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Billet de blog 3 mai 2015

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ELOGE DE L'INSOUMISSION : EXISTER, C'EST RESISTER

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il faut dénoncer sans relâche la prédominance de l'idéologie économique dévastatrice du laisser-faire, ainsi que les tromperies dont nous sommes victimes, et ne pas nous chercher des boucs émissaires. La déréglementation nous a livrés sans défense aux turpitudes du monde de la finance, qui exerce un pouvoir caché et souverain. Un univers impitoyable, une jungle où quelques privilégiés s'emplissent les poches tandis que d'autres crèvent de faim... Tandis que l'immense majorité, dont tu fais partie, lecteur ou internaute, voit sa condition se dégrader et l'avenir s'assombrir de plus en plus... On assiste irrémédiablement au matraquage du petit peuple, au pilonnage des classes moyennes et au détricotage du filet de protection sociale.

De l'indignation à la révolte

Il n'y a pas, aujourd'hui, de grande voix pour prendre la défense des malheureux, comme naguère l'abbé Pierre ou jadis Victor Hugo qui écrivait – et c'est redevenu d'actualité : « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches. » Une grande voix qui ferait honte aux oligarques qui nous gouvernent - droite et gauche libérale confondues -, et qui dénoncerait tous les responsables de ce « capitalisme du désastre », pour reprendre la formule appropriée de Naomi Klein.
Car on l'oublie trop souvent ou on ne veut pas le voir : ensevelis, enfouis sous les chiffres, il y a des hommes, des femmes et des enfants. Derrière les chiffres catastrophiques du chômage, derrière les statistiques accablantes des associations caritatives, c'est une multitude de vies perturbées, maltraitées, sacrifiées, des existences saccagées, détruites, ravagées, des drames humains. C'est pourquoi il faut crier, hurler la vérité. Celle que masquent les mystifications et tromperies sur les causes réelles de la crise et sur les voies à suivre pour en sortir. Il faut hurler la vérité d'un monde assurément riche mais où certains sont sacrifiés sur l'autel du lucre tandis que d'autres s'enrichissent vertigineusement ! Il faut dénoncer l'erreur selon laquelle il n'y aurait pas d'autre voie de sauvegarde que leur sacrifice ! Car cette « erreur » les sacrifie en pure perte puisque les remèdes contre-productifs appliqués entraînent l'appauvrissement du plus grand nombre ! Il faut s'indigner et se révolter, pour soi et pour les autres, tant que persiste le scandale de l'injustice sociale. Dans L'Homme révolté, Albert Camus écrivait : « la révolte ne naît pas seulement, et forcément, chez l'opprimé, mais elle peut naître aussi au spectacle de l'oppression dont un autre est victime. […] Je me révolte, donc nous sommes. »

Sites et blogs contestataires

Il faut d'abord savoir, s'informer. S'informer pour avoir les yeux dessillés et connaître le dessous des cartes. Sur la Toile, de nombreux sites et blogs luttent contre la désinformation, dissipent les écrans de fumée qui nous masquent le réel. Ils nous dévoilent les coulisses d'un théâtre d'ombres et d'illusions...

On peut citer - et ce n'est nullement exhaustif - parmi ces sites et blogs que vous pouvez consulter sur le Net : Alternatives économiques - ATD Quart Monde - Attac - Basta ! - Cac (collectif pour un audit citoyen de la dette publique) - Fondation Copernic - La crise sur le gâteau - Les économistes atterrés - L'espoir économique - Roosevelt 2012...

L'union fait la force

Résiste, prouve que tu existes ! Bien sûr, seul et isolé, un citoyen se sent démuni et impuissant. Dès lors, on comprend que nombre de nos concitoyens, conscients de leur impuissance, restent inertes et ne réagissent pas... On peut concevoir leur démission, leur apathie, leur résignation. Pourtant, le nombre peut redonner aux citoyens le pouvoir qu'ils n'ont pas individuellement et rendre collectivement leur action réellement efficace. Comme le dit un proverbe nigritien : « L'union dans le troupeau oblige le lion à se coucher avec la faim. »

Ainsi, sur le Web, le cibercitoyen peut signer des pétitions (Change.org) pour s'opposer à ce qui le révolte. Ces pétitions sont relayées sur les réseaux sociaux, ce qui amplifie leur impact. Bien sûr, il s'agit d'actions forcément aléatoires, mais qui, quelquefois, en raison du nombre considérable de signataires, peuvent atteindre leur objectif.
Pour faire reconnaître ses droits individuels, piétinés par le monde de la finance, l'internaute peut utiliser une plateforme Internet, qui lui permet d'ester en justice grâce à une procédure simplifiée, en quelques clics, et en engageant très peu de frais. Ainsi, le site "Aplomb Face-kapper¨, un cabinet d'audit financier, qui étudie le fonctionnement des comptes bancaires, qu'il s'agisse de particuliers, d'entreprises, de commerçants ou d'artisans en litige avec leur banque. Il vérifie tout particulièrement la régularité des prêts à la consommation et immobiliers ainsi que celle des commissions d'intervention facturées par la banque en cas de découvert.

Lanceurs d'alerte et désobéissants civils

Scandalisé, il se révolte et révèle, divulgue des faits ou des informations, contraires à l'intérêt public, malgré les risques qu'ils encourt. C'est un désobéissant et lanceur d'alerte :

" Ecoeuré par les pratiques de la banque HSBC Genève où il travaillait au département informatique, Hervé Falciani prend contact avec l'administration française en 2008 pour mettre à sa disposition une liste de 8 993 évadés fiscaux français. Après avoir quitté la Suisse, il fournit ses listings en juillet 2009. Arrêté en Espagne le 1er juillet 2012, il est libéré par les juges espagnols en avril 2013 et revient en France où il partage depuis son expertise avec des élus, l'administration fiscale française et des ONG. Hervé Falciani a décidé de franchir le Rubicon en levant le voile sur les tiroirs occultes de la banque dont l'exploitation a permis de rapporter à la France plus d'un milliard d'euros - une goutte d'eau, si l'on peut dire, eu égard au potentiel, à l'échelle européenne, qui résultera peut-être un jour de l'exploitation des informations qui, d'après le procureur Eric de Mongolfier, "rempliraient un train de marchandises. " ( William Bourdon, Petit manuel de désobéissance citoyenne, JCLattès, 2014).

"Il est plus désirable de cultiver le respect du bien que le respect de la loi."  (Henri David Thoreau)

Les désobéissants civils, ce sont également ceux qui transgressent délibérément la loi, donc la légalité, pour faire prévaloir la justice sociale :

" En novembre 1990 naît l'association Droit au logement (DAL) à l'issue du campement, durant quatre mois, de 48 familles expulsées de deux immeubles qu'elles squattaient dans le XXème arrondissement parisien. A la suite de la forte mobilisation de nombreuses associations et de l'importante médiatisation de l'action, le gouvernement finit par nommer un médiateur et les familles sont relogées. "La philosophie du DAL, écrit Jean-Baptiste Eyraud, le principal animateur de l'association, s'est élaborée pendant ce campement [...] Nous sommes passés du squat alternatif à l'occupation illégale de logements vides pour réclamer un relogement durable. " (op. cit.)

L'honneur de l'homme, c'est de refuser l'inacceptable...

" Dominique Liot, cinquante-six ans, vingt-sept ans d'ancienneté, est électricien chez EDF en Midi-Pyrénées. Originaire du Sud-Ouest, il fait partie des "Robins des bois de l'énergie", ainsi qu'ils se sont baptisés eux-mêmes. En fait, un mouvement clandestin, spontané et informel, constitué d'électriciens "maison" qui refusent de couper le courant aux familles avec enfants en bas âge, et incapables de payer leur facture. La direction régionale d'EDF lui intime l'ordre de ne pas réfléchir, d'agir en automate face à des gens en détresse. La coupure du courant, on le sait, entraîne celle de l'eau chaude et du chauffage. Ici, des ordres ressentis comme iniques ont légitimé une désobéissance citoyenne. C'est l'inhumanité criante de l'application d'un ordre qui a conduit Dominique Liot à y résister. Mis à pied par EDF pendant trois semaines, lui aussi continue à faire de ses actes un symbole de sa conception du service public. " (op.cit.)

Sommes-nous en démocratie ?

Les manifestants qui dénoncent Wall Street ont choisi un nouveau nom : « les 99 % », par allusion au titre d'un article écrit par Joseph E. Stigliz, prix Nobel d'économie. Il y démontrait que le système n'est efficace – si l'on peut dire ! - qu'au profit d'une minorité, représentant 1% de la population, tandis qu'il désavantage les 99 % restant !

Dans son dernier ouvrage (Le Prix de l'inégalité, Les Liens qui libèrent, 2012), pour contraindre les politiques à prendre les mesures radicales qui s'imposent, cet économiste mise sur la révolte des citoyens victimes de la crise. Il cite en exemple le mouvement des jeunes manifestants espagnols « los indignados » (les indignés) et celui des Etats-Unis « Occupy Wall Street ». Et il imagine même - on déplorera qu'il n'ait pas eu lieu ! - un sursaut salvateur, une révolte générale des peuples !

Certains s'indigneront : pourquoi se révolter, nous sommes en démocratie ! Est-ce bien sûr ? En réalité, en France, même si nous ne subissons pas une dictature, c'est vrai, nous ne sommes pas pour autant dans une véritable démocratie mais dans un régime oligarchique. C'est la thèse convaincante que soutient Hervé Kempf :

" Le sociologue anglais Colin Crouch, dans un essai remarquable, a décrit la situation politique sous le terme de "post démocratie", qui correspond assez bien à la forme actuelle du régime oligarchique : " Même si les élections existent et peuvent changer les gouvernements, le débat électoral est un spectacle soigneusement contrôlé et géré par des équipes de professionnels experts dans les techniques de persuasion. Le débat porte sur le petit nombre de dossiers sélectionnés par ces équipes. La masse des citoyens joue un rôle passif, voire apathique, en ne réagissant qu'aux signaux qui lui sont envoyés. Derrière le spectacle du jeu électoral, la politique réelle est définie en privé dans la négociation entre les gouvernements élus et les élites qui représentent de manière écrasante les intérêts des milieux d'affaires. "

Répétons-le : l'oligarchie, ce n'est pas la dictature, c'est le gouvernement par le petit nombre des puissants. Entre eux, ils discutent, réfléchissent, s'opposent, rivalisent. Ils font "démocratie", mais entre eux, sans le peuple. Et quand la décision est prise, elle s'impose, même si l'on y mettra les formes en habillant avec un art consommé la procédure électorale et la discussion publique. " (Hervé Kempf, L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie, Editions du Seuil, 2011)

Trouve ta voie pour exprimer ta révolte !

Lecteur ou internaute, dès lors que tu es dûment informé sur les causes véritables et les conséquences réelles de la crise économique et financière, tu n'ignores pas qu'une immense supercherie, une gigantesque mystification tend à nous duper, à nous égarer, à nous pigeonner. Attache-toi à détromper les autres, à les informer pleinement et à leur ouvrir les yeux, pour susciter chez eux une prise de conscience. Qu'ils partagent ton indignation contre les arnaques des banquiers et les palinodies des politiques, contre les privilèges et l'injustice sociale, contre les vies gâchées, balayées par les turbulences de la crise ! Si ta révolte ne se satisfait pas uniquement de mots, mais appelle des actes, à toi de voir quelle forme concrète lui donner. Il t'appartient, même si quelques pistes te sont proposées, de tracer toi-même ta propre voie... Pas seulement individuelle ou solitaire. Tu peux concrétiser ta révolte par ton adhésion militante à un groupement, un collectif ou une association, voire créer toi-même une structure nouvelle et y enrôler tes concitoyens.

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