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Billet de blog 10 mars 2009

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Pour une conception démocratique de la filiation

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Pour une conception démocratique de la filiation

Bien que de nature universelle, la présentation de l’avant projet de loi relatif à l’autorité parentale et aux droits des tiers vient de relancer le débat sur l’homoparentalité. Ce terme désigne le lien de parenté entre un ou plusieurs parents homosexuels et un ou plusieurs enfants. Bien que les familles homosexuelles existent depuis longtemps, le terme homoparentalité a émergé sur la scène publique à l’occasion du débat sur le PaCS. Ignorées pendant longtemps par le droit, les réalités homoparentales se trouvent toujours dans une situation précaire : absence d’autorité parentale partagée, interdiction d’adoption pour un couple ou un individu homosexuel, impossibilité d’établir un lien de filiation entre l’enfant du partenaire d’un PaCS et sa compagne de même sexe...

Si le droit n’a jamais confondu procréation et filiation - en ce sens que la première renvoi au simple fait biologique alors que la seconde faisait référence aux règles qui inscrivent un enfant au sein d’une famille ou sous l’autorité d’un individu - une certaine vulgate psychanalytique, renforcée par un discours savant sur la « différence de sexes », a pesé lourdement lors des débats relatifs aux procréation médicalement assistées d’abord et au Pacs par la suite. En effet, les lois dites « bioéthiques » de 1994 ont, pour la première fois, considérée que seul le couple hétérosexuel en âge de procréer pouvait avoir accès aux techniques de reproduction artificielle. Désormais l’existence d’un homme et d’une femme, occupant respectivement la place du père et de la mère, s’est imposé au droit. Dans ce contexte, l’inscription de l’homoparentalité dans la loi est perçue comme contraire à toute évidence « naturelle ». Or, la famille classique n’est autre chose que la naturalisation d’un phénomène récent et circonscrit à l’espace de l’Europe occidentale urbaine. La famille nucléaire bourgeoise composée de maman et papa entourés d’enfants a toujours été minoritaire. La réalité sociale nous montre plutôt un ensemble composite de familles élargies, recomposées, monoparentales et homoparentales. Mais, alors que toutes ces configurations familiales ont fini par trouver une reconnaissance légale, les familles homoparentales continuent à être discriminées par le droit. Si l’homoparentalité est encore perçue comme dangereuse c’est parce qu’elle met en échec le modèle « naturaliste » et qu’elle radicalise la dimension culturelle des règles qui gouvernent la filiation, lesquelles ne dépendent pas nécessairement des lois biologiques et encore moins des invariants anthropologiques ou des structures psychanalytiques.

Les arguments avancés contre la reconnaissance légale des familles homoparentales font très souvent référence à l’intérêt supérieur de l’enfant (entendu comme l’intérêt d’avoir deux parents de sexe différent) et à l’ordre symbolique (voire, supériorité axiologique de l’hétérosexualité sur l’homosexualité) sans que des tels présupposés ne soient vraiment justifiés. Ni l’hétérosexualité, ni la différence de sexes n’ont jamais constitué une condition sine qua non pour l’établissement d’un lien de filiation. En effet, les femmes célibataires n’ont pas attendu une loi pour faire des enfants. Les individus (homosexuels ou hétérosexuels) peuvent adopter et beaucoup de lesbiennes se font inséminer à l’étranger.

C’est justement au nom de l’intérêt de l’enfant que l’Etat doit reconnaître aux familles homoparentales les mêmes droits et exiger les mêmes obligations qu’aux familles traditionnelles comme il l’a fait dans le passé pour les concubins ou les mères célibataires. Nombreuses études scientifiques démontrent que l’orientation sexuelle des parents n’a aucune incidence sur la psychologie des enfants. Les familles homoparentales sont formellement reconnues dans plusieurs pays soit en autorisant l’adoption de l’enfant du partenaire homosexuelle soit en octroyant l’adoption plénière aux couples de même sexe. Les lesbiennes peuvent accéder à l’insémination artificielle depuis de nombreuses années dans des pays comme la Belgique, l’Espagne ou le Royaume-Uni. Dans certains pays, les gays ont également la possibilité de devenir parents par le biais des maternités de substitution (contrat de gestation pour autrui). Comparé à ces législations, l’avant projet de loi français semble bien timide et bien qu’il permette de régler un certain nombre de problèmes pratiques, il est loin d’instaurer une véritable démocratie des filiations.

Daniel BORRILLO

Juriste

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