle du Pape actuel, celle d'un obscur cardinal, et celles d'autres austères cardinaux et prêtres fondateurs du club dans les années 1930. Pas besoin de plus d'explication, on comprend tout de suite que ce club est lié à l'Eglise, ce qui n'est pas surprenant à Rome où l'on sait qu'elle est encore puissante. Il est cependant fréquenté par beaucoup d'élèves du lycée français quelque que soit leur dénomination religieuse, à cause de sa proximité.
"Toi, tu mets tes garçons là-bas!" s'est exclamée mon amie haïtienne Monette quand elle a appris que je les avais inscrits.
"Pourquoi? ya un problème? " lui avais-je répondu.
"Tu sais que c'est l'Opus Dei, c'est ultra catho,", me dit-elle.
"Ah bon?.......pourtant leurs copains musulmans y vont aussi"...
Quand on est parents, on apprend à mettre certains de nos principes de côté pour le bien-être de nos enfants. Mes garçons veulent faire du foot dans le même club que leurs camarades et ce club va à l'encontre des mes idées sur l'extrémisme religieux? J'accepte, du moment qu'ils n'en sont pas affectés. Quand on vit dans un pays étranger, on apprend aussi à s'adapter à l'environnement local et à Rome, ça implique l'Eglise. Je les ai mis en garde: pas de douche et jamais seul dans les vestiaires. La crise du COVID nous aide d'ailleurs dans ce sens. Ils ne se changent plus au club, les vestiaires sont fermés, ils arrivent avec la tutta (le survêtement aux couleurs du club) et vont directement sur le terrain en respectant la distanciation sociale.
Ces clubs sont pour la plupart situés le long du Tibre en contrebas de la route, dans un aménagement de terrain datant des années Trente, époque de grands travaux de renforcement des berges pour contenir les inondations dues aux crues du fleuve dans les quartiers nord de la ville. Par la même occasion, des terres-pleins furent crées pour y installer de nouveaux clubs sportifs avec terrains de foot, cours de tennis et piscine, selon le désir de Mussolini de faire des Italiens un peuple sain grâce au sport. Architecture inédite que je n'ai pas vue dans d'autres villes. Sur le lungotevere Flaminio, il y a en a plusieurs sur le même modèle, pas nécessairement liés à l'Eglise. Les employés d'Etat avaient eux-aussi les leurs qui existent toujours, comme le circolo delle Poste (club des employés des Postes), le circolo della Polizia (la police), celui des Carabinieri (gendarmes) et le plus prestigieux de tous, le circolo degli Affari Esteri fréquenté par les diplomates et fonctionnaires des affaires étrangères. A Rome, on n'aime pas le changement.