7 Mars, Yangon, soleil, chaleur, piscine, ironie impuissante.
Indécente banalité dans une prison dorée, les enfants jouent, éclaboussent de leur innocence cette réelle ambiguïté.
Le temps passe, les pensées s’entrechoquent.
Plus loin, vers les barricades, le pesant silence des quartiers s’étouffe derrière les murs froids des shoots de la veilles.
Fraicheur, eau cousue de fil blanc. Dans les arbres, les noirs prédateurs attendent les déchets grivois des victuailles.
Shoot, bulle de liberté frelatée. Staff débordé, regards fuyants.
Face à cette imposture, l’esprit est ailleurs.
Variation de paradoxes qui, depuis le premier jour, s’infiltre dans mon crâne. Mes sorties, dans l’exacte réalité des manifestations, se sont espacées.
La ferveur des premiers mouvements n’est plus. La détermination est devenue colère, tristesse et douleur : 50 morts ...
Shooter les rues, les toits, les fenêtres, les corps s’effondrent sous le poids de la dictature.
Ici, persiste un semblant de normalité. Le jour se casse, la bulle se vide, couvre-feu. Les minutes passent. Zoom familial, Londres, Martinique, Alsace. Ça fait longtemps. Comment allons-nous ? Fatigue, impression virtuelle d’être intimement proche.
Les corneilles se sont tues. Dans la nuit profonde les shoots mangent le silence. Une pluie d’infos s’abat sur les écrans des portables. Au loin, un feu d’artifice illumine le ciel, paradoxe de shoot lumineux et claquent les balles. Derrière les feuillages de la prison dorée : entendez-vous ?
Ce matin, il m’a raconté, ce qu’il a vécu hier soir, lui dans son quartier.
Dans son appartement les shoots résonnent dans leurs têtes.
« Joue »
« Gratte les cordes de ta guitare, chantons, buvons des bières »
« Que notre mélodie enveloppe ce bruit pour ne plus entendre et sentir l’odeur des shoots et les cris de la rue qui s’échappent vers les hauteurs des buildings
« Joue K »
« Comme tous les soirs les charognards envahissement nos quartiers, nos maisons, nos immeubles. Ce soir, les hôpitaux et les universités. Ils bastonnent et meurtrissent les entrailles de nos compatriotes.
« Joue, oublions un instant la bestialité ignorante de cette barbarie qui emprisonne notre liberté »
« Joue, demain l’illusion du silence nous reviendra. »