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Billet de blog 26 juillet 2008

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Les petits boulots

Pourquoi tant de jeunes sont-ils condamnés aux petits boulots ?En réponse, je vous propose une histoire que m’a racontée cette semaine un de mes meilleurs amis. Parmi ses nombreux petits-enfants, il y a un garçon de 22 ans, Willy,

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Pourquoi tant de jeunes sont-ils condamnés aux petits boulots ?
En réponse, je vous propose une histoire que m’a racontée cette semaine un de mes meilleurs amis. Parmi ses nombreux petits-enfants, il y a un garçon de 22 ans, Willy, dont les parents ont une situation modeste mais stable et habitent une banlieue résidentielle de l’Est parisien. Willy est un très beau gosse, charmeur et fin, qui hélas n’a aujourd’hui aucun diplôme et va de petit boulot en petit boulot. Il gagne au mieux 700 € par mois, quand il bosse. Heureusement, il a gîte et couvert dans la maison de ses parents.
Willy a eu une scolarité cahotique. Très physique, il aspire à une carrière de footballeur. Hélas, son rêve s’est effondré à la fin du Collège. Bon joueur, ce n’était pas un futur Anelka. Il a échoué au pré-test d’entrée à Clairefontaine. Son dossier scolaire étant des plus médiocres, il n’est pas non plus admis en classe sport/école.
Le Lycée n’est pas plus brillant que le Collège. Le garçon est intelligent, mais pas trop courageux. À la fin de quatre ans de Lycée, dont une année de redoublement inutile, il n’obtient pas de bac. Il persiste alors dans son projet de carrière sportive. Son père l’inscrit dans une institution privée fort chère pour préparer le brevet d’animateur sportif. C’est hélas un nouvel échec.
Après quelques contrats de courte durée, CDD en Grande Distribution ou entreprise de service, Willy obtient un poste de garde scolaire et centre aéré. Il encadre les enfants qui sont accueillis avant l’ouverture de l’École, pendant les repas à la cantine et les jours de fermeture de l’institution scolaire. Il a des horaires avec de longues coupures. Il est payé par la collectivité territoriale en vacataire horaire, tâcheron auquel on fixe, chaque mois si ce n’est chaque semaine, le planning de travail. Notons au passage qu’aucun employeur privé ne pourrait procéder ainsi.
Des conflits avec les responsables, fonctionnaires municipaux, lui font faire plusieurs communes. Sa négligence entraîne qu’il n’a même pas pu valider son BAFA.
Willy est très conscient de sa situation. Il est sûr de pouvoir manger et dormir au chaud chez papa/maman. Une rentrée moyenne d’argent de 400 € par mois lui permet de payer sa note de téléphone (100€/mois !), son assurance voiture et un peu d’essence. Sa voiture a été achetée parce que ses grands-parents ont été un peu généreux. Il préfère sortir avec des copains qui comme lui sont des exclus du système productif et grappillent entre 300 et 1000 € par mois dans des jobs à temps partiel. Il n’espère plus rien. Il n’a pas de projet sérieusement construit. Il ne cherche pas sérieusement à se former, même dans le domaine de l’animation avec les enfants, activité qui est la seule à le motiver.
Willy refuse à la fois d’être autonome, en travaillant, et d’être contraint dans son existence, son rythme de travail lui permettant de longues soirées et nuits entre copains…Quand on essaye de faire comprendre à Willy qu’il se conduit comme un parasite, il se révolte. Ses parents lui doivent l’assistance qu’il reçoit et il est libre de dépenser son argent comme il l’entend. Il ne peut pas vivre sans ses téléphones portables, son ordinateur, sa bagnole, et tous les objets indispensables à sa vie sociale et qui lui sont dûs.
Mon ami est très triste devant cette situation, pour laquelle parents et encore plus grands-parents sont impuissants.
Il y a hélas des dizaines de milliers de Willy dans notre pays, jeunes gens qu’aucun projet ne motive.
Quelle société construisons-nous ?

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