La primauté du suffrage universel est le principe essentiel de notre République. Dans les débuts de la IIIème République la démission de Mac Mahon, battu après la dissolution - le "coup d'Etat" - du 16 mai semblait l'avoir affirmé de façon irréversible.
La fin de la IIIème République, les errements de la IVème montrèrent le risque redoutable, voire mortel, qu'il y avait à s'en écarter. À travers la Constitution de 1958 et la réforme constitutionnelle de 1962, la Vème République en a fait, elle, son principe fondateur.
Les règles en sont claires. Un Président de la République tient sa légitimité du suffrage universel. Une majorité parlementaire est habituellement issue du suffrage universel. Un éventuel conflit entre exécutif et législatif peut être tranché par la voie de la dissolution, c'est-à-dire par le suffrage universel. Un président désavoué après une dissolution qui ne lui apporte pas de majorité, doit soit se retirer, soit accepter les contraintes d'une cohabitation avec la majorité issue des urnes.
M. Macron n'a visiblement pas compris cette règle.
Il a connu un premier échec lors des élections européennes dans la campagne desquelles il s'est volontairement engagé en soutenant plus que de mesure les candidats de son propre camp.
Il a connu un second échec avec la dissolution. Sans doute celle-ci procédait elle d'une tentative de manoeuvre : profiter de l'apparente division de la gauche pour se mettre en position de sauveur face au Rassemblement national. La constitution du Nouveau Front Populaire et sa forte poussée au second tour ont assuré la défaite de l'extrême droite. La majorité jusqu'alors fragile de M. Macron s'est trouvée, elle, raccourcie de cent têtes.
Certes, dans la nouvelle Assemblée nationale, aucun des camps en présence n'obtient la majorité. Mais cette circonstance ne rend pas, par elle-même, sa légitimité perdue au Président de la République. On comprend mal dès lors le rôle plus qu'ambigu que ce dernier prétend s'attribuer. Au mieux, il pourrait exercer le rôle d'un honnête courtier, en essayant une à une les différentes solutions ou combinaisons imaginables. Mais au lieu de cela, il prétend se conduire en maître du jeu, décidant qui a le droit de participer à une tentative de coalition et qui n'en a pas le droit. Autant que l'on puisse en savoir des entretiens qu'il tient avec différents responsables politiques -issus ou non de l'Assemblée nationale- il prétend imposer le champ et les limites d'action d'un éventuel gouvernement ou d'une hypothétique coalition.
Tout permet de penser que ces manoeuvres conduisent M. Macron à un troisième échec : l'impossibilité de constituer un gouvernement conforme à ses voeux ou le renversement rapide d'un gouvernement de complaisance par l'Assemblée nationale.
Contrairement à ce que laissent entendre les serviteurs zélés de la "macronie" -certains ont même osé envisager l'application de l'article 16-, nous ne serons alors nullement dans une impasse.
Dans l'hypothèse que nous traversons, les institutions donnent une solution parfaitement claire : c'est la démission du Président en exercice et l'élection d'un nouveau Président de la République au suffrage universel. Cela d'autant plus qu'à la différence de l'élection parlementaire qui ne permet pas toujours -nous en faisons l'expérience- de dégager une majorité claire, l'élection présidentielle se termine, elle, toujours par l'élection d'un seul et unique président.
On nous dira certes que c'est prendre le risque de voir arriver un président ou une présidente d'extrême droite. Mais le pourrissement du débat politique auquel nous assistons aujourd'hui est le plus sûr moyen d'offrir un marchepied à l'extrême droite. L'expérience des récentes législatives nous a montré que dans l'immédiat les Français restaient assez lucides pour écarter un tel danger.
On nous dira aussi qu'un nouveau président -ou nouvelle présidente- se trouvera devant la même Assemblée nationale qu'il -ou elle- ne pourra dissoudre avant juin 2025. On doit toutefois considérer que fort d'une véritable légitimité et soucieux d'abord de répondre aux aspirations des Français, il -ou elle- saura appeler aux compromis nécessaires et rassembler autour des objectifs d'ambition nationale et de justice sociale et fiscale, tous eux, nombreux, qui veulent voir le pays sortir de l'impasse.
Daniel Garrigue, ancien député.