« Orandum est, ut sit mens sana in colore sano ». Qui méconnaît la célèbre formule de Juvénal : « Nous devons prier pour être un esprit sain dans un corps sain ». C’est pourtant cette sollicitation que nous adressons aujourd’hui au président du Conseil Constitutionnel et à ses huit membres : que, malmenée par un président, tout entier "d’arrogance et d’ignorance sociale", pour reprendre les mots de Pierre Rosanvallon, notre République, garde un esprit sain dans un corps sain.
La dangereuse impasse dans laquelle le pays est aujourd’hui, opposant les attentes d’un peuple fatigué et en colère face l’entêtement aveugle du gouvernement dans sa fin de non recevoir, met la République en péril. Femmes et hommes politiques n’appartenant pas seulement à la gauche s’en inquiètent aussi désormais.
Un fort espoir fait encore son chemin qui passe par le 2 de la rue Montpensier. Nous sommes nombreux à espérer que le Conseil Constitutionnel, conscient du péril démocratique qui nous menace, analyse le texte de cette loi scélérate en préférant en référer à l’esprit plutôt qu’à la lettre de la Constitution.
Distinguer l’esprit et la lettre est utile sinon nécessaire en droit pour interpréter un texte. Si la lettre représente le sens littéral du texte, l’esprit en est l’idée profonde et substantielle, tel que ce texte a été pensé et tel qu’il doit perdurer dans son application. Et l’esprit de la Constitution de 1958 est marqué par l’affirmation d'un parlementarisme que doit équilibrer la position certes prééminente mais avant tout arbitrale du Président de la République.
Si le Conseil s’en tient à la lettre, le strict respect par le gouvernement des articles 47-1, 44-3 et 49-3 conduirait à la validation de la loi. Le même Conseil, pour faire bonne figure, devra tout de même faire tomber ces improbables « cavaliers » que le gouvernement a tactiquement inséré dans le texte.
Si, au contraire, estimant que le sens littéral - lecture stricte des articles concernés- ne fournirait qu’une solution bancale, et qui oserait le nier, le Conseil devra s’en référer à l’esprit constitutionnel. Or le parlement ayant été systématiquement et objectivement méprisé comme le peuple qu’il représente, les sages devront, forts de ce constat, invalider intégralement le texte.
Prions donc, à l’instar de Juvénal, pour que, courageusement, le Conseil Constitutionnel, s’en réfère à l’esprit plutôt qu’à la lettre.
Orandum est…