Tel est le superbe titre du livre paru en 2006, « La fine è il moi inizio », écrit par un journaliste Italien, Tiziano Terzani, décédé l’année précédente. Ce livre est un très grand succès de librairie en Italie et en Allemagne (Tiziano Terzani était grand reporter à Der Spiegel) où 1,5 millions d’exemplaires ont été vendus. La traduction française est publiée en 2008 par les éditions Des arènes et Intervalles.
« Un père raconte à son fils le grand voyage de la vie » est le sous-titre de l’ouvrage. J’ai été pris à la gorge par la vérité des attitudes et la profondeur des méditations d’un homme qui a eu une vie très intense. Le récit commence par le constat de fin de vie de Tiziano, qui n’a que soixante-six ans. Le diagnostic du cancer l’a conduit à une rupture radicale de sa vie aventureuse. Il a vécu en ermite pendant trois années sur les contreforts de l’Himalaya, qu’il quitte pour revenir en Toscane, pour mourir dans le village de ses ancêtres.
Le dialogue entre le fils Folco et le père, Tiziano, est direct :
« Alors, Papa, tu as vraiment accepté de mourir ? »
« Tu sais, je voudrais vraiment éviter ce verbe « mourir ». Je préfère de loin l’expression indienne « quitter son corps », que tu connais aussi bien que moi. En fait, mon rêve est de disparaître, comme si le moment du détachement n’existait pas. »
J’arrive à un âge où j’ai parfois le sentiment que mon corps m’abandonne et me trahit. Je suis sans doute loin du stade où Tiziano formalise son dialogue avec son fils. J’ai néanmoins été envoûté par sa lucidité. Je me suis identifié à lui, espérant que lorsque je serai dans les jours ultimes de ma vie, j’aurai la capacité d’échanger aussi intensément avec ceux qui m’aiment.
Notre société secrète un puissant déni de la mort. Tiziano Terzani nous rappelle que la mort et la vie sont deux faces indissociables de notre existence. Le récit de sa mort est aussi le récit de sa vie. Il ouvre ainsi une importante voie de réflexion sur la maîtrise de notre fin de vie. Au lieu de cacher l’inéluctabilité de la mort, regardons la arriver lucidement.
À ce déni de mort, le déni d’accepter et plus encore de souhaiter sa propre fin marque notre époque. À Paris, 85% des personnes meurent à l’hôpital : est-ce parce que les médecins de ville ont peur qu’elles vivent chez elles leur dernier instant ? ou est-ce que la famille ne le supporte pas ?
Un très proche parent, en phase finale d’un cancer, a été hospitalisé dans une unité de soins palliatifs d’un CHRU. Il est assommé par les antidépresseurs et anxiolythiques administrés pour calmer son angoisse. Il est muré dans son silence. L’intention des soignants est louable, mais le résultat est que sa fin de vie lui est volée par l’institution sanitaire.
À tout instant, un diagnostic inquiétant sur ma santé peut surgir. J’espère que ma détermination et l’assistance des miens me permettront de renoncer à mes biens et à mes désirs, de me détacher et de dire comme Tiziano Terzani :
« J’ai l’impression d’avoir fait un voyage-le voyage le plus long, celui de la vie- et d’être vraiment arrivé à destination. Je suis au terminus et je ne veux pas prendre le tram en sens inverse. »
Alors une fin sereine pourra venir, naturelle ou portée par une main secourable à laquelle j’aurais demandé l’aide qui me permettra d’affirmer mon ultime liberté.
« La fin est mon commencement » est un grand livre.
Billet de blog 3 octobre 2008
La fin est mon Commencement
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