Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

107 Billets

2 Éditions

Billet de blog 28 octobre 2012

Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

La bataille pour le droit de mourir arrive à Boston

Lors des élections de novembre, la question 2 demandera aux électeurs du Massachusetts de légaliser ce que nous appelons  généralement  le suicide assisté, la mort dans la dignité, selon ses partisans, y compris  la précédente rédactrice en chef du New England Journal of Medecine, le Dr Marcia Angell. Marcia Angell a réfléchi à cette question en tant que médecin mais aussi en tant que fille d’un vétéran de la deuxième guerre mondiale, qui atteint d’un cancer, a mis fin à ses jours de façon violente.

Daniel Carré (avatar)

Daniel Carré

Dirigeant associatif

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lors des élections de novembre, la question 2 demandera aux électeurs du Massachusetts de légaliser ce que nous appelons  généralement  le suicide assisté, la mort dans la dignité, selon ses partisans, y compris  la précédente rédactrice en chef du New England Journal of Medecine, le Dr Marcia Angell. Marcia Angell a réfléchi à cette question en tant que médecin mais aussi en tant que fille d’un vétéran de la deuxième guerre mondiale, qui atteint d’un cancer, a mis fin à ses jours de façon violente.

L’argument clef des partisans d’une mort digne est que, quelque temps  avant le décès, les  malades ne se suicident pas. C’est le cancer, la maladie cardiaque ou la pathologie en phase terminale  dont ils souffrent qui les tue. Les malades recherchent seulement, quand la douleur devient insoutenable, la possibilité de cesser le combat.

On attise  beaucoup de peur en disant que cette loi est trop large. Elle est extraordinairement limitative a répondu le docteur Angell la semaine dernière, dans sa maison de Cambridge (Ma) en expliquant les conditions d’application. La première nécessite l’attestation par deux médecins  que l’espérance de vie de la personne est de 6 mois, pour qu’une ordonnance, généralement de barbituriques, soit rédigée. « La plupart des gens n’auront pas besoin de cette loi, commente Angell, mais ceux qui en auront besoin,  c’est bien qu’ils puissent y avoir recours. »

Il ne s’agit pas seulement des difficultés des médecins à soulager les douleurs de l’agonie. Parfois la douleur  vient en second, ajoute-t-elle, après la perte d’autonomie, la perte des fonctions corporelles, de la dignité, du contrôle. Malgré les progrès des soins hospitaliers et des soins palliatifs, Angell pense que des soins de qualité peuvent être compatibles  avec  le souhait des patients  d’en finir.  La décision finale n’appartient ni à la famille, ni au soignant, mais à la personne face à sa propre mort.

Seuls les états de Washington et de l’Oregon ont légalisé le suicide assisté. Les données en provenance de l’Oregon réfutent l’une des plus grandes peurs des opposants  selon laquelle cette disposition viserait particulièrement les faibles, les vieux, les handicapés physiques ou mentaux sans leur consentement. Le ministère de la santé publique de l’Oregon a constaté que les quelques  candidats au suicide assisté sont en fait financièrement aisés, avec un bon niveau d’éducation, et des assurances. Ils étaient presque tous hospitalisés en longue maladie. Encore plus fascinant : seul un tiers des patients ayant fait l’objet d’une prescription létale  l’ont utilisée. Le fait de savoir qu’ils pouvaient le faire, dit Angell, leur a donné une sorte de tranquillité d’esprit.

Marcia Angell décrit son  père, Lester, comme le roc de la famille : un républicain, conservateur,  indépendant, confiant dans ses propres ressources, ingénieur  militaire qui avait fait la guerre dans le Pacifique. Quand les métastases du cancer de la prostate se sont multipliées et que la douleur s’est accrue, il s’est retrouvé dans un état de dépendance vis-à-vis de ceux qu’il avait toujours soutenus. Une nuit, il est tombé et son épouse ne parvenant pas à le relever, a appelé les Urgences. Le lendemain matin, ils devaient l’emmener pour l’hospitaliser.

« Il savait que c’était sans doute sa dernière chance. Qu’il allait finir accroché à toutes sortes de tubes et machines. Il gardait un pistolet dans la table de nuit pour défendre sa famille, explique Marcia. Et il s’en est servi. »

Marcia Angell pense que son père aurait pu avoir une autre mort. Que le fait de savoir qu’il pouvait partir quand il le choisirait lui aurait donné ce qui était essentiel pour lui, le contrôle. Que sa mère, plus tôt que de découvrir son mari mort, aurait pu être assise à côté de lui, avec leurs enfants au moment où il est mort. Une mort dans la dignité, dit Marcia Argell. [1]

Traduction par Dominique B. d’un texte de Margery Eagan, Boston Herald, 23/9/2012


[1] Marcia Angell (née en 1939) est un médecin et écrivain américain. Elle est la première femme à occuper le poste d'éditeur en chef de la revue médicale The New England Journal of Medicine (NEJM). En 2011, elle occupe le poste de professeure en médecine sociale au Department of Social Medicine du Harvard Medical School à Boston (http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcia_Angell)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.