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Billet de blog 12 décembre 2011

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Santé des personnes agées : le Risque et le Raisonnable

Le Professeur Claude Got a fait une intervention décoiffante sur les risques qu'entraine le vieillissement. Cette intervention a eu lieu le mardi 6 décembre dernier à l'Université Catholique de Lille, dans le cadre du Débat Citoyen du Cycle organisé par le Centre Éthique de Cochin, « Quelle Médecine pour Quelle Vieillesse », sur le thème du « Risque et du Raisonnable ».

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Le Professeur Claude Got a fait une intervention décoiffante sur les risques qu'entraine le vieillissement. Cette intervention a eu lieu le mardi 6 décembre dernier à l'Université Catholique de Lille, dans le cadre du Débat Citoyen du Cycle organisé par le Centre Éthique de Cochin, « Quelle Médecine pour Quelle Vieillesse », sur le thème du « Risque et du Raisonnable ».

Claude Got distingue deux grandes catégories de risques pour les personnes âgées, parmi lesquelles il se range lui même[1].

Les risque objectifs sont notamment les suivants :

  • L'isolement, car il retire à la personne beaucoup de bonheur à vivre,
  • Le surpoids qui entraîne des désordres invalidants en fin de vie (diabète, insuffisance cardiaque,...) et provoque des limitations importantes d'activité physique, facteur aggravant la dégradation et la vulnérabilité,
  • Les chutes qui résultent de troubles d'équilibre ou de perte d'agilité.

Pour Claude Got ces risques sont très mal pris en compte par le Système de Santé. Les chutes par exemple sont très souvent dues à une inadaptation du logement au vieillissement de ses occupants. Une bonne adaptation de l'habitat serait la meilleure prévention, mais n'entre pas dans le champ de la santé...Le surpoids pourrait être contrôlé par des actions de prévention et d'hygiène de vie, auxquelles le système préfère des traitement médicamenteux que la médecine prescrit, couteux et parfois délétères (Mediator)... L'isolement, un facteur de risque important, traduit une évolution du système social qui exclut tous les faibles, en très grand nombre des vieux.

Claude Got illustre ces contradictions avec le problème de la conduite automobile des personnes de grand âge, son sujet de prédilection. Certes les conditions physiques des vieux peuvent entraîner des accidents. Régulièrement le contrôle médical est évoqué par les Pouvoirs Publics, or il n'existe aucune grille que l'on puisse proposer aux médecins pour faire le tri. La visite préventive n'est donc pas un choix pertinent et ouvre la porte à l'arbitraire. Paradoxalement, les conducteurs âgés sont considérés par les assureurs comme des risques excellents : ils conduisent moins vite, sur des parcours qu'ils connaissent, rarement de nuit ou alcoolisés. Le bon sens du conducteur et les injonctions affectueuses de la famille sont de bien meilleurs régulateurs du risque que la visite médicale.

Le risque éthique pose des questions autrement redoutables : c'est celui de la mal mort, la fin de vie douloureuse pour soi, éprouvante pour les proches. Ce risque est de loin le plus grand que la personne de grand âge doit affronter dans notre société, qui maintient en vie les personnes au delà du raisonnable. C'est aussi le plus difficile à traiter. D'autant que le système de santé y répond par « une médicalisation déplacée, cette incapacité à laisser mourir est dramatique »[2]

Pour Claude Got, la seule réponse est l'anticipation personnelle et individuelle, car il est inconcevable de déléguer un tiers, dans le cadre d'institutions, pour précipiter la mort des gens en fin de vie. Ce qui signifie que « je dois décider moi-même quand je ne retrouverai plus jamais la joie de vivre et l'élan vital, mais seulement douleurs et souffrances que je refuse et que je ne veux pas imposer à ceux que j'aime. En conséquence je déciderais lucidement de mettre fin à mes jours. »[3]

Suicide ou mort assistée à la demande du patient sont la réponse de Claude Got au risque de mauvaise mort. Tout homme et toute femme doit avoir le droit de choisir les limites au delà desquelles il n'aura pas envie de vivre. Il ne justifie pas sa position par un souci de dignité auquel il préfère une revendication de liberté basée sur l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme :

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »


Article que renforce l'Article 5 - La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.-

Il reste à prévoir quelles personnes seront les décideurs au cas de perte de compétence. Ce sont des personnes de confiance, dûment mandatées, de préférence en accord avec les proches pour prévenir tout conflit déplacer. Claude Got a pour lui-même choisi des proches. Ceux-ci seront chargés d'appliquer ou faire appliquer des directives anticipées, qu'il a rédigées de manière explicite et détaillée pour faciliter la mise en œuvre de sa volonté. Dans ces conditions, le choix de la fin de vie n'est pas imposé à des proches, ni aux médecins, qui appliquent les directives rédigées par une personne en plein contrôle de ses moyens intellectuels et affectifs.

Claude Got revendique cette position qu'il admet bien volontiers être celle d'une minorité. Il reconnait aussi que des contradictions existent actuellement entre la Liberté des Personnes et la Loi Française.

Quand le Docteur Claude Got est interpellé par une auditrice de la salle sur l'accès aux moyens nécessaires à l'aide à mourir ou au suicide, il constate une inégalité considérable entre les personnes, selon leur position sociale ou leur statut. Il souhaite que le privilège dont il bénéficie en tant que médecin puisse s'étendre à tous les citoyens.

Ce billet traduit mon interprétation personnelle des propos tenus par le Professeur Claude Got, et n'engage donc que son rédacteur.


[1] Claude Got est né en 1936, donc vieux au sens de la Santé Publique en France, 75 ans, barrière qui tend à être reportée de 10 ans par certains gériatres qui considèrent que la grande fragilité débute à 85 ans avec une zone grise entre 80 et 85 ans.

[2] Libération 6/12/2011 page 17 "Enfants et vieux sont surprotégés"

[3] Ce texte est une paraphrase des propos tenus par le Docteur Got.

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