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Billet de blog 9 juin 2011

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Indignons-nous tous, à Paris comme à Madrid!

La crise globalisée a mis en évidence la dérive oligarchique de nos démocraties. Nous continuons à nous «lever tôt» et à «travailler plus» pour en définitive gagner moins et perdre, au passage, quelques heures de sommeil. Nous ne pouvions pas toutefois nous plaindre, heureux que nous sommes d'avoir encore un emploi!

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La crise globalisée a mis en évidence la dérive oligarchique de nos démocraties. Nous continuons à nous «lever tôt» et à «travailler plus» pour en définitive gagner moins et perdre, au passage, quelques heures de sommeil. Nous ne pouvions pas toutefois nous plaindre, heureux que nous sommes d'avoir encore un emploi!

La situation est pourtant digne d'indignation. En effet, ceux qui ont provoqué la crise sont les premiers assistés par nos gouvernants et, de surcroit, avec nos impôts. Les espagnols ont commencé le mouvement le 15 mai à Madrid dans la Puerta del Sol, sans les partis politiques et contre une classe gouvernante qui, loin de se soucier du bienêtre populaire, applique sans scrupules une purge d'austérité économique dictée par les mêmes qui n'ont pas hésité à faire appel à l'Etat pour sauver leurs banques.

Les plus de 70 villes espagnoles « indignées » se sont converties en véritables agoras où tout le monde discute librement et pense autrement notre vivre ensemble. Les pancartes que nous avons lues dans les rues parlent d'elles mêmes : « Nous ne sommes pas contre le système, le système est contre nous », « L'alternance n'est pas la démocratie », « Violence est gagner 600 euros par mois », « Nous ne sommes pas une marchandise ».... C'est dans ce climat d'effervescence citoyenne que le parti socialiste espagnol perd d'une manière massive et générale les élections régionales et municipales. Les résultats du suffrage outre-Pyrénées est sans appel : le 1 600 000 de personnes qui votaient au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) dans les élections nationales de 2009 s'est abstenu, a voté blanc ou a donné sa confiance à d'autres formations politiques en 2011. Rien de plus normal : Comment encore se sentir représenté par une gauche qui n'a pas hésité à baiser les salaires des ouvriers et a favorisé la précarisation des relations de travail avec une batterie des mesures de flexibilisation du marche du travail que les conservateurs auraient pu plébisciter. Lesdites mesures loin d'améliorer la situation ont aggravé le taux de chômage qui est passé de 18% en 2009 à 21,27% en 2011. Cependant, personne en Espagne n'était contre un ajustement économique nécessaire mais personne n'accepte pour autant que ce soient les bas salaires les seules variables d'ajustement. En France, la situation n'est guère mieux : entre 1996 et 2006, les 10 % des salariés les moins bien rémunérés ont gagné 131 euros de plus, les 0,1 % les mieux rémunérés, 5 426 euros ! Un cadre gagne en moyenne 10 fois plus qu'un ouvrier et les grands patrons français ont touché un salaire 24% plus élevé en 2010 qu'en 2009, qui s'élève en moyenne à 2,46 millions d'euros, soit 150 Smic ! C'est le patron de Michelin, Michel Rollier, qui ravie pour la première fois le titre de numéro 1 du palmarès réalisé par Les Echos, avec des revenus de 4,5 millions d'euros en 2010. Soit une progression de 505% par rapport à ses revenus de 2009 !

Si l'on est ni rentier ni héritier ont doit faire le deuil de vivre à Madrid ou à Paris : le prix de l'immobilier a augmenté de 140% en 10 ans dans la ville Lumière et de 288% dans la capitale du Royaume ! Le prix des loyers, étant fixé librement par les propriétaires, ne cesse d'augmenter : pour moins de 800 euros, on ne trouve pas un studio à Paris ou un deux pièces à Madrid, alors que le salaire moyen net est de 1500 euros chez nous et de 900 euros à Madrid ! Le retour à la maison des parents devient dans ces conditions obligatoire.

Et pourtant, il y a encore aujourd'hui bien d'experts qui continuent à nous expliquer avec leur arrogance technique que tout cela est normal. Mais au-delà du dogme macroéconomique, comment peut-on encore accepter ne pas pouvoir se loger décemment dans la ville où on travaille ? Espérer un premier contrat à durée indéterminé à l'âge de 35 ans ? Se voir réduire progressivement le remboursement des médicaments ? Ou devoir payer à chaque fois plus chère nos factures de gaz et d'électricité ?

La mobilisation continue à Puerta del Sol et à la Bastille l'affluence des citoyens indignés ne cesse d'augmenter entre autres afin que nos États soient au service des citoyens et non pas au service des grands pouvoirs financiers. La politique, c'est-à dire notre destin, se fait dans les agences de notation ou dans les grands cabinets d'avocats d'affaire et non pas dans son lieu naturel : le parlement. Le mouvement des indignés s'est soulevé précisément contre cette confiscation de la chose publique (avec la complicité des gouvernants).

Nul ne peut prédire la suite de ce mouvement politique (et non pas partisan) mais nous savons d'ores et déjà qu'il sera catastrophique que les grands partis de gauche ne reprennent massivement à leur compte les principales revendications des indignados aussi bien concernant le contenu de revendication que la critique du système électoral.

Daniel Borrillo et Victor Gutierrez Castillo

Article paru dans "Le Monde" 07 /06/2011 (Point de vue)

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