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Billet de blog 15 mars 2009

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L’intolérable agonie de Patrick

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Le drame de Patrick Koffel et de sa famille, après ceux de Vincent, Hervé, Chantal et d’innombrables anonymes, révèle l’urgence d’un débat serein sur la fin de vie.

Un article de Cécile Prieur dans le Monde du 14 mars révèle l’intolérable agonie en novembre 2008 de Patrick Koffel, dont la famille avait demandé l’arrêt de l’alimentation alors qu’il était plongé dans le coma à la suite d’un très grave accident de moto. Je cite l’article de Cécile Prieur, intitulé « La fin de vie d’un père de famille repose la question des limites de la loi Leonetti » :
Patrick Koffel, lui, a bien été sédaté, mais dans des conditions que sa famille dénonce : "La sédation de mon mari a été insuffisante, car l'équipe médicale avait peur d'accélérer la mort, affirme Chantal Koffel. L'agonie a été terrible, longue et éprouvante. Trois jours, cela aurait été supportable, onze jours, ce fut ignoble. C'est comme si on voulait nous faire payer notre décision d'arrêt de vie."

Ma première réaction est une très grande compassion pour Chantal, l’épouse de Patrick, et leurs trois enfants. L’absence totale d’écoute et le rejet de la demande d’arrêt de vie par l’équipe soignante ont du être extrêmement éprouvant : sept longs mois d’affrontements avec des professionnels ne partageant ni les mêmes valeurs, ni les mêmes finalités ! Le déroulement final n’en est que plus atroce.
Ma colère submerge la compassion. Comment est-il possible que des professionnels de la santé se transforme en tortionnaires !
Je cite la conclusion d’un Billet de Philippe Sollers paru il y a un an dans le Journal du Dimanche lors de l’affaire Chantal Sébire. « Quand on n’en peut plus de souffrir et de vivre, pourquoi s’acharner ? Il y a un seul mot pour désigner cette surdité de la loi, celui de sadisme. Inconscient, bien sûr. En toute bonne conscience, bien sûr. »
Mais la colère est mauvaise conseillère : le sadisme évoqué par Sollers n’est-il pas que la traduction d’un échec profond des soignants, incapables de faire face. Il y a certainement un profond malaise relationnel, aggravé par la nature de l’environnement sanitaire dans lequel Patrick a été mis en garde. L’incapacité à dialoguer traduit l’impuissance de l’équipe soignante devant les enjeux. L’affrontement en résulte, dans une relation bourreau/victime que dénonce Chantal. La pression extérieure d’une haute autorité médicale, de grands témoins irréfutables et de l’avocat aggrave les réactions de défense des soignants.
À la colère succède alors la pitié.
Le massacre aurait pu être évité sans mettre en œuvre des méthodes compliquées. La médiocrité est évidente. L’angoisse a ravagé tout le monde, famille et soignants. L’incapacité à maîtriser les douleurs de Patrick résulte du climat émotionnel qui a bloqué une équipe de soins, incapable d’accepter le seul objectif possible, arrêter la souffrance. Les solutions à développer pour éviter la répétition de tels drames ne peuvent pas se trouver que dans la loi. La bataille juridique, si elle s’engage, révèle un grave échec.
Certes, ce drame repose avec force la question des limites de la Loi Leonetti, dont j’aspire passionnément à l’évolution qui nous fasse enfin entrer dans un univers de responsabilité et de lumières. L’immense majorité des Français attend comme moi le vote d’une telle loi.
Au-delà de la loi, le drame vécu autour de Patrick montre l’impérieuse nécessité d’un dialogue intime devant la fin de vie, entre le patient ou sa famille et sa personne de confiance et l’équipe soignante. La complicité indispensable pour faire face à une situation aussi tragique ne se construit pas en quelques heures, ni même en quelques jours. Nous devons changer nos cultures et nos pratiques, en développant des accompagnements aussi nécessaires que des traitements.
Je conclus ce billet par mon intime conviction. Si je ne pouvais établir ce dialogue avec mon médecin, quelle que soit la législation en vigueur, je changerais de soignant.
Paris, le 15 mars 2009.

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