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Billet de blog 3 avril 2014

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La Caisse des dépôts veut-elle acheter des représentants du personnel?

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Suite à la loi de 2010 réformant les instances de concertation et les règles de représentativité dans la Fonction Publique, la CDC, Etablissement public financier employant principalement des fonctionnaires (loi de 1996, décret de 1998), a renégocié l’ensemble des droits syndicaux propres à l’E.P., en s’appuyant sur les nouvelles règles du jeu.

Si pour l’essentiel la représentation syndicale est ainsi confortée et organisée en tenant compte des spécificités de l’Etablissement, cet employeur public, à la toute fin des négociations, a introduit une mesure qu’on peut assimiler ni plus ni moins qu’à une façon d’acheter les syndicalistes !

En effet, la Direction a proposé, au-delà des règles de droit et de jurisprudence, le versement d’une indemnité compensant le fait de ne pas bénéficier de tous les éléments de rémunération de certains collègues.

Explication : depuis une dizaine d’années, en dehors de tout contrôle syndical et de toute négociation, la Direction a développé ce qu’elle appelle des « parts variables d’objectif » qui lui permettent de contourner toute discussion sur la masse salariale, et de distribuer essentiellement à son encadrement, des primes substantielles (de 5% pour une PVO « de base » jusqu’à 25% de la rémunération annuelle pour un cadre de direction… !). Ces parts variables (dont la variabilité est faible... et arbitraire) ont été reliées, dans une tentative de cohérence d’ensemble, en 2011, à l’exercice d’emplois précisés par une note de la Direction des ressources humaines. Les pourcentages lié à tel ou tel emploi ont été également précisés à cette occasion. Les points retenus pour les emplois « éligibles à la PVO » sont : « responsabilités d’encadrement ; niveau d’expertise élevé ; conduite de projets ; animation et développement commercial ».

La jurisprudence, tant en droit public qu’en droit privé, protège les représentants du personnel en leur garantissant une rémunération égale ou équivalente à ce qu’ils auraient perçu dans leur emploi s’ils n’exerçaient pas leur mandat syndical.

De façon extensive, la Direction a décidé de verser aux permanents syndicaux  une prime «représentative » de PVO. Devant l’opposition d’une majorité de syndicats publics, le schéma est devenu le suivant :

- Les salariés sous convention collective se voient garantir le paiement de l’équivalent de leur PVO  s’ils en bénéficiaient antérieurement (ça c’est l’application de la jurisprudence) ; et pour ceux qui n’en bénéficiaient pas, le montant moyen de PVO  versé dans leur grade (ça c’est au-delà du droit : les PVO ne sont pas des primes générales et indifférenciées, mais sont officiellement liées à des emplois). UNSA, CGC et CFDT privés ont signé l’accord.

Chiffres annoncés : de 1832 euros pour le premier grade (« Attaché d’études ») à 7 333 pour le plus élevé, les « Directeurs d’Etudes »… en passant par « chargés d’études A » = 2 603 euros, et « chargés d’études B » =3 699 euros).

- Concernant les fonctionnaires et agents publics, la formulation étant demeurée celle-ci, seules l’UNSA et la CGC ont signé l’accord ; CFDT publics, CGT, SNUP-FSU, CFTC et FO ( soit les deux tiers de suffrages d’agents publics exprimés) ont fait opposition. L’accord est donc devenu caduc. Mais loin de reprendre les discussions, la Direction a édicté de son propre chef, le 12 mars,  sous forme de circulaire,  sans discussion préalable ni avis du Comité technique  2014, une mesure visant à faire bénéficier les permanents publics « qui en font la demande » d’une prime équivalant au montant moyen de PVO et NBI (= nouvelle bonification indiciaire, mesure Durafour/1989, reposant aussi sur des définitions précises d’emplois) versées au titre de l’année n-1.

Chiffre qui nous a été annoncé : 3500 euros… quel que soit le grade et la perception antérieure d’une PVO (autrement dit, plus rien à voir avec la jurisprudence, mais une prime uniforme pour rémunérer le « métier » de syndicaliste… bien au-delà de ce que sont en droit d’attendre la plupart des collègues dans un système de PVO ( un calcul rapide : pour quelqu’un bénéficiant d’une PVO minimum soit 5% de sa rémunération annuelle, 3500 euros de PVO cela correspond à 70 000 euros annuels ! – soit mieux que pour 95% des fonctionnaires à la CDC, encadrement compris !)

La CFDT Publics est intervenue auprès de la Direction, à plusieurs reprises, en argumentant sur différents registres – notamment : que signifie, par rapport à la recherche de « modernisation » en général que prône le « plan stratégique » du groupe CDC, la décision de ne pas tenir compte du résultat d’une négociation, sur, les droits syndicaux… Comment ne pas l’interpréter comme un certain mépris pour le droit et la négociation ? – mais aussi et surtout : en allant au-delà du droit, la Direction de la CDC crée une catégorie à part de privilégiés, les permanents syndicaux – avec qui elle « négocie » … !?

Sans réponse de la part de la Direction, ni avant ni après la parution de la circulaire, la CFDT Publics a saisi le président de la Commission de Surveillance, M.Emmanuelli, le 14 mars, en lui demandant que cette circulaire soit retirée.  Son secrétariat nous a transmis le …1er avril le message suivant : « Suite à votre envoi , le Président a saisi le directeur général sur ce sujet. »

Tout ce monde se hâtant lentement, nous estimons  devoir mettre en pleine lumière cette pratique discutable – la rémunération avantageuse proposée à des représentants du personnel à plein temps – de la part d’une Direction amenée par ailleurs à prôner la modération salariale et les économies dans tous les domaines…

Ce mauvais usage du droit, et ce mésusage, symbolique mais fort, de fonds publics, la CFDT Publics ne l’accepte pas.

Daniel Bonté, secrétaire général CFDT Publics

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