Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

107 Billets

2 Éditions

Billet de blog 14 août 2008

Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

Fin de Vie : en finir avec le déni?

Une fois encore, ce sont les faits divers (le suicide le 13 août de Rémy Salvat, 24 ans), qui ouvrent le débat sur la fin de vie. Information flash à France Inter dès 8 heures le 14/8, deux pleines pages du « Parisien » le même jour exposent motifs et conditions de la fin de vie d’un handicapé, gravement et douloureusement atteint d’une maladie rare.

Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une fois encore, ce sont les faits divers (le suicide le 13 août de Rémy Salvat, 24 ans), qui ouvrent le débat sur la fin de vie. Information flash à France Inter dès 8 heures le 14/8, deux pleines pages du « Parisien » le même jour exposent motifs et conditions de la fin de vie d’un handicapé, gravement et douloureusement atteint d’une maladie rare.
Les réactions des journalistes partent de considérations très générales, basées sur les situations exceptionnelles qui ont attiré l’attention des médias. J’ai l’intime conviction que nous n’observons là que des manifestations atypiques qui à la fois révèlent et masquent la vérité des fins de vie difficiles.
S’il y a révélation, c’est parce que le débat est lancé par des personnalités qui ont pour projet de projeter publiquement les conditions de leur mort. Pour ne retenir que 3 cas récents :
• Maïa Simon enregistre une très belle déclaration à la radio avant son voyage à Zürich,
• Chantal Sébire convainc FR3 Bourgogne de « couvrir » son appel au suicide assisté,
• Rémy Salvat écrit à Nicolas Sarkozy qu’il piège en l’obligeant à écrire qu’il ne veut pas changer la Loi.
Ces morts théâtralisées, de manière digne et respectable, sont des exceptions. Les hommes, comme les animaux, ne vont pas mourir sur la place publique, mais se terrent, hélas bien souvent dans une solitude et un silence inacceptables. Personne à qui parler, personne avec qui pleurer ou rire sur ce qui a été une vie qui s’achève.
Je prétends que l’on se trouve devant un double déni :
• Déni de la mort, amplifié par les progrès des technologies médicales qui portent les soignants à traiter la maladie sans considérer la personne,
• Déni des volontés de la personne, dont le désir de quitter le monde est considéré comme une offense à la société.
Comme le dit Claude Evin, « le suicide reste une liberté individuelle ». Comment alors ne pas reconnaître que ce droit puisse s’exercer dignement, sans forcer au suicide secret dont la découverte traumatise tous les proches.
L’hypocrisie s’insinue. Le puissant, le bien né, la personne en bonne situation sociale part sans bruit et il n’est jamais fait appel au procureur qui ordonne une autopsie, comme ce fut le cas pour Vincent, Chantal et hélas aujourd’hui Rémy. L’homme ou la femme « ordinaire » n’ont pas la chance d’accéder à des moyens ou procédures particulières et en marge de la légalité. Ils souffrent en silence et ruminent à longueur de journée leurs obsessions morbides, parfois soulagées ou sporadiquement masquées par des molécules chimiques.
Le peu de cas révélés est considéré comme la preuve que l’euthanasie ne concerne que peu de personne. L’extrapolation des situations belges et hollandaises infirme très fortement cette conclusion. N’oublions pas qu’en France, 550 000 personnes par an meurent. Un chiffre de 10 000 cas de fins douloureuses, qui entraîneraient une demande d’euthanasie, a été avancé en extrapolant la situation belge. Il y a 200 000 médecins et 360 000 IDE. Ceci explique qu’un soignant puisse n’être qu’exceptionnellement exposé à un telle demande, d’autant plus que l’interdit est lourd.
Je voudrais que le débat s’éloigne des positionnements compassionnels ou émotionnels. Les faits, quels sont-ils ? Dans quelle condition et où meurent les personnes ? Il faudrait aussi sortir du débat de spécialiste : ce n’est pas un débat médical. Tout le monde meurt un jour.
La problématique n’est pas comment les patients ou les fidèles doivent mourir. Mais comment chacun, en toute liberté souhaite terminer sa propre existence. Une mort violente dans la souffrance physique et psychique, ou bien la possibilité d’accéder à une mort non pas douce, mais apaisée, terme ultime d’une vie bien ou mal remplie, dernier projet de tout être humain dont la conscience est respectée.
Dans cette perspective, l’existence d’une loi est la reconnaissance solennelle d’un consensus social, dont je sens qu’il prend forme.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.