Florence Leray, philosophe et journaliste, a publié Le négationnisme du réchauffement climatique aux éditions Golias, Lyon, 2011.
Elle signe un article dans le n° 14 de la revue Entropia intitulé « Atmosphère, atmosphère ! Quand le climat sature »
Elle y relaie un cri d’alarme lancé en 2012 par plusieurs organismes internationaux qui signalent que le réchauffement climatique pourrait atteindre au moins 6°C d’ici la fin du siècle. L’un d’entre eux, le National Intelligence Council (NIC, Conseil national du renseignement américain), écrit que « si les émissions de gaz à effet de serre continuent sur la tendance actuelle, une hausse de 6°C à la fin du siècle est plus probable que 3°C, ce qui aura des conséquences encore plus importantes. »
Extrait de l’article de Florence Leray. Pages 89 et 90.
« Plus 6° C : vers l’Apocalypse ?
Faisons un peu de prospective : si, en 2100, la température moyenne du globe augmentait réellement de 6°C, que se passerait-il ? Telle est la question que s’est posée le journaliste scientifique britannique Mark Lynas. Dans son ouvrage Six degrés, publié en 2007, il donne la réponse : ce serait l’Apocalypse. Tout sur Terre serait condamné à mourir de chaleur ou de faim. Ce scénario s’est en effet déjà produit il y a 250 millions d’années, à la fin du Permien. 95% des espèces sur Terre et sur mer disparurent. Les eaux montèrent de 20 mètres. L’eau de mer devint dense et salée.
De super ouragans se déchainèrent. Des inondations monstrueuses virent le jour. Une éruption volcanique gigantesque obscurcit le ciel. Les végétaux disparurent. L’oxygène baissa dans l’atmosphère, passant de 21% à 15%. Les océans libérèrent leurs hydrates de méthane (une éruption majeure de méthane océanique libère une énergie équivalente à dix mille fois le stock mondial d’armes nucléaires). La couche d’ozone fut détruite, etc.
Survivrions-nous aujourd’hui à une telle augmentation des températures ? L’apocalypse de la fin du Permien prit 10 000 ans. Notre apocalypse à nous prendrait moins de 100 ans… Déjà, au large des côtes de Namibie, du méthane remonte des fonds sous-marins, libérant du soufre toxique qui tue les poissons et empoisonne les habitants du littoral.
Pour être certain à 75% que les températures ne dépasseront pas les 2° dans ce siècle, les émissions globales de gaz à effet de serre devraient atteindre leur sommet en 2015 puis décliner et être réduites de 85% en 2050. Cela devrait en théorie stabiliser les concentrations de CO2 autour de 400 ppm, ou de 450 ppm d’équivalent CO2 si l’on prend en compte l’effet des autres gaz à effet de serre comme le méthane et l’oxyde nitreux. Y parviendrons-nous ?
Le professeur australien Clive Hamilton, titulaire d’une chaire d’éthique à l’Université Charles Sturt, nous délivre dans son ouvrage Requiem for a Species publié en 2010 des informations pour le moins inquiétantes. En effet, selon une étude du cabinet allemand Anderson et Bows, même si nous parvenons à notre niveau maximum d’émissions de gaz à effet en 2020 – ce qui est déjà très optimiste, estime Clive Hamilton -, puis si nous les diminuons de 3% par an, nous parviendrons quand même à une augmentation de la température de plus de 4°C d’ici 2100, soit 770 ppm…
A cette température, c’est la fonte assurée des glaciers de l’Himalaya et du Groënland. C’est aussi la perturbation de la circulation thermohaline : il fera plus chaud à l’équateur et plus froid aux hautes latitudes, l’Europe ne sera plus réchauffée par le Gulf Stream ni le Japon par le Kuro Shivo. Enfin, moins de CO2 dans l’atmosphère sera capturé par les eaux marines. Bref, à cette température, Bombay, Shangaï, Alexandrie, Boston, New-York, Londres et Venise seront sous les eaux, et les villes à l’intérieur des terres feront face à un afflux permanent de réfugiés des régions littorales ».
Malgré cette menace, pourquoi n’agissons-nous pas ?
Pourquoi refusons-nous d’y croire ?
Pourquoi cette passivité ?
Et enfin, y a-t-il encore de l’espoir ?
Florence Leray dans son article tente de répondre à toutes ces questions. A cette dernière, elle laisse répondre Jacques Ellul :
« Si l’espoir en des lendemains meilleurs est une croyance pour les sots , comme le pensait Jacques Ellul, il ne nous reste plus que l’espérance, cette vertu qui consiste à continuer à espérer même quand la situation semble désespérée. C’est-à-dire à se battre : l’espérance, c’est la résistance, disait Ellul. A moins que… A moins que le système économique, saturé, ne s’effondre, entrainant ainsi une décroissance subite et automatique des émissions de gaz à effet de serre et nous sauvant du même coup d’une catastrophe annoncée. Nous pouvons facilement imaginer quel retour à la barbarie découlerait de cette situation. La survie ne serait probablement pas assurée pour tout le monde. Alors, l’espèce humaine va-t-elle parvenir à son propre seuil de saturation ? L’humanité a-t-elle atteint un tel degré de délitement intellectuel et spirituel qu’elle n’est plus en mesure de prendre son destin en main ? Elle irait alors vers sa propre destruction. »
Florence Leray