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Billet de blog 10 décembre 2012

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Les décisions médicales en fin de vie

L’ INED publie cette étude dans le numéro 494 de Population & Société[1] en novembre 2012. Il y a encore des morts soudaines, accidentelles et violentes ou brutales que l’étude évalue à 16,9% des morts. Notre fin de vie est prise en charge dans 83% des cas par le Système de Santé, majoritairement à des âges élevés. Cette investigation confirme la disparition de la « mort naturelle » dans notre société

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’ INED publie cette étude dans le numéro 494 de Population & Société[1] en novembre 2012. Il y a encore des morts soudaines, accidentelles et violentes ou brutales que l’étude évalue à 16,9% des morts. Notre fin de vie est prise en charge dans 83% des cas par le Système de Santé, majoritairement à des âges élevés. Cette investigation confirme la disparition de la « mort naturelle » dans notre société

Le mode d’enquête par questionnaire limite l’objectivité et l’exhaustivité des observations fournies. Je ne mets nullement en cause les médecins qui ont répondu, mais leur point de vue aurait du être croisé, de préférence en temps réel, avec celui des autres soignants et des familles, pour constituer une analyse scientifique des situations de fin de vie. Je prends donc les résultats comme des indications de tendances dont il faut éviter de tirer des conséquences définitives.

Une décision médicale a pu hâter la mort dans plus d’un décès sur deux : telle est le résultat incontestable de cette étude. L’intervention sur la fin de vie est beaucoup plus massive pour les cancéreux, qui constituent la grande majorité des patients admis en soins palliatifs. Mais je constate que 72% des traitements ont pour finalité les conditions de fin de vie, pourcentage montant à 77% pour les cancers et 82% pour les maladies infectieuses.

Les conclusions sur le caractère collectif des décisions prises par les médecins sont beaucoup moins fiables compte tenu du caractère déclaratif des informations recueillies. Le faible nombre de mourants ayant préparé leur mort avec des Directives Anticipées et celui encore plus restreint de ceux qui ont dialogué sur leur mort avec leur médecin avant leur fin de vie est une réalité bien connue. Mais c’est plutôt une problématique à promouvoir, qu’un motif de maintien du statu quo au prétexte que les patients n’expriment pas leur volonté. Les médecins apprendront vite à entendre leurs patients, car c’est leur intérêt.

Le plus étonnant est le nombre d’euthanasies que les médecins ont déclaré sur des malades en fin de vie : 2% pour les cancéreux et 1% en moyenne pour tous les décès. Réjouissons-nous de la franchise de médecins qui n’hésitent pas à déclarer un acte que la loi interdit. Questionnons aussi l’incertitude sur le nombre réel de fins de vie provoquées ? Une interrogation de statisticien d’abord : un chiffre de 1 ou 2% est mathématiquement une estimation très imprécise. De plus, ce n’est pas faire preuve de mauvaise foi que de penser que nombre d’actes « euthanasiques », conscients ou compassionnels, n’ont pas été déclarés comme tels, mais classés par les médecins comme une intensification du traitement de la douleur.

J’ai une lecture optimiste de cette étude. Un paradoxe par rapport à l’interprétation qu’en donne le résumé publié par l’INED. Les pratiques médicales en fin de vie n’auraient en effet que peu de chose à changer pour s’ouvrir à la volonté de celui qui va mourir. Y a-t-il un problème de « culture » des soignants ? D’innombrables discussions avec des personnels de santé me permettent de dire qu’elle n’est pas aussi fermée à l’assistance médicale à la fin de vie que certaines déclarations péremptoires cherchent à le faire croire. Regardons la réalité en face : une loi mettra au clair des pratiques hétérogènes, inégalitaires et parfois obscures, que je dénonce au nom de la démocratie sanitaire.


[1] http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1618/

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