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Ce devait être son tout premier déplacement officiel, mais le Roi Charles III a dû annuler sa venue en France, le 26 mars dernier. Comme toute personne confinée, Emmanuel Macron ne peut recevoir ses amis.
Quelques jours plus tôt, le Président-confiné a également été privé de « loisirs » et, le 24 mars, n’a pas pu se rendre au Stade de France pour voir les bleus affronter les Pays-Bas. Le Stade a tout de même eu une pensée pour lui, et à la 49ème minute et 30 secondes, les milliers de spectateurs sifflaient le Président de la République.
Enfin, Emmanuel Macron s’est vu appliquer la restriction de déplacements et l’interdiction de quitter le département. Craignant une forte mobilisation de l’intersyndicale, le Président de la République a dû renoncer à un déplacement dans le sud de la France.
Sa dernière tentative de déconfinement pour présenter le « plan eau » s’est accompagnée de sifflets et de huées de centaines de manifestants. Pire, afin d’accéder au site, Emmanuel Macron a dû faire appel… à un hélicoptère ! Un président hors-sol, loin des gens, littéralement.
Faible dans la rue, faible à l’Assemblée
« Je pense que son modèle, c'est Margaret Thatcher. Il se voit dans l'histoire de France comme celui qui a réformé le pays contre lui-même, l’a brutalisé. Dans sa logique, il veut être celui qui a maté les mouvements sociaux, qui a maté les syndicats, celui qui a maté les plus grandes manifestations historiques. » - Extrait de mon entretien avec Mathieu Slama.
Depuis le début de la mobilisation, Emmanuel Macron n’a qu’un seul objectif : le pourrissement, la résignation. Durant plusieurs années, il s’est efforcé à séparer les corps, diviser les Français. Les empêcher de faire masse. Par la répression des Gilets jaunes, puis par sa gestion du Covid. Par sa quête infinie de toujours trouver des coupables à sa propre gestion déplorable. À dresser les Français les uns contre les autres.
Sa stratégie a échoué. Alors qu’il pensait passer sa réforme en surfant sur la résignation, il a réussi à unifier le corps social. A unifier les Français. A leur permettre de faire corps, contre lui !
Après deux mois de mobilisations, les Français sont de plus en plus nombreux à rejeter en bloc sa réforme des retraites. Une mobilisation qui se voit dans la rue : le 23 mars, le nombre de manifestants a battu un record historique, avec 3,5 millions de personnes.
Dans les enquêtes d’opinion, la tendance se confirme. Selon un sondage d’Harris interactive, 70% des Français rejettent la réforme des retraites, « 6 points de plus qu’il y a quinze jours ». Le soutien aux mobilisations est également en hausse : 70% soutiennent les manifestations. « C'est même 3 points de plus que les deux précédentes enquêtes réalisées les 14 et 22 mars. Six Français sur dix (61%) souhaitent que les organisations syndicales continuent d'appeler à la mobilisation (+3 points) ».
Le Président est isolé. De plus en plus. En vérité, nous sommes pris dans un effet de boucle. La résignation a été balayée par l’espoir. L’isolement de la macronie à l’Assemblée n’y est pas pour rien non plus. Le non-vote de la réforme, le loupé à 9 voix sur le vote de la motion de censure, ont surtout montré aux Français que les planètes étaient alignées. Dans la rue comme dans l’hémicycle, un nombre conséquent de Français veulent un retrait de la réforme et une démission de ce Gouvernement.
Et, même lorsqu’il y a des violences en marge des manifestations, les Français ne sont pas dupes. Selon Odoxa, 70% des Français pensent que les débordements et violences sont largement de la faute du Gouvernement qui a provoqué cette situation.
Répression et RN : les deux portes de sortie pour Macron
Face à ce bloc mobilisé, le pouvoir cherche une porte de sortie. Il en a identifié deux : la démobilisation par la répression, et le Rassemblement national.
« J'ai décidé de rentrer à pied plutôt qu'en métro. Je m'en souviendrai... ». Le 20 mars, je croise Alicia à la sortie du commissariat du treizième arrondissement de Paris. Avec mes deux collègues députés, Hadrien Clouet et Arnaud Le Gall, nous venons de faire une visite. Si Alicia vient nous voir, c’est pour nous raconter sa nuit passée en garde à vue. Pour quel crime ? Elle sortait de son cours de danse et est tombée sur des CRS, « gênés », qui lui ont demandé de patienter. Jusqu’à ce qu’elle se retrouve à passer une nuit en garde à vue avec des militants du Nouveau Parti Anticapitaliste. (Récit complet sur Twitter)
En France, nombre de personnes se sont retrouvées dans cette situation. Sur les 292 interpellations du jeudi 16 mars, 283 ont été libérés sans aucune poursuite le lendemain, 7 n’ont eu qu’un rappel à la loi. Ces interpellations dites « préventives » ont d’ailleurs été dénoncées par Claire Hédon, Défenseure des droits, qui se dit « inquiète ». « La Défenseure des droits alerte sur les conséquences d'interpellations qui seraient préventives de personnes aux abords des manifestations [...] Cette pratique peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions ».
Ajoutons à cela la répression sans nom des manifestants à Sainte-Soline, et il devient aisé de comprendre que le pouvoir cherche à dégouter les mobilisés. Voire, à criminaliser la contestation.
Dernier exemple d’intimidation : une dame vivant à Saint-Omer, mise en garde à vue pour un « post Facebook » insultant envers le Président.
Si les médias fantasment une « gilet-jaunisation » de la contestation, c’est surtout la répression qui a été « gilets-jaunisée ».
L'extrême droite complice
« [Marine Le Pen] a été bien plus républicaine que beaucoup d'autres dans ce moment-là. » - Olivier Dussopt, ministre du Travail, 26/02/2023
« Madame Le Pen est incontestablement plus intelligente politiquement que Monsieur Mélenchon. » - Gérald Darmanin, 29/03/2023
La dernière porte de sortie : le Rassemblement national. Entre Gérald Darmanin, Olivier Dussopt… les membres du Gouvernement ne tarissent pas d’éloges sur le parti d’extrême-droite. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de leur adversaire favori. Celui que tout le monde peut battre. Ou tout du moins, ils le croient.
Il y a chez le RN et le parti présidentiel une convergence des pratiques. A savoir que dans les deux organisations, tout repose sur la division du corps social. Le RN est le meilleur ennemi du Gouvernement car il est celui qui fait reposer tout son argumentaire sur la division de la population : Français contre immigrés, travailleurs contre chômeurs.
Pire – ou peut-être pire – le Rassemblement national a été et sera toujours l’ennemi de la mobilisation. En témoigne les propos sur les réquisitions, les grèves. Bardella sur France Inter, parlant des grèves chez TotalEnergies : « il ne faut pas exclure de réquisitionner pour permettre aux Français de continuer à travailler ».
Enfin, un des exemples les plus criants est tout simplement leur absence dans les débats au Parlement. Lors de l’étude du texte à l’Assemblée, le Rassemblement national a déposé 241 amendements, contre 469 pour les députés macronistes. Le RN avait donc moins de choses à dire sur la réforme que les macronistes eux-mêmes. Absents dans l’Assemblée, absents dans la rue, le RN, plus qu’un piège, est un parti complice du Gouvernement. Et ce dernier le lui rend bien.
Tenir bon, tenir tête
« Tenter, braver, persister, persévérer, s'être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu'elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l'exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. » - Victor Hugo, Les Misérables.
Ils n’ont jamais été aussi faibles. Mais surtout, nous n’avons jamais été aussi forts, aussi près du but : le retrait de la réforme et l’arrêt de la destruction de nos droits.
Nous avons tous les éléments en main pour gagner cette bataille : le soutien de la population, les manifestants, en bref, le rapport de force. Mais nous devons persévérer. Aidons ceux qui font grève, celles et ceux qui se mobilisent dans les blocages. Continuons de faire grossir les cortèges dans les journées de mobilisations.
Nous sommes dans le dur de la lutte. Ce moment où tout peut arriver. Pour gagner, soyons massifs.
Et dans le fond, avons-nous d’autres choix ? En juin, l’inflation sur les produits alimentaires va encore augmenter pour atteindre 20%. Les artisans continuent de tomber sous le coût de l’énergie. Le changement climatique va mettre à mal nos agriculteurs. Face à tout cela, que voulons-nous : une direction autoritaire et injuste du Président Macron ? Ou voulons-nous prendre en main notre destin et permettre à chacun de vivre de son travail, dans un monde apaisé ?