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Billet de blog 7 juin 2010

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Plus de flics = moins de malfaiteurs ?

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En Belgique, à la veille des prochaines élections législatives, le parti libéral (2e parti en termes de voix du côté francophone) fait de la « sécurité » son argument électoral prioritaire. Réaction populiste ? Evidemment.

Disons que la manière est cette fois-ci un peu écoeurante.

Il se fait qu’un juge et son greffier ont été tués il y a quelques jours. Le parti libéral dit : « C’est aussi le résultat du laxisme dont les partis de la gauche plurielle sont largement responsables ». Et de réclamer une justice « plus rapide, plus efficace, plus répressive ».

Or, tous les criminologues vous diront que la relation entre délinquance et répression est pour le moins complexe.

La répression ne fait pas forcément baisser la délinquance. Elle peut même la faire augmenter, au moins en gravité (par exemple, plus la probabilité d’être condamné est grande, plus le délinquant a intérêt à éliminer les témoins de ses méfaits). On sait aussi que plus l’Etat est répressif - érigeant ainsi la violence en norme – plus la violence privée augmente, jusqu’à une limite où tout le monde se cache.

Car, pour parvenir à une baisse de la délinquance grâce à la répression, il faut atteindre un niveau de répression tel que le « vivre ensemble » en est perturbé : de facto, elle se met à toucher des « honnêtes gens ». Les forces de police deviennent si nombreuses et tellement « efficaces » que la moindre incartade citoyenne est risquée. A la limite, traverser en dehors des passages pour piétons ou téléphoner en conduisant vous conduira en prison. Mais, plus vraisemblablement, exprimer une opinion déviante deviendra risqué. C’est un peu ce qui s’est passé dans les pays staliniens : la criminalité était effectivement très basse, personne n’osant plus un pet de travers.

Tout cela, les responsables politiques du parti libéral le savent. C’est une évidence dans les milieux qui s’occupent de ces questions. Mais peu importe : ils continuent à utiliser l’argument pour attirer le vote de Monsieur et Madame tout le monde, sensibles à la simplicité du raisonnement : plus de flics, moins de méchants.

Sans compter le fait que la thèse « répressive » suppose que la prison est un moyen de faire baisser le taux de délinquance. C’est faux (et c’est sans doute même l’inverse) à moins de ne prononcer que des condamnations à perpétuité : quand on aura mis tous les jeunes en prison, le vol de sacs à mains à l’arraché chutera effectivement car les vieux ne courent pas assez vite…

Il faudrait plutôt se poser la question des causes de la délinquance, ce qui conduirait à réduire les injustices sociales et les inégalités. Pas envisageable pour des partis de droite.

Bref, utiliser des arguments simplistes, c’est soit un signe de cynisme et de malhonnêteté intellectuelle, soit un signe de bêtise.

Et s’il fallait se lancer dans la répression de la bêtise, les responsables politiques finiraient en prison.

Vous voyez bien que la répression est une solution dangereuse !

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