Malgré les complications, les tracas mineurs et les constantes pertes de temps propres à la vie romaine, les résidents ont parfois ce qu'on pourrait décrire comme un instant de grace, pour utiliser une expression toute faite. C'est un moment particulier qui nous saisit tous au tournant d'une ruelle ou au passage d'un pont parce qu'à ce moment-là, on redécouvre un site qu'on ne voyait plus et qui devient particulièrement resplendissant sous la lumière qui l'éclaire. Dans ces instants, on se sent heureux et privilégié de vivre à Rome.
J'ai eu un de ces moments ce matin en me promenant seule entre le Panthéon et la Fontaine de Trévi, il n'y avait personne, j'avais la ville pour moi, glorieuse dans l'éclat d'une journée qui commence à peine. Dans mes déambulations, je suis entrée par hasard dans l'église de Sant'Ignazio, dédiée au fondateur de l'ordre de Jésus, Ignacio de Loyola, et connue pour son plafond maniériste en trompe-l'oeil, elle était grandiose parce que vide. Les rayons du soleil perçant à travers les fenêtres traçaient des lignes transversales comme pour montrer aux visiteurs le chemin de la lumière. J'ai compris alors tout le génie de cette architecture qui a su matérialiser dans la pierre les paroles de tout un évangile. La pierre comme instrument du pouvoir.