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Billet de blog 14 février 2022

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Un AESH porte plainte contre Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel

Le 11 février, Sébastien Cazaubon, un AESH d'origine bordelaise, a porté plainte contre Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel "pour maltraitance institutionnelle et mise en danger de la vie d'autrui."

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Rembobinons : Emmanuel Macron a fait du handicap une « grande cause du quinquennat ». Avec cette promesse, notamment, de ne laisser aucun enfant sans solution. Presque cinq plus tard, la situation est loin d'être idyllique dans les cours d’école.

Cette année, environ 400 000 enfants avec handicap fréquentent l’école « ordinaire », c’est-à-dire non spécialisée. Soit une "augmentation de 19% en 5 ans", souligne Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. En revanche, comme l'a souligné Mediapart (lire ici), impossible de savoir combien d'entre eux vont en classe seulement quelques heures par semaine, avec ou sans AESH... 

Vous savez, les AESH, ces fameux accompagnants d'élèves en situation de handicap, qui ont "vocation, sous la responsabilité pédagogique des enseignants, à favoriser l'autonomie de l'élève, sans se substituer à lui dans la mesure du possible", explique le site du Ministère de l'Education nationale. Ils sont environ 125 000 en France. 

Les Pial, un accompagnement au rabais ? 

Après une reconversion professionnelle, Sébastien Cazaubon est AESH dans les Landes depuis janvier 2019. Il aime ce métier jusqu'au bout des ongles et ne regrette pas ce choix de carrière. Pour lui, un AESH est un "vrai outil dans la trousse des élèves." C'est aussi un métier "dur psychologiquement" nécessitant une "concentration extrême". Un métier, au fond, peu valorisé, précarisé, avec un salaire oscillant "entre 750 et 850 euros, rarement au-dessus", un "CDD de trois ans renouvelable une fois, en espérant un CDI au bout de 6 ans..."

Depuis des mois, ce "citoyen engagé dans l'inclusion scolaire" - et par ailleurs délégué territorial 40 du mouvement Résistons - défend corps et âme cette profession. Que ce soit dans les médias, sur sa page Facebook ainsi que sur le terrain, quitte à récolter les mauvais points auprès de sa hiérarchie.

Mais pour lui, le plus gros scandale concerne la mise en place des Pial (Pôles inclusifs d'accompagnements localisés) :

"En choisissant de répondre à l’inflation des notifications MDPH (+10 % en moyenne par an) en essayant de contraindre, voire restreindre, le nombre d’emploi d’AESH, le ministère a fait le choix d’une gestion managériale des ressources humaines par une mutualisation à outrance des moyens alloués. Dans cette contrainte de gestion de la pénurie, les PIAL concourent à la mutualisation généralisée des accompagnements et à une dégradation des conditions de travail par une ubérisation forcée. Le PIAL est l’instrument destructeur de la politique d’école inclusive des élèves en situation de handicap au profit d’une logique purement comptable."

Derrière, les conséquences de ces Pial sont nombreuses, estime Sébastien Cazaubon : 

  1. pour les AESH, avec notamment un "accompagnement des élèves sur des temps plus courts et sans connaître l'élève accompagné..." 
  2. pour les enseignants, avec une "surcharge de travail pour pallier l'absence d'AESH", "différents AESH pour un même élève..."
  3. pour les élèves en situation de handicap enfin, avec une "perte de repères dans la classe, autonomie forcée, perte du goût des apprentissages, isolement, sentiment d’échec, souffrance psychologique, fort risque d’échec scolaire ou de déscolarisation..."

Plainte 

Après le lancement d'une pétition (ici), Sébastien Cazaubon a décidé de passer à la vitesse supérieure. Le 11 février, il a saisi le procureur de la République du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan afin de porter plainte contre Jean-Michel Blanquer (ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports) et Sophie Cluzel (Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées) pour :

- "maltraitance institutionnelle envers les élèves en situation de handicap, les AESH, les parents d'élèves en situation de handicap et les enseignants dans le cadre de la politique d'inclusion scolaire en France"

- "mise en danger de la vie d'autrui par négligence politique"

Avec sa collaboratrice, il va saisir prochainement "d'autres juridictions", prévient-il. 

"Plus les plaintes seront nombreuses, plus nous serons pris au sérieux par la justice de notre pays."

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