Claire Compagnon et Thomas Sannié cosignent un constat sans indulgence de l’Hôpital en 2011[1]. La culture de l’institution plonge ses racines dans l’Univers de l’Assistance Publique et de l’Hospice : ainsi se dénomment encore les deux plus grandes institutions hospitalières Françaises (AP-HP et HCL) !
Il y a un demi siècle, des Bonnes Sœurs soignantes régentaient avec autorité les Hospices Civils de Lyon. La démocratie sanitaire n’était même pas un concept émergeant. Si depuis les mentalités ont considérablement évolués, les pratiques restent fortement et inconsciemment marquées par une culture très enracinée dans ces traditions séculaires.
Dès les procédures d’entrée en hospitalisation, vous devenez un sujet, un numéro matricule parfois nanti d’une puce électronique d’identification, pire, une maladie, la prostate du 14. Si une volonté de protocolisation organise l’Hôpital avec de « bonnes pratiques » élaborées par des spécialistes et imposées à l’institution, l’hospice se transforme en « usine à soigner ». Ne nous étonnons pas alors si çà coince comme le dénoncent les auteurs.
Ceux-ci pointent en premier lieu les dysfonctionnements des Urgences. Ce lieu concentre tous les paradoxes et malaises de l’Hôpital, comme cela est fréquemment souligné. De nombreux diagnostics ont été établis mais les remontées d’information montrent que les progrès sont lents, d’autant plus lents que la désorganisation des systèmes de soins ambulatoires de premiers recours et les difficultés socioéconomiques croissantes de la population provoquent une augmentation continue de la fréquentation des SAU.
Les auteurs dénoncent à partir de cas concrets les conséquences des rapports totalement inégaux qui sont créés : non respect de la dignité des patients, information sur la maladie et l’état de santé difficile à obtenir et incomplète, dépassements d’honoraires incompatibles avec les ressources du patient.
Devant ce constat, les auteurs ne baissent pas des bras : plaidoyer pour la réorganisation des Services d’Urgence, intégration des représentants d’usager comme levier essentiel de changement, mise en mouvement des changements indispensables par un processus coopératif impliquant tous les acteurs, médecins, soignants, cadres de direction gestionnaires, personnels d’accueil, hôteliers, administratifs ou techniques, et les malades eux-mêmes, autour desquels l’Hôpital devrait fonctionner.
Cet ouvrage passionné prend à bras le corps les problèmes de l’Hôpital. Seuls ceux de la fin de vie sont passés sous silence. Une lecture que je recommande très chaudement à ceux et à celles qui souhaitent que notre Système de Santé s’adapte aux malades d’aujourd’hui. Ceux qui sont durement frappés par des pathologies aux conséquences mortelles, mais aussi à l’innombrable cohorte des personnes qui vivent avec une ou des maladies chroniques et qui vieillissent en perdant parfois leur autonomie. Ceux qui, en plus de leurs maladies, sont victimes des inégalités d’accès aux soins, parce qu’ils sont pauvres et/ou handicapés.
[1] Claire Compagnon, Thomas Sannié L’Hôpital, Un Monde sans Pitié, 254 pages, l’Éditeur 2012
Claire Compagnon anime un cabinet de conseil et formation dans le domaine de la Santé et est Représentante des Usagers à l’HE Georges Pompidou (AP-HP)
Thomas Sannié préside la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie d’Île-de-France et siège comme Représentant des Usagers au Conseil de Surveillance de l’AP-HP