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Billet de blog 27 février 2024

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Rwanda - Quand le Parti de Gauche organise la projection d'un film négationniste

Le lundi 15 mai 2023, le Parti de Gauche, membre de la France Insoumise, organisait à son siège à Paris la projection d’un "documentaire" : “Congo, le silence des crimes oubliés”. L'intervenant principal du film, Charles Onana, auquel aucune contradiction n'est apportée, est un négationniste connu du génocide des Tutsi et Hutu modérés du Rwanda.

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Illustration 2

Le choix même de la projection de ce film pour illustrer le conflit en cours dans le Nord Kivu pose question. La projection de ce film, qui devait originellement avoir lieu à l’auditorium de l’hôtel de ville de Paris le 13 mai 2023, a été annulée. La raison? L’intervenant principal du film, également invité au débat qui devait suivre à l’hôtel de ville, n’est autre que Charles Onana, un négationniste connu du génocide des tutsis et hutus modéré(e)s du Rwanda - qui fait d’ailleurs l’objet de poursuites pénales en France pour cette raison. Aucune contradiction ne lui est apportée. 

La trame de ce film, disponible sur youtube, est en elle-même négationniste, et reprend les éléments répandus depuis trente ans par les génocidaires en exil - dont de nombreux résident actuellement en France : le FPR de Paul Kagame a lui-même organisé le “massacre” (le terme génocide n’est pas utilisé une seule fois dans le film pour désigner celui des tutsis et hutus modéré(e)s du Rwanda) de sa propre population pour servir les intérêts des anglo-américains. Le seul génocide ayant eu lieu est, selon ce “documentaire”, celui des populations congolaises du Nord Kivu.Il s’agit d’un film négationniste. Il est une insulte au million de femmes, d’enfants et d’hommes massacré(e)s lors du génocide des tutsis et hutus modérés du Rwanda. 

Il s’agit d’une succession de mensonges éhontés, de contre-vérités, d’éléments détournés de leur contexte historique de manière à “démontrer” le contraire de ce qu’ils montrent, d’interventions à sens unique. Le tout mêlé à des éléments factuels, car oui des massacres ont été et sont toujours commis au Kivu par des milices, dont certaines comme le M23 (la seule mentionnée dans le film, soutenue par le Rwanda), et par d’autres comme le FDLR, composé d’anciens génocidaires rwandais, ou bien encore les ADL, branche de Daesh opérant au Kivu (non cités dans le film - le FDLR étant lui présenté comme étant contrôlé en sous-main par le FPR, son pire ennemi - ce qui ne repose sur aucun fait vérifié).

Cette projection fût suivie d’une série de questions réponses avec le réalisateur, Gilbert Balufu, dont je n’ai pu trouver transcription. Elle fût également suivie de deux présentations et d’un débat autour de la loi Tschiani. Cette loi, s’il elle avait été adoptée, aurait imposé aux candidat(e)s à la magistrature suprême en RDC  d’être né(e)s de père et de mère congolais. Elle a été dénoncée par de larges pans de la société congolaise comme étant de nature raciste, en créant de fait deux catégories de citoyens congolais. Elle peut être mise en parallèle avec le concept de “préférence nationale” cher à l’extrême-droite française. J’ai pu trouver la transcription des deux présentations sur le site de l’Alliance des Forces Progressistes pour l’Afrique, “un ensemble de Partis ou coalitions de Partis africains qui se reconnaissent dans le manifeste pour une révolution citoyenne et souveraine africaine”. Ce mouvement coorganisait cette projection et est soutenu par le Parti de Gauche. 

Or, la transcription de ces présentations pose question. Les intervenants y défendent sans ambiguïté le projet de loi Tschiani, qui est présenté comme l'unique moyen d'empêcher l’infiltration des hautes sphères du pouvoir par le Rwanda. Le public de ces présentations put ainsi entendre qu' “il est légitime que par la loi, soient définies des conditions discriminantes.”. Il put également apprendre que “De tous les africains d’origine étrangère établis en RDC, on ne s'empêcher de remarquer que seule la communauté rwandaise et particulièrement tutsie qui pose problème (sic)“. Je n’ai pu non plus trouver trace du débat ayant suivi ces présentations  “permettant à différents points de vue favorables ou non à ce projet de loi de s’exprimer sachant qu’il est à ce stade trop tôt pour en tirer des conclusions.”, selon le site de l’AFPA. Cependant, le simple fait que les deux seules présentations aient été totalement en faveur d’une proposition de loi raciste est pour le moins problématique. Encore une fois, une grande partie de l’opinion publique congolaise, ainsi que l’ensemble des partis d’opposition, étaient vent debout contre cette proposition de loi. 

Il apparaît de plus en plus que les responsables du PG - l’un des partis fondateurs de la France Insoumise -  ont un énorme problème avec la vérité historique concernant le génocide rwandais.

Trois questions aux responsables du Parti de Gauche : 

  • Cette projection a-t-elle été organisée au PG suite à son annulation à l'Hôtel de Ville de Paris? 
  • Si oui, quelles furent les raisons invoquées pour justifier l’organisation de cette projection? Le fait que l’intervenant principal du film, auquel aucune contradiction n’est apportée, soit un négationniste poursuivi par la justice française pour contestation de crimes contre l’humanité, qui déclarait en 2019 « Entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide contre les Tutsi », ne suffisait-elle pas pour s’abstenir d’organiser cette projection? 
  • Charles Onana était-il présent à cette projection/débat au siège du Parti de Gauche?

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