Il y a 40 ans, le 12 février 1976, Gérard Jussiaux sortait de prison. Secrétaire de l'union locale CFDT de Besançon où l'influence du combat des Lip et les socialistes autogestionnaires, voire libertaires, du PSU, avaient une grande influence, il avait accompagné des militaires du contingent d'un des régiments de la ville qui s'étaient constitués en comité et entendaient le transformer en section syndicale. Les locaux de la CFDT avaient été utilisés pour une conférence de presse avec des soldats. Ils s'étaient résolus, en novembre, à cette audace parce qu'ils ne voyaient pas venir de sanction contre un lieutenant qui avait tabassé, au printemps précédent, en lui éclatant la rate à coups de rangers, un appelé qui contestait une décision...
Une centaine de comités de soldats fleurissaient dans le pays qui, dans ces années post-mai 68, avait vu les sursis d'incorporation dans l'armée remis en cause en 73 par Michel Debré. Ils étaient souvent animés par des militants d'extrême gauche ou du PSU via l'association IDS (information des droits du soldat). Au 19e régiment du Génie de Besançon, l'un d'eux était Alain Genot, militant trotskyste. Il fit un bon mois de prison. Un bibliothécaire de la ville, Jean-Claude Valentini, qui avait prêté son appartement pour des réunions clandestines, passa un mois et demi derrière les barreaux. Au total, 53 personnes furent inclupées d'atteinte au moral de l'armée devant la cour de sûreté de l'Etat, 26 connurent la paille humide du cachot... On parlait de complot communiste et d'armée de guerre civile...
Un mouvement de solidarité se leva dans le pays...
Et puis un non-lieu général fut rendu en 1978. La cour de sûreté de l'Etat disparut après la victoire de François Mitterrand en 1981. Plus tard, Jacques Chirac suprimera la conscription et l'armée de métier devint la règle, assez loin du modèle de "l'armée nouvelle" et citoyenne chère à Jaurès...
Une rapide recherche m'a fait tomber sur un mémoire de maîtrise d'histoire, mais les quelques protagonistes de cette affaire que j'ai interrogés n'ont pas connaissance d'autres travaux de recherche.
Bon, voilà, je développe ça dans deux articles de Factuel.info, ici et là. Ce serait dommage que cet épisode tombe dans l'oubli. Ah oui, j'oubliais, je trouve assez juste cette analyse de Gérard Jussiaux : "à Besançon, mai 68 a duré dix ans. Il a commencé début 67 avec la grève de la Rhodia [qui déboucha sur les fameux films du groupe Medvedkine] et s'est terminé fin 77, quand l'érosion des adhésions au syndicat a commencé..."