Tous les ans, le rapport de l’association SOS homophobie met en évidence les différents visages de l’hostilité homophobe en France. Le nombre de personnes se déclarant victimes d’homophobie ne cesse d’augmenter. Internet représente l’espace dans lequel se verse le plus abondement la haine contre les gays, les lesbiennes, les transsexuels et les bisexuels : Facebook, Youtube, les sites de rencontres, les sites religieux et même ceux de grands journaux continuent à traiter les homosexuels, hommes et femmes, comme « malades », « immoraux », « corrupteurs », responsables de « l’agonie de la civilisation occidentale » et il n’est pas rare de tomber sur des commentaires tels que « guérir l’homosexualité par la pendaison » ou « pour que tous les gays et les lesbiennes soient gazés ». Les rapports sociaux : la famille, le lieu de travail et le voisinage constituent les contextes les plus récurrents d’exposition aux violences homophobes : insultes, harcèlement, diffamation, menaces, discriminations, agressions verbales….
Un homosexuel sur quatre a été victime d’une agression physique au cours des dix dernières années (selon le sondage IFOP pour Têtu, mars 2011). Vingt neuf personnes ont succombées dans des lieux de drague et autres espaces publiques ou dans leur domiciles suite à des rencontres personnelles ou sur Internet. Le nombre de témoignages d’homophobie en milieu scolaire augmente malgré les interventions préventives des associations. Une centaine de députés de droite se sont élevés contre le contenu de livres de sciences de la vie qui soulignait la dimension culturelle de l’identité sexuelle.
Jusqu’alors la lutte contre l’homophobie a été timidement sous-traitée auprès des bénévoles d’un poigné d’associations qui fait ce qu’il peut avec beaucoup d’énergie et de bonne foi mais peu de moyens. Les politiques se sont contentés, dans les meilleurs de cas, de faire voter un certain nombre de lois contre les discriminations et les discours de haine sans une politique d’accompagnement de ces mesures.
L’heure est arrivée de prendre l’homophobie au sérieux. Les études scientifiques mettent de manifeste que les homosexuels masculins présentent de 2 à 7 fois plus de risque d’avoir fait une tentative desuicide que les hommes hétérosexuels et les femmes homo/bisexuelles présentent de 1,4 à 2,7 fois plus de risque par rapport aux femmes hétérosexuelles.
Jusqu’alors, l’Etat s’est contenté de financer modestement quelques campagnes mais cela est de toute évidence insuffisant. Pour affaiblir l’homophobie, l’égalité et la pédagogie demeurent les outils essentiels. L’égalité, d’abord, par l’adoption d’une loi élargissant le droit au mariage et à toutes les formes de filiation pour les couples de même sexe et les familles homoparentales. Les homosexuels, rappelons-le, constituent le seul groupe à se trouver encore discriminé par la loi. Aussi, le dispositif répressif en matière de lutte contre l’homophobie s’est révélé assez inefficace. C’est pourquoi les moyens préventifs sont plus que jamais indispensables en particulier ceux relatifs à la prévention contre l’homophobie à l’école. En effet, les cours de récréation, les terrains, les salles de sport ou les vestiaires constituent les lieux où le jeune homme ou la jeune fille identifié(e) comme insuffisamment masculin ou féminine est en danger permanent. Une éducation spécifique semble donc essentiel pour déconstruire les stéréotypes liés au genre et à l’orientation sexuelle. Prendre l’homophobie au sérieux signifie également d’investir dans la recherche académique pour mieux comprendre les causes et les effets de cette forme de stigmatisation sociale et de trouver les mécanismes pour une plus grande visibilité de l’homosexualité dans les manuels scolaires, les médias et l’ensemble des espaces publics.
Daniel Borrillo
Auteur du Que sais-je ? sur l’homophobie