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Billet de blog 30 décembre 2024

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« Bird » : le nouveau film d'Andrea Arnold ou la misère ailée

Avec Bird, la cinéaste britannique cherche à réinventer la poésie des bas-fonds à l’heure des smartphones.

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Dans Bird, Bailey (Nykiya Adams) est une enfant de 12 ans aux allures de garçon manqué, dont le quotidien se limite globalement à errer. AD VITAM

C’est une idée de conte urbain qui valait bien un film, typique d’une chronique arnoldienne, où se côtoient trivialité et féerie : dans un squat d’une banlieue éloignée et pauvre de Londres, un jeune père un peu spé (Barry Keoghan) fait baver un crapaud, en lui faisant écouter Coldplay, dans le but de recueillir une drogue hallucinogène avec laquelle il financera ses noces prochaines. Dans Bird, Bailey (Nykiya Adams) est sa fille, une enfant de 12 ans aux allures de garçon manqué, dont le quotidien se limite globalement à errer dans un environnement périurbain qui rassemble familles éclatées, animaux et autres enfants dans la même galère. En adepte des réseaux sociaux et courageuse jeune fille, Bailey filme avec son portable pour se défendre lorsqu’elle se sent menacée, sinon obsessionnellement les mouettes qu’elle projette ensuite sur les murs de sa chambre. Cette matière verticale paraît être intégrée au film pour faire respirer la mise en scène d'Arnold, qui, comme souvent, est arrimée au corps de son personnage principal (on épouse ses perceptions, ses sensations, dans un film d’ambiance, sensuel, à la forme heurtée et haptique, cueillant à vif les sentiments et la violence). 

Cinéaste britannique reconnue pour son romanesque des laissés-pour-compte (Fish Tank en 2009, American Honey en 2016, tous deux Prix du Jury à Cannes), Arnold retrouve les thèmes principaux de ses films précédents, mêlant le social et une possibilité poétique puisée dans ses personnages. C’est ici l’arrivée d’un jeune homme nommé Bird (Franz Rogowski) : homme-oiseau aux vêtements bizarres, qui se tient, de jour comme de nuit, en équilibre au bord du toit d’un immeuble, comme prêt à s’envoler. Rêveur et solitaire, l’étrange garçon cherche ses parents perdus depuis longtemps, et Bailey l’aidera dans sa quête, malgré tous ses problèmes à elle.

Avec ce drame hybride, travaillé par la question animale (très présente dans son cinéma), Andrea Arnold nous plonge dans un univers somme toute assez entêtant. Ce qui coince, c’est que Bird est exactement le film qu’on attend sur des sujets beaucoup plus puissants, pris tout seuls, qu’il ne l’est lui-même en les combinant dans un récit d’apprentissage (“d’envol”) au symbolisme appuyé. De ses thématiques sociétales (l’entrée dans l’adolescence, le quotidien déséquilibré d’enfants livrés à eux-mêmes) émane une telle force de fantasme que le fantastique fait l’effet d’un ajout superflu : le film pourrait en effet se passer de l’homme-oiseau, qui ne trouve véritablement jamais sa place dans le récit. Hélas, il entraîne plutôt l'ensemble dans une escalade métaphorique consensuelle et enfantine (on pense en retour aux dires du père sur Coldplay - “de la musique sincère pour darons…”) Ces enfants sur qui la vie cogne dur, la cinéaste en martèle la capacité de transcendance plus qu’elle ne les fait exister par la fiction, et l’agacement l’emporte.

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