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Billet de blog 10 juin 2025

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« Indomptables » : Thomas Ngijol en commissaire tout-puissant au Cameroun

Dans un polar séduisant où comique et tragique se mêlent, l’humoriste Thomas Ngijol délocalise le crime dans les rues de Yaoundé.

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Illustration 1
Le commissaire Billong (Thomas Ngijol) mène l'enquête. WHY NOT PRODUCTIONS

Indomptables produit plusieurs déplacements : vous savez, il n’est pas là où on l’attend. Tout d’abord, c’est un film en partie “sérieux” du comique star Thomas Ngijol (Case départ, Fastlife, Black snake), au point d’avoir été programmé à la Quinzaine à Cannes - sélection parallèle essentielle du cinéma d’auteur indépendant. Ensuite, Ngijol, fidèle à son inscription dans l’expérience africaine, délocalise le polar à Yaoundé. Pour ceux qui commençaient à se lasser des polars chinois sous la pluie, en voici un camerounais sous le soleil. Le film est tiré de faits réels et il est l’adaptation fictionnelle du documentaire Un crime à Abidjan (1997) de Mosco Boucault. Thomas Ngijol transpose l’enquête de police de la Côte d’Ivoire au Cameroun, d'où il vient, et situe l’intrigue de nos jours. C’est le deuxième documentaire de Mosco Boucault adapté en polar au cinéma, après Roubaix, une lumière (2019) d’Arnaud Desplechin, toujours sous la houlette du producteur parisien Pascal Caucheteux (Why not). Dernier déplacement, du réel à la fiction, Ngijol conserve la dramaturgie de l'affaire, celle du meurtre d’un officier de police - au point de rejouer certaines scènes, de reprendre certains détails, paroles ou gestes marquants -, tout en emmenant son film ailleurs : l’enjeu de la fiction ici sera de prolonger le personnage tout-puissant du commissaire chargé de l’enquête sur la pente intime, vers le foyer, aux règles strictes et pourtant mouvementé (quatre jeunes fils vivent à la maison, la fille a déserté, la mère attend un autre enfant).

Accent local et dédain alangui

Le commissaire Billong tente de résoudre l’homicide de son collègue tué d’une balle près du cœur. Néanmoins ici pas d'énigme sophistiquée à la David Fincher, pas de rebondissement ingénieux, l’intérêt du film réside dans le portrait tragicomique qu’il fait de son personnage, autorité fatiguée, qui passe grosso modo 85% de son temps à intimider les gens - les suspects, ses collègues, ses enfants -, avant de leur tendre la main, accompagnant son geste d'une formule agressive et dominatrice : “salue-moi !”. Reposant beaucoup sur la prestation de son acteur-réalisateur, avec l’accent local et le dédain alangui dont il a le secret (celui qu’on décèle dans chacun de ses “tchips” maîtrisés), la fiction sur un mode réaliste, propose une intéressante mise en scène - plutôt sèche, sobre, ne donnant pas trop dans le numéro de charme, l’excès d’imagerie ou la carte postale africaine, mais au contraire assez proche de la rue et parvenant, notamment grâce aux nombreux trajets en voiture, à attraper un petit bout de réel dans la ferveur de Yaoundé. Même si le film verse sur sa fin dans un registre sentimental - la relation père-fille - moins convaincant, cette adaptation en polar comico-réaliste bouscule joyeusement.         

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