De nombreux articles portent à notre connaissance une tragédie familiale très dure, qui nous interpelle tous. Une mère dépose plainte contre un chef de service de soins palliatifs pour avoir appliqué la Loi dans des conditions qu’elle estime irrégulière. L’arrêt de soins pour obstination déraisonnable avait cependant fait l’objet d’une concertation approfondie entre les soignants et les proches, en l’occurrence, l’épouse. Un référé du Tribunal Administratif impose à l’hôpital de rétablir la situation antérieure pour n’avoir pas consulté la mère. Un étalage médiatique, orchestré par des organisations catholiques anti-euthanasie, se déclenche autour de ce jugement.
Dans un article du Monde du 29/5 écrit par François Béguin et Laetitia Clavreul, « Laisser partir Vincent est ma dernière preuve d’amour », l’épouse de Vincent Lambert déclare :
« Avant même la décision du tribunal, il y a eu des articles sur des sites Internet, d'abord Riposte catholique. Même avec l'utilisation d'un pseudonyme, notre histoire était reconnaissable. J'ai reçu un courrier d'un membre de la Fraternité Saint-Pie-X, dont les parents de Vincent sont proches, qui me disait que je cautionnais un processus de mort et qui me demandait de laisser vivre mon mari. »
Quelque soit les divergences d’opinions, les accusations publiques portées par cette mère contre sa belle-fille et le Chef de Service et l’équipe des soignants de Soins Palliatifs du CHU de Reims sont inacceptables, car irrespectueuses de l’autre qui n’a aucun droit de réponse...que les médias.
Cette tragédie illustre la nécessité de connaître la volonté du principal intéressé : Vincent Lambert. Le témoignage oral de l’épouse a été entendu par le médecin, accepté par la majorité de ses frères et sœurs. Mais récusé par la mère.
La seule preuve eut été l’existence de Directives Anticipées rédigées par Vincent lui-même, telles qu’elles sont prévues par la Loi du 22 avril 2005. Encore faudrait-il qu’elles aient un caractère opposable, ce qui n’est hélas pas encore le cas. Et puis, quel homme jeune pense à rédiger un tel document ?
Sans Directives Anticipées, seul un consensus familial peut heureusement permettre que le drame ne se transforme en tragédie. Une pratique d’anticipation devrait être mise en œuvre devant une situation qui ne laisse aucun espoir d’évolution. Un conseil des proches pourrait être réuni pour prévoir l’inévitable décision concernant une obstination déraisonnable. Si un consensus s’établit, quel qu’il soit, arrêt de la vie ou maintien de celle-ci le plus longtemps possible, un cadre serait alors tracé pour anticiper et faciliter une décision qui sera inéluctablement nécessaire.
Toutefois, ma conclusion sera réaliste : si le consensus des proches ne s’établit pas et si au contraire le conflit s’exacerbe, la tragédie ne sera pas évitable.
Si vous êtes ému par cette tragédie, mon conseil est donc : rédigez vos directives anticipées et désignez une personne de confiance pour les défendre au cas où !