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Billet de blog 17 juin 2017

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Le spectaculaire incendie

Comment tue le feu de la liberté d'entreprendre et de la "concurrence libre et non faussée"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  Mercredi matin, dans leur version numérique, les journaux montrent la tour Grenfell du quartier de Kensington à Londres devenue la proie de flammes immenses. "Spectaculaire incendie" lit-on sur les sites malgré le fait que cette tour  en flammes soit un immeuble d'habitations  de vingt sept étages dont tous les habitants n'ont pu être évacués. Les grandes échelles des pompiers, les lances d'incendie paraissant dérisoires, parviennent à peine à atteindre la moitié de cet immeuble alors que des hommes, des femmes et des enfants se jettent dans le vide ou sont brûlés vifs. Certes les mots évoluent, certes "formidable" a perdu son sens premier, mais "spectaculaire" renvoie bien au spectacle. Etrange décalage à l'égard du réel, à l'égard de la catastrophe, à l'égard de la souffrance que de lire "spectaculaire" durant plusieurs heures alors que les pompiers annoncent  d'abord six, puis douze morts, nombres bien plus faibles  d'ailleurs, que le bilan véritable qui fait déjà état de dizaines de "disparus" dont tout le monde sait qu'ils ont été brûlés vifs. Des enfants ne répondent plus à l'appel dans les écoles du quartier, d'autres pleurent leurs copains disparus.

 Les services publics, des citoyens, organisent de leur mieux le secours aux rescapés qui ont tout perdu puis la colère monte. Elle monte car le bilan tragique était prévisible et que des locataires ont tenté vainement durant des mois d'alerter sur les risques. La "démocratie" en Europe est sourde aux plaintes. Elle confie le pouvoir à des professionnels qui savent ce qui est mieux pour les pauvres. Les associations ou syndicats sont la piétaille que l'on reçoit pour la forme mais qui ne comprend pas les lois de la rentabilité. On s'épuise à écrire, à se réunir, à pétitionner mais le landlord n'a d'yeux que pour son livre de comptes et sa bonne et profitable gouvernance.

 Cet incendie terrible a la place d'un fait divers quand il met en cause tous les principes de la "concurrence libre et non faussée" dont on a fait le Veau d'or de l'Europe. Le propriétaire, la KCTMO, devait bien sûr rentabiliser cette tour, réduire le gaspillage des factures de chauffage ; on utilisa alors des "isolants" de plastique, interdits aux Etats-Unis pour des immeubles de plus de dix étages. Des locataires réclamaient des installations dignes contre le risque d'incendie, on leur remit des consignes contraires aux plus élémentaires précautions, qui ont scandalisé les pompiers londoniens. La KCTMO a sans doute jugé plus rentable de recycler des consignes pour immeubles de cinq étages pour éviter le surcoût. Des locataires après les travaux d'isolation ont demandé en vain que soient évacués les déchets inflammables restés dans des parties communes. A quelle entreprise offrant les prix les plus bas, les matériaux les moins chers la KCTMO a-t-elle fait appel? 

On nous le dit maintenant, la cause probable est l'explosion d'un réfrigérateur... Encore un pauvre, peu respectueux, irresponsable, qui portera sur ses  seules épaules le poids de sa propre misère. Nul doute que la KCTMO et ses sociétés de services low-cost qui ont pris les risques insensés tenteront de mettre en cause, les armoires à bas prix remplies de vêtements inflammables, le matériel électro-ménager vétuste, la surpopulation des appartements pour amoindrir leur culpabilité. Madame May, quant à elle a sans doute compris l'enjeu qui s'enfuit à la dérobée pour ne pas rencontrer les rescapés, elle qui veut réduire les dépenses de santé pour amortir le BREXIT.

Cette catastrophe dit l'inanité du discours qui veut réduire les protections collectives permises par les lois et les services publics. la presse  du prince-président  français, ne manquera pas de minimiser les enjeux de cette catastrophe. Ici aussi, il faut détruire les codes et les règles qui protègent au nom du rentable, du bénéfice, de la hausse vertigineuse des taux de profit. Et puis ici aussi, il existe des propriétaires qui ne vont tout de même  pas se ruiner en dépenses pour des pauvres imprudents.

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