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Billet de blog 5 janvier 2014

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Adaptation de la Société au Vieillissement

Ce billet est inspiré par le chantier gouvernemental de loi d’orientation et de programmation qui proposera des mesures d’adaptation de la société au vieillissement sur trois années (2015 à 2017). Je me réjouis d’être l’objet d’un futur acte législatif. Octogénaire, j’ai le devoir de réagir.Un extraordinaire diaporama des pyramides des âges de l’INSEE illustre les transformations sociales que ma génération inaugure :•http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/irweb/projpop0760/dd/pyramide/pyramide.htm

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce billet est inspiré par le chantier gouvernemental de loi d’orientation et de programmation qui proposera des mesures d’adaptation de la société au vieillissement sur trois années (2015 à 2017). Je me réjouis d’être l’objet d’un futur acte législatif. Octogénaire, j’ai le devoir de réagir.

Un extraordinaire diaporama des pyramides des âges de l’INSEE illustre les transformations sociales que ma génération inaugure :

http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/irweb/projpop0760/dd/pyramide/pyramide.htm

Le premier défi : la retraite, quelle retraite ?

J’ai vécu 20 ans de plus que mes grands pères que je n’ai pas connus. Les 20 ans de retraite m’ont donné une liberté d’action que la vie professionnelle ne me permettait pas, faute de temps. J’ai alors mélangé travail indépendant et bénévolat, mode d’activité à laquelle je me consacre exclusivement depuis plus de dix ans.

Ma première réaction concernant l’adaptation de la société au vieillissement : pour bien vieillir, il faut allonger la durée d’activité en adaptant les règles qui régissent la « retraite » et le bénévolat. Cette liberté, l’artiste ou le professionnel la possède déjà. Comment soutenir et étendre cette capacité, pour le développement durable de l’homme et de la vie sociale ? N’est-ce pas là une voie vers un nouveau contrat social.

Je fais partie des octogénaires actifs dans la société. J’ai une modeste capacité d’influence, par les analyses et diagnostics auxquels je contribue, par les prises de parole en public au nom des usagers du système de santé, par ma contribution aux transformations auxquelles je participe, par ma voix dans les conseils où je siège. Je partage aussi des instants de plaisir avec d’autres retraités avec qui je randonne et avec ma nombreuse famille.

Je mesure cependant l’augmentation de ma fragilité dont personne à cette heure ne peut prédire l’évolution, tout inéluctable qu’elle soit. J’ai pour cela renoncé à toute présidence d’association. Je ne veux pas faire prendre de risque à des institutions que j’estime.

Je constate autour de moi la perte d’autonomie d’amis et de relations, victimes qui d’une maladie dégénérative, qui d’un AVC. La plupart restent à domicile. Tant qu’il y a un conjoint, c’est possible, mais avec un engagement sans limite des aidants. Sinon, c’est l’EHPAD...

Le deuxième défi : quel accompagnement de la perte d’autonomie ?

Pour faire face à la dépendance, il faut transformer le système d’accompagnement actuel qui est gravement inadapté et inégalitaire. J’assume cette opinion tranchée, une indignation personnelle devant le silence des vieux que personne n’écoute et le déni de la société de prendre en charge les plus vulnérables, relégués dans leur solitude ou hébergés dans des conditions parfois indignes et souvent maltraitantes.

Je souhaite finir ma vie à domicile. Je le peux, parce que j’ai le privilège d’en avoir les moyens. Mon choix n’est donc pas une solution généralisable. Le maintien à domicile des personnes en fin de vie implique non seulement une grande disponibilité des aidants, mais aussi une forte évolution de l’organisation, avec un renforcement des coordinations de proximité des services diversifiés indispensables.

La preuve du manque d’efficacité du maintien à domicile est l’existence d’un important système d’hébergement en long séjour, Foyers, Maisons de retraite, EHPAD et USLD, qui accueille une grande majorité de personnes qui n’ont pas choisi cette solution. L’accompagnement et les soins à domicile et en établissement des personnes vieillissantes concernent plus de 10 000 institutions d’hébergement ayant une capacité de 700 000 places et des dizaines de milliers d’organismes de soins ambulatoires et d’accompagnement médicosociaux et sociaux à domicile. Des centaines de milliers de professionnels sont impliqués. Les multiples changements nécessaires prendront des années.

Une offre commerciale d’hébergement se développe, car la demande est telle à proximité des grandes agglomérations que des rentes de situation foncière génèrent une forte rentabilité des investissements en EHPAD. Ces structures accueillent dans leurs établissements non seulement une clientèle de riches familles mais aussi des familles de classes moyennes qui n’ont d’autre solution pour héberger leur cher père ou mère que celle qu’il offre à proximité de leur domicile et qui épuisent ainsi leur patrimoine familial! Paradoxalement, en zone rurale, les EHPAD peinent à recruter quand les services à domicile deviennent plus efficaces.

Il convient de faire face dans l’urgence à une grave inégalité. La dépendance importante ne frappe que 8 à 10% des personnes âgées. Les coûts qu’elle entraîne ne sont pas couverts par les aides actuelles, qui laissent des restes à charge compris entre 1000 et 4000 €/mois. Compte tenu du niveau des retraites, c’est le plus souvent les familles qui payent en assumant leur devoir d’assistance. C’est probablement l’une des pires inégalités que porte le système de santé actuel.

Le troisième défi : la démocratie sanitaire et l’adaptation de la société

L’anticipation est un facteur clé de la réussite du vieillissement. J’ai la conviction que c’est au citoyen de prévenir les effets du vieillissement, individuellement et collectivement. Réfléchir sur le lieu où il va terminé sa vie, prévoir ses ressources financières, aménager son logement, adapter son mode de vie, nourriture, activités physiques et intellectuelles, insertion sociale et vie affective, prévoir sa fin de vie sont les piliers du bon vieillissement. À moi de jouer avec les conseils des professionnels !

La fin de vie, peut-être la décrépitude et surement la mort sont les ultimes étapes que je dois anticiper. J’écris des directives anticipées, qui n’ont encore qu’une valeur indicative, mais que ma personne de confiance défendra. Je désigne un mandataire de protection future qui aura tous les pouvoirs d’un tuteur ou curateur si je perds la tête. J’espère enfin que l’évolution prévue de la législation me permettra, si nécessaire, une mort choisie.

Les solutions ne viendront ni d’une offre marchande qui n’est solvable que pour 10% de la population, ni de dispositifs réglementaires. Nous devons faire tous ensemble un travail d’imagination, faire surgir des utopies qu’il faudra traduire en projets réalistes.

C’est pourquoi je milite de manière collective pour les évolutions du système de santé. C’est une des missions des associations d’usagers qui sont reconnues par la loi du 4 mars 2002 pour contribuer à la gouvernance de ce système. La démocratie sanitaire est un des piliers de la Stratégie Nationale de Santé du Gouvernement. En effet, l’importance des adaptations de la société au vieillissement implique une adhésion de tous les acteurs, élus, professionnels et citoyens au changement à entreprendre dans la proximité et la diversité de chaque territoire.

Un vaste programme : tous mes vœux de réussite à ceux qui le construise.

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