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Avec Les Filles vont bien, premier long-métrage enthousiasmant, Itsaso Arana réussit son passage derrière la caméra. Le film narre les confessions de cinq comédiennes en répétition l’été dans une maison de campagne, en Espagne. Comme l’adverbe du titre, le film est d’une nature positive et d’une consistance simple, ce qui ne l’empêche pas de nourrir de belles ambitions (a)dramatiques et de s’apprécier pour ce qu’il est : un portrait d’actrices.
Les filles vont bien exprime toute l’espérance de vie que place son autrice, ici dans son propre rôle de metteuse en scène, dans les processus créatifs eux-mêmes. Elle s’entoure de quatre rayonnantes actrices (Itziar Manero, Bárbara Lennie, Irene Escolar et Helena Ezquerro), dont le naturel et la vitalité galvanisent ce regroupement estival. C’est une mise en abyme par le théâtre, les décors, les costumes et le jeu que livre Itsaso Arana, et dans cet exercice, elle convainc.
Fraîchement débarquées dans la maison, les cinq femmes se retrouvent dans des dispositions bien particulières. Retranchée du reste du monde, la vieille demeure, dans laquelle s'invite une lumière douce et chaleureuse, pousse aux confidences. Entre le travail sur la pièce et le temps libre - le soir dans le jardin, lors d’une fête de village, au lit, à la rivière - se tisse doucement une toile d’intimités révélées. On se déguise, on répète, on s’épanche sur le métier, on se livre enfin sur ses incertitudes, son existence.
On l’aura compris, Les filles vont bien cherche surtout à capter des instants de grâce. La maison de campagne constitue l’enclave hors du temps du film-essai d’Itsaso Arana, la pièce de théâtre sert de prétexte pour mêler fiction et vérité. La dramaturgie, allégée de tout conflit, baigne dans les eaux du documentaire - les comédiennes prêtent leur prénom, leur corps (l’une d’elles est enceinte) et leur expérience à leur personnage. Le film raconte comment la vie opère sur les processus créatifs, et vice versa. Ainsi, mourir dans la fiction prolongerait la vie, comme le suggère un soir Irene, qui a remarqué qu’on la faisait souvent mourir sur scène et à l’écran.
Itsaso Arana a modestement autoproduit son film avec Los Ilusos, la société de production du cinéaste Jonás Trueba, dont elle est l’actrice fétiche (Eva en août, Venez voir…). Ensemble, ils fabriquent un cinéma qui épouse les reflets instables des âmes de leurs personnages, actrices, trentenaires intellos, musiciens, qui aiment se jeter à l’eau, au sens propre comme au figuré. Le résultat est probant. Ça vit, ça pense et la parole sonne juste. Ouvertes à l'imprévu, et jamais une fin en soi, les conversations forment le cœur palpitant de leur cinéma. Dans le sillage de Rohmer et d'Hong Sang-soo.