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Journaliste (ex-reuters) et auteure indépendante basée à Rome, je vis et travaille dans plusieurs langues et cultures

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Billet de blog 19 mars 2020

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Chronique romaine: notre rythme s'installe

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon mari est reparti ce matin, il devait retourner au bureau après trois jours d'essai de télétravail. Parce qu'il travaille dans l'urgence pour une des agences de l'ONU, il a une autorisation de circuler pour motif professionnel. Pour lui, c'est presque une urgence comme une autre sauf que celle-ci se passe à la maison. Il a passé trois mois en Sierra Leone au moment de l'épidémie d'Ebola, il a été aux Philippines et à Haiti pour distribuer de l'aide alimentaire lors de catastrophes naturelles, l'urgence est devenue une raison d'être pour son organisation. Quand il travaille de la maison, l'urgence que nous vivons est démultipliée...Nous sentons la tension sous-jacente de ses appels téléphoniques, la pression à laquelle il est soumis, le niveau d'adrénaline qu'il maintient pour tenir le rythme, sans cesse en ligne à prendre des appels tout en assistant à une visio-conférence et à répondre à des mails urgents, sans jamais avoir le temps de déjeuner. Il est dans une autre dynamique que la nôtre et il aime ça. Nous par contre, nous essayons de retrouver un certain calme et un nouveau rythme de vie, et surtout de faire retomber l'angoisse malgré ce bombardage incessant de titres inquiétants. Toute la problématique du télétravail risque d'être remise en cause avec ce confinement forcé: finalement, aller au bureau, c'est bien pour tout le monde!

 Ici, le printemps arrive, des trois vieux chênes verts que nous avons autour de notre maison, il y en a un qui a déjà ses feuilles, c'est celui qui est situé coté est, au soleil levant. Les autres bourgeonnent à peine. Pour la première fois, je vais pouvoir observer l'arrivée du printemps et savoir quel arbre fait ses feuilles en premier et à quel moment précis les fleurs champêtres apparaissent, surtout les coquelicots, mes préférées (en général en mai). Il y a déjà quelques fleurs jaunes qui commencent à s'ouvrir mais je ne connais pas assez la campagne pour pouvoir les nommer. Je peux juste dire que ce ne sont pas des boutons d'or, de ces derniers, je me souviens de mon enfance. Les romarins que nous avons plantés il y a trois ans sont en fleur et sont couvert de gros bourdons qui viennent les butiner. Nous passons nos journées dans la maison et autour, à rentrer et à sortir, les portes-fenêtres toujours ouvertes. Pendant la journée, il fait la même température à l'intérieur qu'à l'extérieur, autour de 18 degrés. Nous n'avons plus besoin d'allumer le chauffage, même le soir, ce qui est une bonne nouvelle pour notre consommation de gaz. Elle sera largement réduite, et avec ce qu'il nous reste de gaz liquide dans la cuve, nous devrions tenir assez longtemps, la cuisinière en consomme très peu, et pour l'eau chaude, nous avons des panneaux thermiques sur le toit, qui, une fois l'hiver passé, suffisent à chauffer toute l'eau que nous consommons dans les salles de bain et la cuisine.

 Le plus grand de mes deux fils (en 3ème) passe ses journées sur l'ordinateur, à suivre des cours en ligne par visio-conférence ou sur Google drive. Il n'a pas plus de liberté que quand il allait physiquement à l'école. Cette urgence soulève beaucoup de questions sur l'aliénation scolaire à laquelle nous soumettons nos enfants et si ces longues journées sont vraiment justifiées. Mon plus jeune en 6ème a un programme plus souple, il comprend moins bien ce qu'on lui demande de travail personnel en dehors des quelques visio-conférences qu'il a dans la semaine. De mon côté, je n'insiste pas. Je le vois se promener dans les champs à la recherche d'un ruisseau en compagnie de la chienne des voisins qui vient nous voir tous les jours, je le vois construire des temples japonais en miniature avec des restes de tiges de bambou (que nous utilisons pour ombrager la terrace en été), des gravillons et des brindilles, je le vois assis à observer les insectes et je me dis qu'à 12 ans, c'est exactement ce qu'il devrait faire. Quant à moi, au milieu de tout ça, je suis assise devant mon écran à boire la tisane-menthe refroidie de la veille pour ne rien gaspiller de liquide. Elle n'a pas si mauvais goût...

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