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Billet de blog 16 octobre 2012

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Le dernier verre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vous débarrassez la table et vous constatez, une fois de plus, que la moitié des verres ne sont pas vraiment vides. D’ailleurs, vous arrosez vos cuisses de liquides divers. Soudain, vous comprenez enfin cette vérité qui n’attendait que la dernière goutte pour surgir : les récipients non vidés sont presque toujours ceux des dames.

Pourquoi ?

Sans doute  n’est-ce pas dans leurs gènes.

On va même dire que le Bon Dieu, dans son infinie sagesse, ne s’est pas penché sur la question, même s’il a prévu tout le reste : les apéros, le vin, le sang, la bière et le café.

Pour ceux que rebuterait l’idée d’un vieux barbu dessinant les plans de l’être humain en tirant la langue, allons jusqu’à imaginer Dame Nature elle-même lançant son nouveau produit : « Evolution ». Quel rôle pourrait y jouer cette différence entre les genres : les hommes sifflent leurs verres, les femmes y laissent un fond ?

La culture ! Ce ne peut être que la culture.

Bien sûr, pour étayer l’hypothèse, il faudrait observer également les Lapons-Laponnes, les Japons-Japonnes, les Beaucerons-Beauceronnes, etc. Et tous les cons et les connes qui concourent à tacher de vin vos pantalons-pantalonnes.

Mais il faut bien commencer quelque part, autour de soi, chez les amis, dans les restaurants, sur les terrasses des cafés, etc. C’est un fait : 87,42% des femmes laissent du liquide au fond de leur verre ou de leur tasse…contre à peine 17% des hommes !

La femme que vous côtoyez le plus assure que le fond de la tasse est « froid ». Ben oui, parce qu’elle ne l’a pas bu, forcément. Mais si elle avait pris la dernière gorgée en même temps que la précédente, la question ne se serait pas posée.

Ou alors, elle prétend que le fond contient des particules solides désagréables. D’où viennent ces particules ? Pourrait-on lancer un physicien sur cette recherche qui déboucherait sur une découverte majeure ? Des bosons décaféinés peut-être…

Plutôt l’impression que les filles se la jouent distingué, genre « ne me prenez pas pour une poivrote : je picore, je biscotte, je bécote mais je ne picole point », ou « tout en moi est retenue et sous contrôle, mon maquillage, mes bretelles, mon regard, mes gestes, mes consommations ».

Ou alors est-ce un moyen d’avoir toujours de quoi tremper ses lèvres, même si les hôtes sont de grossiers merles qui ne resservent jamais ? Car, suçoter un verre, cela vous permet d’échapper à une conversation idiote, à un regard insistant, à une question importune, voire même de jouer les belles mystérieuses.

Non, décidément, pas assez pour justifier un comportement à ce point répandu.

Peut-être faut-il tout de même y voir un produit de l’évolution. C’est en ne terminant pas son écuelle que Lucy aurait conquis sa place au soleil, alors que son bouffis de compagnon pouvait tranquillement écluser les rivières.

Mais comment cela s’est-il passé ?

Comme vous le savez, nos ancêtres ont d’abord vécu dans les arbres africains, se nourrissant essentiellement de fruits et s’abreuvant d’eau de pluie. Tout allait pour le mieux ; mâles et femelles avaient les mêmes occupations et ne différaient donc ni par la force ni par l’adresse.

Mais le sol se mit à trembler, des montagnes s’élevèrent là où il ne fallait pas, faisant barrage aux pluies. La forêt disparut et nos ancêtres durent chercher leur pitance dans la savane. Imaginez le changement !

D’abord, plus question de se trimballer à quatre pattes : il fallait se mettre debout pour voir venir le danger – ou les proies – au-dessus des hautes herbes. Se planter ainsi sur les deux pattes arrières change tout l’équilibre du corps ; il faut notamment un bassin plus solide, résistant au poids nouveau, donc plus étroit. Facile pour les mecs. Mais les filles ? Bassin plus étroit ? Donc naissances beaucoup plus difficiles et risquées. Ne purent survivre que celles qui accouchaient de prématurés. C’est ainsi que, peu à peu, l’enfant humain devint le seul animal nécessitant des soins attentifs durant plusieurs années de sa jeunesse.

Et qui allait prodiguer des soins aux petiots ? Les femelles évidemment puisqu’elles étaient dotées de mamelles.

Et comment allaient-elles faire pour se nourrir elles-mêmes, ce qui impliquait de courir la brousse pour y trucider les proies cachées dans les herbes. Essayez de vous livrer à l’exercice en trimballant un nouveau-né et vous m’en direz des nouvelles.

Une seule solution : faire alliance avec un de ces mâles stupides qui ne transportent que leurs génitoires. Et en échange : « J’te jure mec, mes prochains mômes seront de toi ! ». Et aussi : « Quand tu veux, où tu veux, je peux ». Fini l’oestrus, Madame était prête tout le temps.

Tout ça se trouve dans « La stratégie du sexe » d’Helen Fischer (1983).

Fallait encore que Monsieur en ait l’envie, que l’idée traverse son cerveau…

Parce que les femelles de l’époque - ce n’est pas pour critiquer - elles étaient très poilues (mais pas idiotes puisqu’elles refusaient à mettre des talons hauts).

Quel rapport avec les verres non vidés de nos compagnes ?

J’y arrive. La suite ne se trouve pas dans le livre d’Helen Fisher.

On avait donc réglé la question de la nourriture en faisant alliance avec un mâle. Pour la boisson, il y avait toujours l’eau des flaques.

Quand il y avait des flaques. Parce qu’il ne pleuvait pas tout le temps. Donc, il y avait des périodes où on se chamaillait pour une lapée.

Madame prit alors l’habitude de se pencher la première pour boire. Et Monsieur laissa faire (un peu comme, aujourd’hui, il s’efface pour laisser Ginette franchir la porte en premier ou qu’il l’invite « à prendre un dernier verre »…mon oeil). Ainsi penchée, en très petite tenue, sur sa flaque, Madame mettait en valeur les parties les plus explicites de son anatomie féminine. Des idées venaient à Monsieur. Coït s’ensuivait donc pendant que la donzelle sirotait son breuvage.

Mais elle devait prendre garde à en laisser un peu au risque de voir l’autre excité se mettre à récriminer ensuite, encore tout essoufflé qu’il était.

Voilà. Vous savez tout. Si les dames laissent un fond dans leur verre, c’est à l’origine pour la préservation de l’espèce.

Mais il faudrait leur signaler que ce n’est plus nécessaire. Parce que boire assis à table n’ouvre pas les mêmes perspectives visuelles et n’enclenche donc pas les mêmes conséquences.

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