Billet de blog 15 décembre 2008
Les Suisses se fachent contre Leonetti
Rien n’arrête Jean Leonetti . Il grossièrement déformer la situation belge concernant l’euthanasie. Les Suisses aussi s’insurgent de sa description de la fin de vie dans leurs cantons !
Ci-après, vous lirez la lettre ouverte d’ Elke Baezer à Monsieur Leonetti.
Non, Monsieur Léonetti !
Vous avez tort de prétendre que ceux qui demandent à mourir le font par un sentiment d'abandon ou par solitude, qu'ils se trouvent à l'hôpital ou à domicile.
Prenez juste les cas les plus médiatisés en France récemment : Chantal Sébire était bien entourée, aimée, soignée par sa famille.
Vincent Humbert n'a jamais été abandonné, ni par sa mère, ni par sa famille, ni par ses amis.
Prenez le cas de Rémy Salvat, vivant au mieux malgré son handicap, soutenu par ses proches jusqu'au jour de sa mort choisie.
Pensez à Ramon Sampedro que son frère et sa belle-soeur ont soigné de la façon la plus dévouée dans leur maison pendant 26 ans. Il avait des visites, il pouvait communiquer, il a écrit ou plutôt fait écrire des poèmes, des réflexions bouleversantes.
Souvenez-vous de P-Giorgio Welby, de Diane Pretty, de Maja Simon et j'en passe.
Aucune de ces personnes n'a choisi de mourir par solitude, par abandon, mais bien à cause de leurs souffrances, morales plus encore que physiques. Toutes ces personnes ont refusé d'avancer encore sur leur lente et irrémédiable descente aux enfers. Ils ont refusé d'attendre le moment à partir duquel ils n'auraient plus été maîtres de leur destin et de leurs propres décisions. La mort ne leur faisait pas peur, mais une agonie interminable sous les yeux de leurs proches.
Et pas question pour eux d'accepter votre "solution": la sédation terminale, justement parce qu'ils voulaient eux-mêmes décider jusqu'au bout du jour et de l'heure de leur mort. Céder cette décision, la plus importante, la plus intime de leur vie à des tierces personnes eut été ressenti par eux comme une main-mise extérieure, exactement le contraire de leurs convictions.
Depuis plus de 20 ans, j'assiste des membres d'EXIT en Suisse lors de leur auto-délivrance. Je ne provoque rien, mais je les aide à mourir selon les règles très strictes d'EXIT et en accord avec la loi suisse. Il est vrai : ils n'étaient pas tous mourants, sinon, le médecin, en application des directives de l'Association Suisse des Sciences Médicales, aurait été en droit d'abréger leur agonie en augmentant les doses d'anesthésiants jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mais ceux qui s'adressent à EXIT (65 000 adhérents en Suisse) ont une autre conception de leur fin. Religieux ou pas, croyants ou pas, ils préfèrent s'en aller tant que la décision leur appartient encore. Il est bien possible que de par votre spécialité en médecine, peut-être aussi par manque de confiance de la part de vos patients, vous n'ayez jamais été confronté à de telles demandes de mort volontaire, que vous n'ayez donc pas pu acquérir cette expérience-ci.
Je ne peux pas et je ne voudrais pas vous inviter à m'accompagner une fois lors d'une telle démarche, car la mort d'une personne n'est pas un acte public. C'est sa dernière intimité, sa dernière dignité qu'il faut respecter absolument.
Mais croyez-moi, croyez les témoignages de tous ceux qui y ont assisté : cette façon de s'éteindre doucement, dans les minutes qui suivent la prise du médicament, dans les bras des proches, entouré de leur amour, en ayant pu se préparer au deuil ensemble, ressemble beaucoup plus à l'idéal ancestral de la mort, que de devoir attendre des jours ou des semaines extrêmement pénibles, insupportables, jusqu'à ce que le père, la mère meurent de soif et de faim dans un coma artificiel interminable.
Arrêtez enfin cette hypocrisie criante de nous vanter les avantages de la sédation terminale, et ayez le courage et l'honnêteté d'avouer que l'intention est toujours de donner la mort.
L'auto-détermination , la volonté et la capacité de choisir soi-même parmi les possibilités accessibles, y compris les soins palliatifs, y compris l'assistance à l'auto-délivrance, y compris les différentes formes d'euthanasie dans des circonstances contrôlables, en toute transparence, c'est ce que plus de 80 % de la population française et des autres pays européens désirent, selon les sondages effectués régulièrement.
Nos sociétés modernes, laïques, instruites, refusent toute mise sous tutelle et tout paternalisme, même avec la meilleure des intentions. Vous n'arriverez plus à revenir en arrière.
Elke Baezner
présidente DGHS Allemagne
ex-présidente d'EXIT Deutsche Schweiz
ex-présidente de la Fédération Européenne des Right-to-Die Societies
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